Twitter, Telegram, TikTok… Comment cette Coupe du monde au Qatar se regarde de plus en plus (et illégalement) sur les réseaux sociaux
La faible part des matchs diffusés en clair sur TF1, la multiplication des outils anti-piratage et l'intensification de la lutte contre le streaming classique sur les sites web participent à l'essor des diffusions illicites sur les réseaux sociaux.
Certains appellent ça le progrès. Alors que le streaming a longtemps été une aventure, quand il fallait zigzaguer entre les liens pour des contenus pornographiques, les pubs pour des sites de rencontres et les multiples fenêtres ouvertes automatiquement pour trouver un bon lien, regarder un match de football diffusé sur une chaîne payante est devenu un jeu d'enfant.
La Coupe du monde au Qatar, dont seulement 28 des 64 matchs sont diffusés en clair, l'illustre à merveille. En deux clics et sans tomber sur aucune publication gênante, un fan de football peut regarder gratuitement sur les réseaux sociaux les matchs diffusés sur BeIN Sports, où l'abonnement coûte 15 euros par mois. Sur Twitter, le match est ainsi diffusé directement sur la plateforme. Sur la messagerie cryptée Telegram, des groupes semi-privés partagent des liens d'une qualité irréprochable. Et TikTok s'y est aussi mis récemment.
L'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) estimait, dans une étude publiée en juillet (PDF), que "le piratage des contenus sportifs s'est renforcé ces dernières années, et les consommateurs illicites de retransmissions sportives visionnent essentiellement en live streaming, mais également via les boîtiers IPTV [qui diffusent illégalement les matchs directement sur la télévision] et les réseaux sociaux". L'Arcom juge ainsi que 26% des personnes qui regardent illégalement le sport utilisent les réseaux sociaux.
Jusqu'à 300 000 spectateurs
"Avant, le streaming était une galère et puis les plateformes ont commencé à diffuser de la vidéo", analyse Hervé Lemaire, directeur de LeakID, une entreprise qui chasse les contenus illégaux en collaboration avec les diffuseurs, mais ne travaille pas sur le Mondial. Si les chiffres de fréquentation sont difficilement quantifiables, Hervé Lemaire estime que les pirates qui détournent le flux pour les diffuser illégalement sont "des centaines à travers le monde". Les utilisateurs sont en revanche bien plus nombreux. "Ils sont des centaines de milliers", croit savoir le patron de LeakID, qui a déjà vu "plus de 300 000 spectacteurs pour des gros matchs du PSG ou du Real Madrid en Ligue des champions".
Benjamin* diffuse des matchs du Mondial sur ses comptes Twitter. Samedi 26 novembre, plus de 3 500 personnes regardaient Tunisie-Australie, diffusé sur beIN Sports, sur son compte. "Je fais ces streams pour les personnes dans le besoin qui n'ont pas les moyens de s'abonner à Canal+ ou beIN Sports", se justifie-t-il. Avant de détailler sa méthode. "Ça fonctionne grâce à des IPTV ou des sites internet que je diffuse personnellement avec un logiciel de streaming", explique Benjamin, qui assure seulement gagner "un peu de visibilité sur Twitter". Il risque pourtant une peine d'emprisonnement de trois ans et une amende de 300 000 euros.
La faible part des matchs diffusés en clair, qui oblige les fans de foot à s'abonner à beIN Sports ou à passer par des moyens illégaux, est une première explication. La multiplication des outils anti-piratage et l'intensification de la lutte contre le streaming classique sur les sites web y participent aussi. "Plus de 600 services illicites ont ainsi été bloqués", depuis le début de l'année, s'est félicité en juillet l'Arcom, alors que la loi permet désormais aux titulaires de droits sportifs de saisir le juge pour demander le blocage des diffusions illicites.
Pascal Lechevallier, consultant médias pour l'agence de conseil What's Hot, note un regain des streamins illégaux depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, qui a entraîné une vague de démissions du réseau social. "Il n'y a personne pour faire de la modération et la passoire est trouée. Et puis, les pirates ont plusieurs comptes, quand on leur en bannit un, ils en créent un autre", explique-t-il. Et d'ajouter : "Le streaming est une religion et les pirates ont toujours un temps d'avance."
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