À Rennes, Raymond Depardon inaugure une double exposition sur l'Algérie et les Jeux Olympiques

Jusqu'au 5 janvier 2025, le Frac Bretagne et les Champs Libres décident d'unir leurs forces pour faire la part belle au grand photojournaliste français.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Le photographe Raymond Depardon lors du vernissage de ces deux expositions à Rennes, jeudi 13 juin 2024. (FRANCE 3 BRETAGNE)

Il ne quitte jamais son appareil photo, même lorsqu'il inaugure une exposition. Raymond Depardon, 88 ans a parcouru le monde pour narrer en images sa vision de la société. 

Dans le cadre du festival Explora de Rennes, deux expositions lui sont consacrées jusqu'au 5 janvier 2025 à l'espace culturel des Champs Libres et au FRAC de Bretagne. 

dans le cadre du festival Explora
Raymond Depardon inaugure deux expositions à Rennes dans le cadre du festival Explora (France 3 Bretagne : A. Calvez / JM. Piron)

L'exposition des Champs libres intitulée Son œil dans ma main - Algérie 1961 & 2019  retrace le lien étroit que Raymond Depardon entretien avec le pays. Nous sommes en 1961, le jeune photographe n'a que 19 ans quand l'agence de presse Dalmas l'envoie en Algérie. ll saisit des regards, des sourires et des scènes de vie d'un pays en proie aux derniers soubresauts de la guerre d'indépendance. Ses clichés témoignent d'une période de grands doutes. "Ces photos de rue qui ont l'air de rien mais nous racontent plein de choses", détaille-t-il aux visiteurs. "Ça m'a ouvert à l'autre, à la tolérance, à l'Afrique et ça m'a obligé à trouver cette place qui est parfois difficile au milieu des gens qui souffrent", raconte encore le photographe. Si ces photos n'ont l'air de rien, elles racontent beaucoup d'une époque. "Si on regarde bien les visages, les postures, les vêtements et l'arrière-plan elles sont truffées de micro détails", analyse Yves-Marie Guivarch, chargé de programmation aux Champs Libres. 

L'Algérie d'hier et d'aujourd'hui

À côté des photos anciennes, le parcours présente aussi des clichés d'aujourd'hui. En 2019, alors qu'il souhaite pour la première fois publier ces photographies de 1961, Raymond Depardon réalise un nouveau voyage à Alger. "On a pris le parti de venir dire bonjour aux gens comme des touristes", se souvient-il. 

Après avoir photographié Alger, il se rend à Oran où il retrouve l'écrivain Kamel Daoud avec qui il parcourt la ville. De là, naît l'idée d'un livre et d'une exposition réunissant les photos des deux voyages de Depardon et les textes de l'auteur algérien. Au fil du parcours de l'exposition, le public est invité à se glisser dans la vie des Algériens à deux époques différentes, 1961 et 2019, pour découvrir l'évolution du pays. "Il y a beaucoup de jeunesse et d'espoir à Alger", assure le photographe. 

Les JO dans l'œil de Depardon 

Le Fonds régional d'Art Contemporain explore la relation ténue entre Raymond Depardon et les Jeux Olympiques de 1964 à 1980. L'aventure commence à Tokyo lorsqu'il est envoyé pour couvrir l'événement en 1964. Il n'y connaît rien au sport, mais il capte les visages et les corps des athlètes comme il l'a toujours fait : au plus près de son sujet. Pour raconter les épreuves il apprend que, pour saisir la beauté du moment, il faut le devancer. C'est ainsi qu'il parvient à immortaliser le désespoir de Michel Jazy après sa défaite à l’épreuve du 5 000 mètres.

Quatre ans plus tard, en 1968, il photographie Colette Besson remportant le 400 mètres à Mexico et le légendaire triplé olympique de Jean-Claude Killy à Grenoble pour les Jeux d'hiver. En 1976, il est impressionné par la grâce et la perfection de la gymnaste roumaine Nadia Comaneci à Montréal. Elle obtient sept fois la note maximale, il réalise l'une de ses plus belles photos.

Nadia Comaneci par Raymond Depardon aux JO de Montréal en 1976 (FRANCE 3 BRETAGNE)

Porté par son expertise de grand reporter, Raymond Depardon fige d’autres instants, des faits historiques qui dépassent largement le champ sportif. En 1972, lors des Jeux Olympiques de Munich, il est le témoin de la prise d’otage de la délégation israélienne par un commando palestinien. Dans un ultime réflexe, Raymond Depardon capte les derniers instants d'un sportif pris en otage. "Juste avant le départ du bus, un athlète israélien fixe l'objectif, c'est le dernier regard de cet homme avant qu'il ne meure", explique Etienne Bernard, directeur du Frac. 

Pensée en six sections correspondant aux six olympiades photographiées par Raymond Depardon, l'exposition dresse en 165 photographies un portrait aussi bien sportif que politique et géopolitique d'un monde en pleine guerre froide.

Depardon et la politique

Car l'histoire et la politique ont toujours été au centre de la démarche du photojournaliste. De Gaulle, Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen ou encore Martine Aubry et Nicolas Sarkozy, pour lui la photo politique est comme la photo de guerre : un témoin.

dans le cadre de deux expositions
Raymond Depardon invité sur le plateau de F3 Bretagne dans le cadre de deux expositions (France 3 Rennes)

Dans le contexte actuel de montée de l'extrême droite et de dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, il regrette de ne pouvoir être ce témoin. "Aujourd'hui je prendrais les visages des hommes politiques, la tension, la colère des gens, il y a des belles choses qui doivent se perdre parce que personne ne tourne", déplore-t-il sur le plateau de France 3 Bretagne.

J'espère qu'il va y avoir un sursaut et que les gens vont s'associer pour éviter le pire

Raymond Depardon

photographe

Raymond Depardon "Les Jeux Olympiques 1964-1980" au FRAC de Bretagne jusqu’au 5 janvier 2025. 

"Son œil dans ma main", Raymond Depardon et Kamel Daoud / Algérie 1961 & 2019 aux Champs libres jusqu'au 5 janvier 2025. 

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