"La Grande Muraille" ou comment la Chine veut concurrencer Hollywood
La sortie du nouveau film de Matt Damon, la plus importante co-production sino-américaine, marque une nouvelle étape dans le grand bond en avant cinématographique voulu par Pékin.
La Chine, puissance économique, militaire... et cinématograpique. Déjà en 2009, le Conseil d'Etat chinois avait identifié la culture en tant qu'industrie stratégique du pays, avec comme objectif que ce secteur génère 5% du PIB national. Et rien de mieux pour se projeter à l'étranger et générer du profit que le septième art.
La sortie de La Grande Muraille, mercredi 11 janvier, avec l'acteur américain Matt Damon en tête d'affiche, marque une nouvelle étape dans le grand bond en avant cinématographique voulu par Pékin. Franceinfo vous explique comment l'Empire du milieu compte s'y prendre pour concurrencer Hollywood dans les prochaines années.
En devenant l'un des plus gros marchés mondiaux
En Chine, la fréquentation des cinémas et multiplex est fortement alimentée par l'explosion de la classe moyenne. Cet enrichissement ne devrait qu'être confirmé dans les prochaines années : d'après un rapport de la division de recherche et d'analyse du groupe The Economist, la part de la population avec un revenu faible, (36% en 2015) devrait baisser pour atteindre 11% d'ici 2030.
Fort de ce pouvoir d'achat en constante augmentation dans le pays, le box-office chinois pourrait surpasser celui des Etats-Unis dès 2017, selon le cabinet d'audit PwC (PDF, en anglais). Aussi, le parc cinématographique chinois continue de s'accroître à une vitesse folle : d'après Entgroup (en anglais), spécialisé dans l'industrie du divertissement en Chine, 26 écrans de cinéma y ont été construits chaque jour en 2016. La Chine dispose désormais de 41 000 salles, davantage que les Etats-Unis, rapportent Les Echos.
En limitant l'influence d'Hollywood dans ses propres salles
Le potentiel qu'offre le marché chinois aiguise l'appétit des studios hollywoodiens. Mais hors de question pour Pékin de se laisser inonder par le cinéma américain. Ainsi, des quotas limitent strictement la diffusion de films étrangers dans le pays. En 1994, les autorités chinoises en acceptaient dix par an, et les Américains ont depuis constamment tenté de renégocier ces quotas. En 2012, Joe Biden et le président Xi ont signé un accord permettant de faire passer le nombre de films étrangers autorisés chaque année à 34. Un chiffre qui devrait être encore revu en 2017.
Avec ce système très sélectif, la Chine a créé une très forte demande et les studios souhaitant accéder à son énorme marché n'ont pas d'autre choix que de se plier à certaines règles. Dépeindre une image positive de la Chine est un moyen de figurer parmi les 34 heureux élus. Dans Seul sur Mars, par exemple, c'est l'agence spatiale chinoise qui vient prêter main forte à la Nasa pour sauver Matt Damon. Le film de Ridley Scott a particulièrement bien performé en Chine, où il a généré plus de 94 millions de dollars, d'après Mojo Box Office.
En 2014, une bonne partie de Transformers : l'Age d'extinction se déroulait ainsi en Chine. "Michael Bay a réalisé un film qui se passe en Chine, tourné en Chine, avec des acteurs chinois, avec des placements de produits chinois et en échange, le film a eu le droit à une première sur plus de 18 000 écrans dans le pays", relève le magazine Time (en anglais). Résultat : le film a connu un énorme succès, avec 320 millions de dollars de recettes sur le marché chinois. Un record.
En investissant dans les studios hollywoodiens
Autre manière d'accéder à ce juteux marché pour les studios américains : en faisant entrée des partenaires chinois à leur capital – du coup, les films ne seront pas forcément considérés comme des films étrangers. "En 2016, les conglomérats chinois ont jeté leur dévolu sur plusieurs grands studios hollywoodiens, qui les ont accueillis à bras ouverts", remarque Le Figaro (article payant).
L'un des hommes d'affaires les plus actifs est le richissime Wang Jianlin. En 2012, il avait déjà racheté la chaîne de cinémas AMC pour 2,6 milliards de dollars. Là, il vient de racheter Legendary Entertainment, la maison-mère de Legendary Pictures, ainsi que Dick Clark Productions, la société productrice des Golden Globes. Son groupe, Dalian Wanda, s'est aussi associé à Sony pour coproduire certains des films de la firme, note Le Point.
Mais ce n'est pas tout : Wang Jianlin est en train de construire (depuis 2013) un énorme ensemble de studios de production à Qingdao, baptisé "Chinawood". Sur 165 hectares, ce complexe serait composé de 30 plateaux de tournage, dont un de 10 000 m² qui serait le plus grand au monde. Le chantier devrait être achevé en 2018. Pour Wang Jianlin, ce projet d'infrastructure est "un rêve d'Hollywood devenu réalité".
En réalisant ses propres blockbusters
C'est d'ailleurs à Qingdao que La Grande Muraille a en partie été tournée, avec l'objectif de devenir le symbole du grand bond en avant cinématographique que compte effectuer au plus vite l'Empire du milieu. Avec un budget estimé à 150 millions de dollars, le film, réalisé par Zhang Yimou, est la plus grande co-production sino-américaine en date.
La Grande Muraille fait également figure de test pour savoir si de grosses productions réalisées en Chine ont le potentiel de faire un carton au box-office en Europe et aux Etats-Unis. Sorti le 16 décembre en Chine (et prévu pour le 17 février outre-Atlantique), le film est déjà plus ou moins rentré dans ses frais malgré des critiques plutôt négatives et la polémique sur la présence d'un héros blanc au milieu de cette épopée qui verra des monstres attaquer la Grande muraille.
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