Mort d'Alain Delon : 88 choses que vous ne saviez (probablement) pas sur la légende du cinéma français

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
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Alain Delon à plusieurs moments de sa vie. De gauche à droite, quand il reçoit une Palme d'honneur au Festival de Cannes 2019, déguisé en clown dans "Parole de flic" en 1985, avec son chapeau et son imper dans "Le Samouraï" (1967) considéré comme son plus grand film par beaucoup, et enfin à la barre du voilier dans "Plein soleil" (1960). (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)
Avec, au générique, Michel Sardou, Valéry Giscard d'Estaing, Romy Schneider, des truands, des gros sous, Jean-Luc Godard, Mireille Darc, son fils Anthony, des blousons, des impers, des Borsalino et sept décennies d'histoire du 7e art.

Monstre sacré du cinéma français, Alain Delon, qui est mort à l'âge de 88 ans, dimanche 18 août, a passé les sept dernières décennies en haut de l'affiche. Il en reste des chefs-d'œuvre, de Plein soleil à Monsieur Klein en passant par Le Samouraï, sans oublier Le Guépard. Mais aussi une palanquée de polémiques, des photos people en pagaille, des déclarations fracassantes et une certaine idée de la France... d'avant. Derrière le papier glacé, plongez dans l'arrière-boutique de la légende en 88 anecdotes méconnues.

1. Alain Delon, c'est presque 90 films mais pas 90 réalisateurs. Alors qu'on associe facilement son nom à des cinéastes légendaires comme Luchino Visconti ou Joseph Losey, c'est avec Jacques Deray qu'il a le plus tourné : neuf films, dont quand même Borsalino et La Piscine, rappelle le blog Les Chroniques de cliffhanger & co. Suit au palmarès René Clément (Plein soleil, entre autres) avec quatre collaborations. Sur la troisième marche du podium, une pluie d'ex aequo avec trois films : Henri Verneuil (Mélodie en sous-sol), Jean-Pierre Melville (Le Samouraï), José Giovanni (Deux hommes dans la ville), Pierre Granier-Deferre (La Veuve Couderc), Georges Lautner (Mort d'un pourri)... et Alain Delon en personne (si on compte Les Granges brûlées, qu'il a fini après avoir éjecté le metteur en scène). 

2. Son plus gros succès en France n'est ni Borsalino, ni Plein soleil, encore moins La Piscine, mais Astérix aux Jeux olympiques, où il interprète un César plein d'autodérision. Son record absolu au box-office vient d'URSS, où le Zorro qu'il incarne en 1975 a rassemblé 55 millions d'entrées, soit une très solide 44e place au classement de tous les temps en Russie. 

3. S'il a beaucoup joué les voyous à ses débuts, il change de bord la quarantaine venue et incarne des flics avec un imper à la Columbo. Pas moins de six de ses films comprennent "flic" dans leur titre : Un flic (1972), Il était une fois un flic (1972), Flic Story (1975), Pour la peau d'un flic (1981), Parole de flic (1985) et Ne réveillez pas un flic qui dort (1988). Pour des raisons commerciales, assure l'acteur-producteur.

Alain Delon grimé en clown dans le film "Parole de flic", sorti en 1985. (MICHEL GINFRAY / GAMMA-RAPHO / GETTY IMAGES)

4. Si Alain Delon envoyait encore des CV, il n'y ferait probablement pas figurer son CAP de charcutier. Un temps destiné à reprendre l'établissement du second mari de sa mère, il fait la fierté de sa famille grâce à des bonnes notes, après une scolarité difficile. Jusqu'à ce qu'on découvre le pot aux roses : c'est l'ado qui rédige lui-même ses bulletins, raconte sa mère à l'un de ses biographes, Bernard Violet. Alain Delon obtiendra finalement un diplôme de complaisance, mais ne taillera guère les côtes de veau.

5. Un épisode parmi 100 de sa scolarité turbulente : une tentative de fugue. Il voulait voir Al Capone, il n'ira pas plus loin que la Garonne. "A 14 ans, je suis parti avec un ami, lui aussi fils d'un épicier", confie-t-il au magazine Ciné Revue, en 1979. Nous voulions aller en Amérique, à Chicago, et ouvrir une charcuterie de spécialités françaises. Nous avons abouti au commissariat de police de Bordeaux."

