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Scandaleux, génie ou paria : qui est vraiment Chris Brown ?

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Chris Brown en concert le 1er janvier 2016, à Las Vegas, aux Etats-Unis.   (BRYAN STEFFY / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Il remplit des stades, est une star à travers le monde, mais se traîne la réputation du plus gros goujat de l'univers. Violent à plusieurs reprises au cours de sa dizaine d'années de carrière, Chris Brown est devenu un mythe pour toutes les mauvaises raisons. 

L'adverbe a son importance : Chris Brown est "encore" accusé de violence. La star américaine du R'n'B a été interpelée dans sa villa de Californie, mardi 30 août, accusée d'avoir menacé une femme avec une arme à feu. Le chanteur de 27 ans, qui clame son innocence (par le biais de son avocat, mais aussi via des vidéoset des textes postés sur Instagram pendant que les forces de l'ordre encerclaient son domicile), a été libéré quelques heures plus tard, moyennant une caution de 250 000 dollars (225 000 euros).

Ces dernières années, Chris Brown s'est fait un nom pour sa musique, grâce à laquelle il remplit les stades, mais aussi pour ses démêlés avec la justice, largement documentés dans la presse people. "Bad boy" idolâtré, jeune homme violent, paria médiatique et collectionneur de trophées, Chris Brown, c'est surtout une personnalité hors du commun, à la croisée des dérives. Et pas seulement des siennes. 

Des frasques à répétition

Ceux qui ne s'intéressent pas au R'n'B connaissent au moins Chris Brown pour "l'affaire Rihanna". En 2009, quelques heures avant la cérémonie des Grammy Awards, le jeune chanteur américain se dispute violemment avec la star de la Barbade, sa petite amie à l'époque. Le visage tuméfié (le site TMZ se procure un cliché choc de la star), Rihanna est hospitalisée, tandis que Chris Brown se rend à la police. Jugé quelques semaines plus tard, il écope d'une période de probation de cinq ans et de 180 jours de travaux d'intéret général.

En juin 2012, il se bat avec son rival, le chanteur canadien Drake, dans une boîte de nuit new yorkaise, puis avec Franck Ocean, autre star du R'n'B, quelques mois plus tard. A la suite d'une nouvelle altercation avec un homme, en octobre 2013, un juge envoie Chris Brown suivre un stage de gestion de colère dans un centre de désintoxication. Mais en mars 2014, l'artiste se fait renvoyer et doit passer un mois en prison. L'épisode ne lui a manifestement pas beaucoup servi. Deux ans plus tard, en plein festival de Cannes, une vidéo publiée sur le site américain TMZ (encore) montre Chris Brown en train de piétiner la tête d'un inconnu, un entrepreneur parisien qui passait la soirée dans la même boîte de nuit que la star, rapporte Nice Matin. 

L'entourage de l'artiste ne cherche d'ailleurs pas à enjoliver son comportement : au printemps, son manager Mike G, engagé en 2011 pour le remettre dans le droit chemin, et sa chargée de relations presse, Nicole Perna, démissionnent ensemble, déplorant l'attitude du chanteur.

Autant de charges qui pèsent lourd contre cet habitué des sorties exécrables sur les réseaux sociaux, ce troll ultime capable de (en vrac) : se déguiser en terroriste pour Halloween, interpeller la chanteuse Kehlani sur Twitter pour se moquer de sa tentative de suicide, traiter la transsexuelle Caitlyn Jenner de "projet scientifique", se féliciter d'avoir remporté un Grammy en tweetant : "DETESTEZ-MOI TANT QUE VOUS VOULEZ MAINTENANT QUE J'AI UN GRAMMY ! Je vous ai tous bien NIQUE !" ou, pour finir, de conseiller à ses fans sur Instagram d'aller voir son nouveau clip alors que, au même moment, la police tambourine à la porte, un mandat de perquisition à la main. 

Une vraie star de la musique

Mais alors, tout le monde déteste Chris ? "En dépit du consensus général selon lequel il est un crétin, Brown continue d'être une énorme célébrité, une star qui gagne beaucoup d'argent, continue de collaborer avec les plus grands noms de la pop et du hip-hop et qui s'apprête à sortir son huitième album", souligne mercredi un journaliste d'Eonline. Difficile en effet d'estimer l'impact de ces dérapages à répétition sur la carrière de l'artiste. Si son troisième album, Graffiti, sorti quelques mois après les violences contre sa compagne, a affiché des ventes en demi-teinte (un peu plus de 340 000 ventes physiques aux Etats-Unis), les critiques d'alors y voient davantage un échec artistique qu'une réaction outrée du grand public.

Surtout que dès l'année suivante, Chris Brown se rachète une crédibilité en bluffant la salle lors d'un hommage à Michael Jackson qu'il conclut en larmes, sur la scène des BET Awards, cérémonie qui récompense les artistes afro-américains. La prestation rappelle que ce "crétin" de Chris Brown est un danseur et chanteur hors pair, qui s'inscrit directement dans la lignée du roi de la pop.  Avec F.A.M.E, en 2011, "Breezy" culmine d'ailleurs au sommet des charts et revient en grâce avec un Grammy Award et cinq trophées au BET Award. 

