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"J'ai honte, mais j'ai carrément vibré" : ils voulaient boycotter la Coupe du monde, mais ils ont craqué pour suivre les Bleus

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des supporters de l'équipe de France s'enflamment lors du quart de finale de la Coupe du monde contre l'Angleterre, le 10 décembre 2022 à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques). (GAIZKA IROZ / AFP)
Rattrapés par la pression des proches, l'amour du foot ou le dépit face aux records d'audiences, certains fans ont rallumé leur télé à partir du quart de finale France-Angleterre. Et ils suivront aussi la finale face à l'Argentine.

Les Bleus affrontent l'Argentine en finale de la Coupe du monde, dimanche 18 décembre à 16 heures, et toute la France sera devant sa télévision. Toute ? Non. Une frange du public continue de boycotter la compétition pour protester contre son organisation au Qatar, dans des proportions difficiles à mesurer.

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Ce qui est certain, c'est qu'alors que l'équipe de France se rapproche d'un possible troisième titre mondial, les rangs des contempteurs du Mondial qatarien se réduisent et certains renoncent. Ils ont choisi d'expliquer à franceinfo, non sans une part de culpabilité, pourquoi ils ont rallumé la télévision malgré leurs convictions.

"Un pote m'avait dit : 'Si la France va en quarts de finale, tu ne tiendras pas'. Je lui répondais : 'Pas moyen, j'irais au bout'", se souvient Alexis. Ce grand fan de foot, et notamment du PSG, s'était forgé une conviction à l'approche de la compétition, en visionnant des documentaires sur l'attribution de l'organisation au Qatar, la climatisation des stades et les conditions de travail des ouvriers.

Pour Alban, le déclic est venu "quand on a commencé à parler de boycott, et notamment de l'article du Guardian sur les 6 500 morts présumés. Je me suis dit que ce n'était pas possible de profiter d'un match joué sur un cimetière." Comme d'autres, il a aussi été refroidi par l'attitude de l'équipe de France sur les nombreux sujets de polémique.

"Les déclarations de Hugo Lloris et le fait que cette équipe n'ait rien osé faire ne me donnait pas envie qu'elle aille très loin".

Alban

à franceinfo

Chacun s'était fixé ses propres règles. Pour tenir, Alban s'autorisait à visionner les résumés des rencontres, le principal pour lui étant "que les audiences en direct baissent""Quand les Bleus jouaient, je jetais un œil au live de franceinfo en me demandant si c'était un vrai boycott", se souvient Fanou, qui avait cependant réussi à ne pas voir une seule image des matchs. Impossible pour autant d'être dans une bulle hermétique au sujet de toute la compétition. "Par la force des choses, je connaissais les résultats, explique Antoine. Avec les réseaux sociaux, c'était compliqué de passer à côté."

Un malaise vite dissipé

Et puis, ils ont craqué... "C'est comme lorsque vous avez arrêté de fumer et que vous reprenez une première clope", résume Mikaël. Lui n'était pourtant pas le moins déterminé : ancien habitué du Parc des Princes, il boycotte déjà le stade du PSG depuis que le club est passé sous pavillon qatarien. Mais vendredi soir, il était au restaurant avec un ami, pendant le quart de finale entre les Pays-Bas et l'Argentine. "La télé a accroché mon regard. Le jeu, l'adrénaline... Ça m'a repris". Le lendemain, "je suis retourné prendre ma cocaïne", plaisante-t-il. Il est retourné dans cette même brasserie pour voir la France triompher face à l'Angleterre. "J'en ai honte, mais j'ai carrément vibré". Le soir même, il a fait un don en ligne à Greenpeace.

C'est d'ailleurs essentiellement pour le match des Bleus face au voisin anglais, samedi 10 décembre, que la plupart de nos lecteurs ont craqué. "J'ai entendu la joie des voisins et en regardant sur internet, j'ai vu qu'il y avait le premier but", se souvient Fanou. "Je n'ai pas tenu et j'ai allumé la télé. Bon, mon mari a un peu boudé..." Moins fan de foot, il ne l'a rejointe qu'à la toute fin du match.

