COMPETITIVITE - Il s'appelle officiellement "Pacte pour la compétitivité de l'industrie française". Le "rapport Gallois", du nom du commissaire général à l'investissement qui l'a concocté, Louis Gallois a été remis, lundi 5 novembre au Premier ministre. 74 pages divisées en six sections, qui mêlent constat sur l'état de l'économie française et propositions. Francetv info vous en dit l'essentiel.
1Les maux de l'industrie
"Il ne peut y avoir d'économie forte sans industrie forte", entame Louis Gallois dans son propos introductif. Et de rappeler les 750 000 emplois industriels supprimés en France ces dix dernières années, ainsi que la baisse de la capacité d'autofinancement des entreprises ou encore l'augmentation du déficit du commerce extérieur de la France. "La côte d'alerte est atteinte", s'inquiète le rapport dans une première section, qui souligne que "la diminution du poids de l'industrie dans le PIB français est plus rapide que dans presque tous les pays européens".
Parmi les indices : la part de l’industrie (hors construction) dans la valeur ajoutée totale, en France, "passée de 18 %, en 2000, à un peu plus de 12,5 %, en 2011, nous situant désormais à la 15e place parmi les 17 pays de la zone euro, bien loin de l’Italie (18,6 %), de la Suède (21,2 %) ou de l’Allemagne (26,2 %)". Mais aussi la dégradation de l'emploi industriel et "la perte de parts de marché considérables à l'exportation", assène le document.
En ligne de mire des auteurs du rapport : le positionnement de l'Hexagone, "sur le milieu de gamme en matière de qualité et d'innovation", alors que ses coûts sont élevés. De fait, la France est coincée d'un côté par des pays comme l'Allemagne, aux coûts semblables mais protégés par le haut niveau de gamme, et de l'autre côté par les pays au très faible coût du travail. Mais "les facteurs macroéconomiques sont essentiels", indique le document qui voient "le poids de la fiscalité lié au niveau élevé
des dépenses publiques", la mauvaise articulation entre la recherche-développement et la formation avec les besoins des industries,ainsi que "le fonctionnement défectueux du marché des services, marqué par le poids des professions réglementées" comme facteurs handicapants pour l'industrie française.
2Une somme d'objectifs variés
Au delà du constat, le rapport Gallois fixe plusieurs objectifs pour l'économie française. Dont le doublement du nombre d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) industrielles, pour l'instant au nombre de 1 300, et dont le document souhaite qu'elles "structurent le tissu industriel" français. Ou des délocalisations moins généralisées. "D’autres pays ont su conserver sur leur sol les éléments les plus critiques de ces processus industriels (segments de haute technologie, assemblage)", justifie le rapport Gallois.
Conséquence directe de ces constats d'échec, le document préconise une "montée en gamme de la production française", doublée d'un "effort considérable de productivité, d’innovation,de qualité et de service". Au passage, il réfute une politique de la demande, plus efficace à court terme pour soutenir la croissance mais qui se traduirait par "une forte poussée des importations et du déficit extérieur". Enfin, le pacte pour la compétitivité espère la reconnaissance des chefs d'entreprises pour "leur contribution au développement de l'économie", tout en exprimant un besoin de rééquilibrage dans les actionnariats des entreprises qui privilégierait les acteurs qui "jouent le long terme".
3 Les 22 mesures préconisées
Le rapport préconise une chose avant tout, pour ériger la compétitivité en priorité nationale : accompagner chaque "nouvelle disposition législative ou réglementaire significative, [...] d’un document précisant son impact sur la compétitivité industrielle et les moyens d’en réduire les effets négatifs éventuels".
Plus concrètement, le rapport fait 22 propositions :
- Que l'Etat s'engage à ne pas modifier au cours du quinquenat plusieurs dispositifs comme le crédit impôt-recherche, ou ceux en faveur de l'investissement dans les PME.