"Après l'incident [le cas de violence conjugale], ce qui se disait, c'est que plus personne ne travaillerait avec lui, qu'il ne pourrait plus rien sortir. Mais cela s'est révélé faux", relevait dès 2010 l'ancienne rédactrice en chef de Rolling Stone, Caryn Ganz, citée par CNN"Il a complétement pénétré la scène pop et R'n'B", confirme six ans plus tard Iyana Robertson, éditrice de BET Music, citée par le New York Post

Même s'il ne sort pas d'album, il apparaît sur les titres d'autres (...) Quand il dit : 'voilà ce que je suis. Aimez ou détestez cela, c'est votre choix', cette honnêteté crue plaît à ses fans.

Ilyana Robertson, éditrice de BET Music

au "New York Post"

Rassemblés sur les réseaux sociaux derrière le hashtag #TeamBreezy, les fans de Chris Brown défendent coûte que coûte l'artiste et crient régulièrement à l'acharnement médiatique. Mercredi, des centaines de messages assuraient que Chris Brown, papa d'une fillette de deux ans, en avait terminé avec les frasques. Certains rappellent que l'accusatrice, une Miss californienne et aspirante actrice, Baylee Curran, est impliquée dans une affaire de vol de sac Louis Vuitton datant de 2013. D'autres choisissent encore de dissocier l'art de l'artiste. Ceux-là savent sans doute que Chris Brown n'est pas la première célébrité à se montrer violente. 

Détesté par les médias

Un jour, pour décrire la Corée du Nord dans un sketch, le comédien américain Conan O'Brien n'a pas hésité à dire qu'elle était "le Chris Brown des pays". Jadis qualifié de "célébrité la plus haïe des Etats-Unis", Chris Brown est souvent "le pire" ou encore "un imbécile" aux yeux des médias, qui ne se privent pas de lister ces "tweets les plus insultants" ou "les moments les plus insupportables" de l'artiste. Evidemment, tous condamnent les violences à l'encontre de femmes. Mais alors, pourquoi traiter ainsi Chris Brown et se montrer plus tolérant à l'égard d'un Eminem, qui a reconnu avoir été violent à l'égard de son ex-compagne ? De Ike Turner à John Lennon, les artistes masculins accusés de violences conjugales ont longtemps pu mener leur carrière sans voir leur mythe écorné. Quant à la violence autre que conjugale, elle entre dans la narration de nombreux genres musicaux, du hip-hop au punk.

Pour une journaliste de Noisey, dont un billet sur Chris Brown a été publié en 2012, il ne faut pas sous-estimer l'aspect racial de cette différence de traitements. Cette année-là, le chanteur (blanc) du groupe de rock Surfer Blood, John Paul Pitts, est accusé de violence conjugale. Et la journaliste relève alors que le traitement réservé à John Paul Pitts, présenté comme "torturé", est bien différent. "Bien que ce qu'a fait Brown à Rihanna est terrifiant, son traitement par les médias (majoritairement) blancs a été indéniablement différent, résume Noisey. Quand les critiques musicaux ont donné à Pitt la possibilité de se justifier, Brown, lui, a été diabolisé."

Surtout, les médias s'indignent de l'attitude désinvolte de l'artiste, enclin à alterner excuses peu convaincantes et sorties de route verbales. Ainsi, même si Rihanna a publiquement pardonné son ex, la presse, elle, continue de voir dans ses innombrables dérapages postérieurs la preuve que Chris Brown n'a pas changé. Irrécupérable. Au point qu'une journaliste du Huffington Post nous expliquait en 2013 "pourquoi il fallait pardonner à Rihanna d'avoir pardonné à Chris Brown".  Pourtant, en traitant cette violence comme un "mème" (une blague virale sur internet) ou un feuilleton, la presse ne se trompe-t-elle pas sur le cas de Chris Brown ? N'écarte-t-elle pas, d'une part, la gravité des accusations et, d'autre part, les tendances autodestructrices de l'artiste, diagnostiqué bipolaire selon des documents légaux rendus public en 2014 ?

Le gros problème de Brown, ce n'est pas un cas de connardise 'aiguë'

Eonline

"Il a des problèmes médicaux et a eu des soucis d'addiction (...) Il a 27 ans aujourd'hui. Il est trop âgé pour plaider la stupidité et l'ignorance", poursuit Eonline, mercredi.  Surtout lorsqu'il est "encore" accusé d'actes violents. "Toute cette merde ne fait que me donner une meilleure publicité !", lance-t-il ainsi dans une vidéo tournée mardi soir depuis sa villa et publiée sur Intagram, avant de s'en prendre à la police. "Vous allez me faire passer pour le méchant, dire que je suis fou, mais je ne le suis pas." Certes Chris, mais tu n'es pas dans ton état normal, si ?

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