Le président de Chypre veut des aménagements dans la taxe sur les dépôts bancaires
Le président Nicos Anastasiades, qui peine à défendre le plan de sauvetage européen dans son pays, a déclaré "se battre afin que l'Eurogroupe amende ses décisions" pour "limiter l'impact sur les petits déposants".
"J'ai choisi l'option la moins douloureuse, et j'assume le prix politique pour cela." Le président de Chypre, Nicos Anastasiades, a défendu dans un discours télévisé à la nation, dimanche 17 mars au soir, la taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires, imposée comme condition au plan de sauvetage européen de l'île. Mais il a surtout expliqué "se battre afin que l'Eurogroupe amende ses décisions dans les prochaines heures pour limiter l'impact sur les petits déposants".
Le plan de sauvetage de Chypre, élaboré par les représentants de la zone euro et du Fonds monétaire international (FMI) en concertation avec les autorités du pays, inclut un prélèvement direct sur les comptes domiciliés dans l'île, qu'ils appartiennent à des citoyens de Chypre, résidents ou non, ou à des étrangers. Cette taxe inédite, de 6,75% sur les dépôts inférieurs à 100 000 euros et de 9,9% au-delà, devrait rapporter 5,8 milliards d'euros, qui s'ajouteraient à 10 milliards prêtés par la zone euro et le FMI.
Cette mesure soulève certaines inquiétudes parmi les économistes. Mais surtout, elle se heurte à l'indignation des Chypriotes et d'une partie de la classe politique de l'île. Craignant un rejet, le gouvernement a été contraint, dimanche, de reporter à lundi le débat parlementaire censé conduire à l'adoption de la taxe. Celle-ci doit pourtant entrer en vigueur dès lundi (jour férié à Chypre), afin que les dépôts puissent être ponctionnés avant la réouverture des banques, mardi.
Des aménagements pour les petits comptes ?
Nicos Anastasiades a d'abord tenté de défendre le plan avec un message très direct : "Nous avions le choix entre le scénario catastrophe d'une défaillance non contrôlée, et une gestion douloureuse mais contrôlée de la crise", a-t-il expliqué à son retour de Bruxelles, évoquant le spectre de faillites bancaires en série et "l'éventualité d'une sortie de l'euro".
Dimanche soir, dans son message à la nation, le président conservateur s'est montré plus nuancé, expliquant "partager totalement le mécontentement causé par une décision difficile et douloureuse" et plaidant pour des aménagements.
Sont-ils encore possibles à ce stade ? Certaines voix en Europe se sont en tout cas exprimées en ce sens. Le président du Parlement européen - non décisionnaire sur ce sujet, qui relève uniquement des membres de la zone euro -, l'Allemand Martin Schulz, a déclaré dimanche que le plan devait être "socialement acceptable", dans un entretien au Welt am Sonntag (en allemand). S'il est "normal de faire participer les clients des banques", il estime que le plan devrait être aménagé "par exemple avec une exemption de taxe" pour les comptes inférieurs à 25 000 euros.
Le gouvernement face aux réticences de ses alliés
De telles concessions pourraient être nécessaires pour faire adopter le texte par les députés chypriotes. Selon la chaîne chypriote privée Sigma TV, le président, élu en février à la tête de l'île, peinerait à garantir ne serait-ce qu'une majorité simple pour soutenir le texte au Parlement. Son parti de droite, le Disy, n'y détient que 20 des 56 sièges.
Officiellement, selon la télévision publique, le débat a été repoussé à lundi pour "permettre aux députés d'être parfaitement au fait de la situation et mieux informés". Dans les faits, il s'agit de dissuader certains députés de faire barrage au texte.
En effet, même les partenaires du président dans la coalition gouvernementale ont émis des réserves. Tandis que certains des neuf députés du Diko (centre-droit) ont fait part de leur désaccord, leur chef, Marios Garoyian, a indiqué avoir évoqué avec le président la recherche de "solutions alternatives".
Au cœur du débat : le poids du secteur financier
Le débat porte sur l'équilibre à trouver dans l'assiette de la taxe. Parmi les premiers visés : les oligarques russes et autres financiers qui ont placé leurs fortunes dans un secteur financier florissant, disproportionné par rapport à la taille de l'île.
Ainsi, les avoirs russes à Chypre s'élèveraient à eux seuls à au moins 15 milliards d'euros, selon les estimations circulant dimanche, émanant notamment de l'agence de notation Moody's. Certains, comme Les Echos, évoquent un "centre financier offshore". D'autres, à l'instar du correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, sur Twitter, n'hésitent pas à parler de paradis fiscal.
Le secteur bancaire chypriote ne voit pas les choses du même œil, s'estimant victime de la solidarité européenne : les banques ont dû effacer de très importantes dettes grecques. Cette opération leur a coûté 4,5 milliards d'euros et a empêché certaines de respecter les nouvelles normes européennes en termes de capitalisation.
Restent les ménages de la classe moyenne qui, eux, n'ont guère profité des services financiers de pointe offerts dans l'île. Mais que le gouvernement chypriote va tout de même devoir convaincre, via leurs représentants, de mettre la main à la poche.
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