Barack Obama va-t-il changer de politique étrangère ?
Le président américain prête serment aujourd'hui pour son second mandat. Il a constitué une nouvelle équipe, avec notamment John Kerry et Chuck Hagel. Voici les points chauds de la diplomatie américaine pour les années à venir.
Une main sur la Bible, il jure de protéger et de défendre la Constitution. Après avoir prêté serment en présence de son épouse et de ses deux filles à la Maison Blanche dimanche, Barack Obama entre dans son second mandat, lundi 21 janvier, lors d’une cérémonie d’investiture très symbolique face au siège du Congrès américain à Washington (Etats-Unis), devant quelque 800 000 personnes. Quelles seront les grandes lignes de sa politique étrangère pour ces quatre nouvelles années à la tête des Etats-Unis ? Francetv info lève le voile sur la nouvelle diplomatie américaine.
Une nouvelle équipe pour une nouvelle politique ?
En décembre, Barack Obama a annoncé la nomination de John Kerry pour prendre la succession d'Hillary Clinton à la tête du département d’Etat. Le sénateur démocrate est "un négociateur réputé", "partisan du dialogue, y compris avec les ennemis des Etats-Unis", décrit Le Monde.
Le remaniement de l'équipe présidentielle s'est poursuivi en janvier, avec la nomination de l'ancien sénateur républicain Chuck Hagel à la tête du Pentagone. Ancien combattant du Vietnam, il avait sévèrement critiqué la guerre en Irak menée à partir de 2003 par l'administration de George W. Bush, et fait figure de franc-tireur dans son camp. Ses critiques sur l'influence du lobby pro-israélien à Washington provoquent l'ire des défenseurs d'Israël. Des poids lourds républicains ont d'ailleurs condamné sa nomination, reprochant à Hagel d'être l'ennemi des Etats-Unis et de s'opposer aux sanctions contre Téhéran.
"Barack Obama a construit une équipe très solide faite d'hommes qui se connaissent parfaitement, fortement ancrée dans la politique et extrêmement expérimentée", analyse Vincent Michelot, spécialiste de l'histoire politique des Etats-Unis, qui souligne également l'arrivée à la tête de la CIA de John Brennan. Cet ancien de l’administration Bush, qui a déjà passé vingt-cinq ans au sein de la Centrale du renseignement, était le conseiller d'Obama pour les affaires de terrorisme durant le premier mandat du président. Ces quatre années ont ainsi "redonné une virginité" à cet ex-défenseur des pratiques d'interrogatoires "musclées", comme le souligne Le Point.
Au final, conclut le Financial Times repris par Courrier international, "Barack Obama n'a pas simplement complété l’équipe de sécurité nationale de son second mandat, il a aussi signé l’abandon de ce qui a constitué l'essentiel de la politique étrangère de George W. Bush".
Stop aux interventions militaires de longue durée
Si le président a réuni une équipe très solide, ce n'est pas pour se lancer dans de nouvelles guerres. "Depuis le début de son premier mandat, le président voulait achever le retrait des troupes d'Irak et mettre en place les conditions pour que les soldats puissent partir d'Afghanistan" explique Vincent Michelot. "Il veut mener une politique militaire de light footprint (empreinte légère), moins visible, moins lourde."
Début 2012, Libération relatait que "les forces armées américaines seraient réduites de 570 000 hommes à 490 000 sur la prochaine décennie". Lors de la visite officielle du président afghan, Hamid Karzaï, à Washington du 8 au 12 janvier, Barack Obama a révélé son intention "d'accélérer la transition sécuritaire en Afghanistan et de ne laisser que peu de troupes américaines après 2014", rapporte le New York Times (en anglais).
Le 6 janvier, le président américain a également présenté un plan stratégique pour les dix prochaines années, détaillé par le New York Times (en anglais), qui délaissera les opérations longues et coûteuses, comme en Irak et en Afghanistan.
Au Moyen-Orient, le compte à rebours a commencé
C'est la crise nucléaire iranienne qui sera "le dossier le plus brûlant" du président réélu, estime Vincent Michelot. Barack Obama s'est engagé de façon explicite à empêcher l'Iran d'obtenir la bombe atomique. Mais le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a pressé - en vain - ces dernières semaines l'administration Obama de fixer une "ligne rouge" à Téhéran. "Il n'y a pas de changement de position des Etats-Unis, mais une contrainte de temps. A la fin de l'été 2013, il va bien falloir prendre une décision. Cela signifie que soit l'Iran donne des garanties pour éviter une intervention militaire, soit les Etats-Unis frappent", juge Vincent Michelot.