C'est au contraire la pression sociale qui a fait craquer Antoine. Après avoir refusé plusieurs soirées foot, l'étudiant en médecine n'a pas dit non pour aller regarder le choc du samedi soir : "Je suis en stage, je passe beaucoup de temps seul à travailler, ça me faisait du bien de voir des gens. J'avais peur que ça m'isole un peu de ce groupe d'amis." 

"On dit souvent qu'on se rappelle où on était en 1998. J'ai commencé à me dire que si on était champions du monde en 2022, j'aurais été dans ma chambre en train de travailler."

Antoine

à franceinfo

"Ce qui m'a le plus embêté, c'est que j'ai regardé ça comme un match normal", explique Alban. Face à leur premier match du Mondial, tous ont ressenti un léger malaise, mais aussi constaté à quel point il est simple de faire abstraction du contexte. "Je commence à le prendre un peu comme si la Coupe du monde était ailleurs qu'au Qatar, dans un stade lambda", résume Antoine, tandis que Mikaël a redécouvert "la fraternité" qui nait autour du sport : "On sort du Covid, c'est la guerre en Europe... Le football en particulier a ce pouvoir de rassembler les gens" même dans les moments les plus moroses. "On a discuté avec mon voisin marocain, on était super contents l'un pour l'autre".

Le regret de donner raison aux sceptiques

Mais ce revirement n'est pas facile à assumer quand on a annoncé à tout son entourage son intention de boycotter. Alexis avait "beaucoup prêché pour le boycott" auprès de sa famille et de ses potes, avant de céder pour France-Angleterre à l'occasion de l'anniversaire d'un ami. "Ma copine, qui m'avait suivi dans ce mouvement, n'était pas contente. Elle m'avait proposé un resto à l'heure du match pour ne pas être tentée". Depuis, il a essuyé quelques railleries. "Mon parrain m'a envoyé votre appel à témoignages pour me chambrer, en me disant : 'Tu vois, tu vas pouvoir témoigner'".

"Ce qui me désole, c'est que ça donne raison à ceux qui se moquaient", déplore Alban, attristé de la force de l'opposition au boycott de la part des fans de foot sur les réseaux sociaux, notamment. "On avait le sentiment que c'était nous qui étions débiles, à ne pas profiter du Mondial alors qu'il c'était trop tard pour protester". "Des amis m'ont reproché mon choix en m'expliquant que c'était contradictoire avec le fait que je sois fan du PSG", se souvient Alexis. "C'est dommage parce que je respecte le leur. Mais si on a une conviction, on a le droit de l'avoir."

Encouragés par la médiatisation des appels au boycott avant la Coupe du monde, beaucoup se sont sentis un peu seuls une fois les premiers matchs venus. "Quand je vois que 17,7 millions de personnes ont regardé le match France-Angleterre, je me dis que seul, je ne pèse pas grand-chose", regrette Antoine.

S'il est difficile de comparer avec précision les audiences de ce Mondial et du précédent, le boycott n'a pas empêché TF1 d'enregistrer ses meilleures scores de l'année. "Un peu dépité", Alban s'étonne que le mouvement n'ait pas pris, même dans les cercles militants de gauche auxquels il appartient : "Les gens parlaient beaucoup. Mais quand ça a commencé, c'était loin d'être massif. Parmi mes amis qui regardent habituellement le foot, je n'en ai plus qu'un seul qui tient".

"Qu'est-ce que tu vas faire pendant qu'on regarde le match ?"

Face à ce manque de mobilisation, certains restent donc fiers de leur boycott, même incomplet. "Je me dis que j'ai quand même tenu jusqu'aux quarts en restant fidèle à mes valeurs", estime Antoine. Alexis voit aussi le verre à moitié plein.  

"J'ai envoyé un message. Non pas à la Fifa ou au Qatar qui s'en foutent, mais à mes proches, sur le fait que j'ai des convictions. Je suis aussi fait de contradictions, mais qui ne l'est pas ?"

Alexis

à franceinfo

Et même si le boycott n'a pas fait s'effondrer les audiences ni les revenus de la Fifa, Mikaël veut croire qu'il a au moins un peu gâché la fête du Qatar : "Le coup de projecteur sur l'absence de droits des travailleurs immigrés fait que ça ne sera pas une victoire pour eux".

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