Chic, une bière : la métamorphose d'une boisson beauf
Moins chère que le vin, conviviale (voire branchée), la bière continue sa mue de mousse popu en breuvage tendance.
ECONOMIE – Le business de la mousse est en ébullition. Le numéro 3 mondial de la bière, le Hollandais Heineken, a réalisé une percée historique sur le marché asiatique vendredi 28 septembre, en rachetant la marque Tiger. La période y est propice : l'amour du houblon se répand à travers le monde. En pleine Oktoberfest, traditionnelle fête de la bière organisée à Munich (Allemagne) jusqu'au 7 octobre, FTVi s'est penché sur la nouvelle image d'une boisson à déguster, toujours avec modération, mais sans marcel ni match de foot.
Un marché qui brasse des milliards
Vietnam, Thaïlande, Philippines... En Asie du Sud-Est, 6,84 milliards de litres ont été engloutis en 2011. Selon Euromonitor, la consommation de bière, calculée dans neuf pays de la région, a bondi de plus de 6% durant cette même année. Un nouveau marché lucratif sur lequel a parié le géant Heineken : après deux mois de bataille avec un rival thaïlandais pour la conquête du juteux marché extrême-oriental, le brasseur a finalement réussi vendredi à s'emparer de la très populaire bière Tiger, en rachetant les parts détenues par son partenaire local Fraser and Neave (F&N) dans le géant singapourien Asia Pacific Breweries (APB).
Pour ce faire, Heineken a déboursé pas moins de 3,56 milliards d'euros, soit "environ trente-cinq fois ses bénéfices actuels, ce qui est très cher", souligne Justin Harper, analyste chez IG Markets Singapore. Cher mais possiblement rentable : le chiffre d'affaires d'APB a bondi de 10% en un an, et atteignait 493 millions d'euros au troisième trimestre de son exercice, clos en juin.
Par ailleurs, "cette opération porterait le montant total des fusions-acquisitions dans le secteur de la bière à près de 35 milliards de dollars (27 milliards d'euros) depuis le début 2012, selon les données compilées par l'agence Bloomberg", rapporte Le Monde.fr.
En France, on boit moins mais on déguste
Dans l'Hexagone, la tendance est tout autre. On boit moins de bière, mais on boit mieux et surtout de la meilleure qualité. "En 2010, la consommation de bières a baissé de 1,7% en France. En 30 ans, la chute est vertigineuse : -30%", écrivait Libération en avril 2011. A l'inverse, chez Kronenbourg, leader dans la bière de base (paradoxalement appelée "de luxe"), les déclinaisons "authentiques", plus qualitatives, développées ces dernières années ont connu une augmentation des ventes de 10% en 2010, selon le quotidien.
"Vendues plus chères", "plus coûteuses à produire" et de plus en plus nombreuses, ces bières de qualité poussent les marques à "dépenser davantage pour la communication et un meilleur référencement dans les rayons", poursuit Libération. Plus volontiers "conviviale" que "popu", la bière se boit moins comme Homer Simpson, et plus comme Katie Holmes. Idéal pour séduire de nouveaux segments (mesdames ?).
Bières aux huîtres et binouzes corses
Dans ce contexte, "les entreprises artisanales se sont multipliées", indiquait encore Libération, qui en recensait alors près de 400, en France, "toutes occupées à la production de spéciales". Plus surprenant, elles jouent "l'ancrage territorial : des bières corses, ardéchoises ou bretonnes ont ainsi vu le jour."
La mousse séduit désormais jusque dans des pays plus connus pour leur tradition viticole. En Italie, 445 brasseries artisanales ont été répertoriées en 2011. En 1996, elles étaient sept. Selon l'Association des producteurs de bière en Italie, elle est devenue la boisson préférée des moins de 55 ans. Une tendance encouragée par des brasseries innovantes, comme Birra del Borgo, créée en 2005 par un jeune biologiste : bière aux huîtres, aux feuilles de tabac, au moût de raisin, etc. y ont vu le jour.
Même la Maison Blanche s'est équipée de sa propre brasserie (une première), pour gratifier le président Barack Obama et son staff d'une très médiatique bière au miel.
Une créativité sans limites, internationale, et capable d'accoucher de fautes de goût notoires, comme cette bière à 55% d'alcool, brassée par les Ecossais déjantés de chez Brewdog et vendue 592 euros la bouteille. Ah, et elle est servie dans un écureuil empaillé.
Un produit de plus en plus cher…
Selon une étude de la banque suisse UBS, rapportée par Slate.fr à l'occasion de l'Oktoberfest, "un être humain doit travailler durant une vingtaine de minutes pour pouvoir profiter des plaisirs d’un grand verre de bière". Or, même sans fourrure, la pinte se vend de plus en plus cher. En 2012, l'explosion des cours des céréales, notamment du fait de la sécheresse aux Etats-Unis, devrait inévitablement se faire sentir sur les prix.
"Nous n’avons pas entièrement répercuté les augmentations du prix des céréales sur nos produits les années précédentes, confiait en août un brasseur au site du quotidien belge Le Soir. Cette fois-ci, ce sera malheureusement répercuté entièrement sur les prix en magasin." Et ces derniers devraient continuer à augmenter. En six ans, "le prix de la bière a augmenté de 20 %", écrit Le Soir. Les brasseries belges, qui ont déjà renchéri leurs prix de 6% en avril dernier, vont procéder à une hausse pouvant atteindre 3% d'ici novembre.
Côté français, le prix du demi est par ailleurs susceptible d'augmenter prochainement pour abreuver les caisses de l'Etat. Le 9 septembre, le site internet des Echos a ainsi rapporté que le gouvernement envisagerait de relever les taxes sur la bière. Celles-ci pourraient être doublées afin d'obtenir 300 millions d'euros supplémentaires.
… et de plus en plus glamour
Boisson populaire par excellence, la bière est aussi dégustée par les grands de ce monde, trinquant gaiement comme Barack Obama, ou imperturbables comme Angela Merkel. Les célébrités aussi ont troqué la coupette contre le gobelet, tandis que les marques s'affairent à commercialiser des tireuses au look de cafetière Nespresso.
Une quête de modernité venue s'inviter dans la très traditionnelle Oktoberfest de Munich. Cette année, pour la première fois, des commerçants acceptent le paiement par smartphone. Pour éviter les excès, une application spéciale permet même de saisir sa taille, son poids et le nombre de bières bues pour estimer son alcoolémie et le temps nécessaire pour la ramener à zéro. Puisqu'il s'agit de consommer avec modération, évidemment.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.