- L'introduction dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises de plus de 5 000 salariés, d'au moins 4 représentants des salariés.
- La création d'un Commissariat à la Prospective, "lieu d'expertise et de dialogue social".
- Créer un choc de compétitivité de 30 milliards d'euros en transférant une partie significative des charges sociales jusqu'à 3,5 Smic,vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique. "Ce transfert concernerait pour 2/3 les charges patronales, et pour 1/3 les charges salariales."
- Mener les recherches sur les techniques d'exploitation des gaz de schiste
- Aligner les conditions de crédit sur le meilleur niveau constaté dans les pays avancés et créer un "prêteur direct" public.
- Sanctuariser le budget de la recherche publique et celui du soutien à l’innovation sur la durée du quinquennat.
- Créer un mécanisme d’orientation de la commande publique vers des innovations et des prototypes élaborés par des PME avec pour objectif 2 % des achats courants de l’État.
- Créer, au sein de la Banque Publique d'Investissement, un produit constitué d’actions de préférence sans droit de vote pour faire face à des besoins de croissance d'entreprises dont les propriétaires souhaitent garder le contrôle.
- Elaborer un équivalent du "Small Business Act", comme cadre de cohérence des dispositifs en faveur de la croissance des PME.
- Conditionner les soutiens de l’État aux actions des grandes entreprises à leur capacité à y associer leurs fournisseurs et sous-traitants.
- Renforcer la gouvernance et les moyens des comités de filières de la CNI (Conférence nationale de l'Industrie).
- Donner aux régions la responsabilité de coordonner l’action des différentes structures régionales en charge de promouvoir l’innovation et le développement de l’industrie, ainsi que d’animer le dialogue social.
- Systématiser la présence des entreprises dans la gouvernance de l’enseignement technique et professionnel au niveau des établissements.
- Doubler le nombre de formations en alternancesur la durée du quinquennat
- Demander aux partenaires sociaux de négocier les modalités de mise en œuvre d’un compte individuel de formation attaché non au statut, mais à la personne.
- Confirmer aux Commissaires aux comptes qu’ils doivent obligatoirement joindre à leur avis sur les comptes de l’entreprise, un rapport sur le crédit interentreprises.
- Allonger la "durée" des contrats d’assurance vie par une adaptation de leur régime fiscal en avantageant ceux en actions par rapport à ceux en obligations.
- Doubler en cinq ans la capacité de la BPI à développer des partenariats
public-privé pour soutenir les entreprises ayant de forts besoins d’investissement au moment de l’industrialisation de leurs innovations.
- Donner au Commissariat Général à l'Investissement la mission de porter trois priorités techniques et industrielles : les technologies génériques, la santé et l’économie du vivant et la transition énergétique.
- Accompagner toutes les décisions européennes sur la concurrence d’un avis d’experts économiques et industriels extérieurs à la Commission et rendre cet avis public.
- Autoriser les entreprises qui le souhaitent à faire présider le comité d’entreprise par un représentant des salariés.
4Les raisons d'espérer
"Aucune fatalité ne nous condamne à la désindustrialisation", écrit tout de même Louis Gallois. "D'autres pays européens réussissent", "La France a des atouts
des pôles d’excellence mondiaux" , note aussi le document qui cite en vrac "l’industrie culturelle, le luxe, la pharmacie, l’industrie aéronautique et aérospatiale, l’industrie nucléaire et le tourisme".
Parmi les atouts de l'Hexagone également, ses "grands groupes puissants plus nombreux qu’ailleurs" qui représentent "un avantage décisif dans la compétition internationale", "62 % de la recherche industrielle et 50 % des exportations". Ou encore "la productivité horaire", "le prix de l'énergie" et "la qualité de vie". "Cela prendra du temps même si de premiers résultats peuvent être obtenus assez rapidement", préviennent enfin les auteurs du rapport sur lequel doivent se pencher, dès mardi 6 novembre, les ministres concernés convoqués à Matignon.
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