Quant à la question israélo-palestinienne, "il y a une marge d'inflexion", pense le spécialiste. "On a rarement eu dans un campagne électorale une intervention si forte pour un des candidats, avec le soutien de Benyamin Netanyahu à Mitt Romney. Les relations avec lsraël sont donc tendues ces derniers temps. Mais il faut reconnaître que les Etats-Unis ont beaucoup fait pour Israël et qu'ils ont donné des garanties à la Palestine."
Les nouveaux dossiers chauds : le Mali et la Syrie
Malgré les dissensions avec la Russie, une intervention américaine en Syrie est-elle possible ? D’après la Brookings Institution, l'un des plus anciens think-tank américains, le régime syrien s'effondrera tout seul, mais les Etats-Unis devraient avoir une approche plus active "pour assurer une transition stable vers la période après-Assad".
Le Mali est un autre dossier chaud qui s'est invité sur le bureau du président. Les Etats-Unis apportent déjà un soutien logistique à l'intervention militaire française. Après la prise d’otages en Algérie, le président Obama se décidera-t-il à apporter également un soutien militaire ?
Vincent Michelot ne croit pas à une intervention militaire américaine. "Même si la France est déjà engagée au Mali, les Etats-Unis semblent réticents à la rejoindre. Ils ne le feront pas, à mon avis. Et concernant une intervention militaire en Syrie, je n'y crois pas une minute. Une telle action entraînerait une série de réactions très défavorables en Iran, et Obama veut éviter les représailles. Sauf si Bachar Al-Assad utilise des armes chimiques. Comme Barack Obama l’avait déjà affirmé, cela pourrait provoquer une intervention américaine."
Priorité à la Chine
Comme l'explique The Economist (en anglais), il n'y a pas de relation bilatérale plus capitale actuellement que celle entre les Etats-Unis et la Chine, qui pourrait devenir la première économie mondiale dans quelques années. "Imaginez, affirme l'hebdomadaire britannique, ce qu'un accord sur le climat entre les deux pays pourrait changer piour l'environnement." Et de critiquer : Obama "devrait passer moins de temps à jouer au golf et plus de temps à Zhongnanhai", le parc à Pékin qui abrite le siège du gouvernement de la République populaire de Chine.
"L'essentiel des relations internationales - vu de Washington et d’ailleurs aussi de Pékin - sera centré sur la relation sino-américaine, confirme à RFI Philipe Golub, professeur de relations internationales à l'université américaine de Paris. Les Etats-Unis veulent maintenir leur position en Asie orientale et contestent l’idée chinoise que la Chine devrait être le cœur de cette région et y reprendre sa place historique." Pour la Brookings Institution, il faut donc trouver une nouvelle stratégie à l'égard de la Chine et ne pas oublier de rassurer les partenaires régionaux des Etats-Unis.
Avec la Russie, un redémarrage difficile
Signé durant le premier mandat d’Obama, le traité "New Start" devait réduire le nombre d'armes nucléaires de la Russie et des Etats-Unis et améliorer leurs rapports. Or les relations entre les deux pays se sont dégradées depuis. Une situation que Vincent Michelot impute à la Russie, "qui semble défendre Bachar Al-Assad en Syrie et fait obstacle à toute résolution de la part des Etats-Unis où du Conseil de sécurité de l'ONU". Pour l'expert, l’impasse diplomatique durera tant que la Russie campera sur ses positions, et que Bachar Al-Assad sera au pouvoir.
Par ailleurs, avec la loi "Dima Iakovlev" interdisant aux Américains d'adopter des enfants russes, en réponse à la liste Magnitski aux Etats-Unis, les relations entre les deux pays se sont encore rafraîchies. Et "certainement, il y a entre les deux un vrai problème de dialogue. Obama et Poutine, c'est un grand couple de leaders qui démontre une parfaite incapacité de dialogue, connivence ou de sympathie", ajoute Vincent Michelot.
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