6. Il s'engage sous les drapeaux à 17 ans à peine. "Tout ce que je suis devenu, je le dois à l'armée. Ça vous plaît, tant mieux. Ça ne vous plaît pas, tant pis", confiait Alain Delon dans une interview au Monde en 2018. Et pourtant, ce séjour n'a pas été un long fleuve tranquille.

7. Son 20e anniversaire, il le passe dans une prison de l'armée française, dans ce qui est encore l'Indochine, après avoir chipé une Jeep. Celui qui joue les durs confie à son compagnon de chambrée Raymond Blasco, cité dans le livre Les Mystères Delon de Bernard Violet : "Je crois me souvenir que vers minuit, une heure du matin, j'ai versé une larme." 

8. Après ses frasques, la Grande Muette lui met dans la main un ticket pour l'Hexagone. "Je suis un cas rare, RDSF ('renvoyé dans ses foyers'), tellement j'ai emmerdé le monde", confiait-il aux Cahiers du cinéma en 1996. "Les gens ne savent plus ce que c'est, un RDSF. J'ai un contrat de cinq ans, et ils me virent au bout de trois ans et trois mois."

9. C'est d'ailleurs autour de Saïgon (Hô Chi Minh-Ville au Vietnam) qu'il développe le mal du pays. Lui et ses camarades titis gardent précieusement dans leur portefeuille un ticket de métro orangé, qu'ils hument pour se rappeler Paname.

10. Son numéro de matricule à l'armée, 1203-T53, deviendra celui de son personnage dans Parole de flic, trente ans plus tard.

11. Alain Delon est de droite et ne s'en cache pas. Sa figure tutélaire, c'est le général de Gaulle. "La France ne serait pas la France s'il n'y avait pas eu De Gaulle", assure-t-il à franceinfo en 2020.

12. Sa première rencontre avec le "grand Charles", c'est en badaud anonyme, en 1958, quand l'homme de l'appel du 18-Juin remonte les Champs-Elysées en compagnie de René Coty, qui va lui laisser les clés de l'Elysée. Guère cinéphile, le général ne cherche pas la compagnie des artistes, fussent-ils de son camp. "Je l'ai vu une fois à l'Elysée, avec Brigitte Bardot : 'Content de vous voir, Alain Delon', m'a-t-il dit. On lui avait soufflé mon nom à l'oreille."

13. Delon, dont la mémoire fluctue, se souvient aussi d'un rendez-vous manqué : "La seule fois où j'ai été invité par lui, j'étais en Chine ou au Japon. C'est un regret énorme. J'aurais tellement voulu lui serrer la main une fois."

14. L'interprète du Samouraï est tellement gaulliste qu'il a acheté le manuscrit original de l'affiche "A tous les Français" du général, placardée partout en Grande-Bretagne le 20 juin 1940, pour empêcher un collectionneur privé de mettre la main dessus, en 1971. Coût de l'opération : 30 millions de francs de l'époque, en liasses de billets neufs (soit la bagatelle de 34 millions d'euros actuels). Pour, dans la foulée, en faire don à l'association des Compagnons de la Libération.

15. Il est à l'affiche d'une pièce en plein Mai-68 et refuse la fermeture du théâtre lors des manifestations étudiantes. "Je respecte les étudiants, mais je ne me sens pas directement mêlé à leurs problèmes", reconnaît-il l'année suivante dans Le Nouvel Observateur (document PDF). "Mon métier, c'est de jouer la comédie. Je ne fais pas de politique. C'était contre le gouvernement. J'étais contre. Je suis gaulliste, je suis pompidouiste... Comment dites-vous : pompidoliste ?"

16. Depuis, Alain Delon a parcouru un bout de chemin plus à droite. A L'Express, en 1977, il n'hésite pas à se qualifier de "fasciste, disons le mot". "Je suis profondément anticommuniste, c'est tout. Dès qu'on dit quelque chose, on est étiqueté. Alors, bon, je suis fasciste, si vous voulez, tant pis." Trente ans plus tard, son ex-compagne Nathalie aura ce commentaire dans Libération : "Alain n'est pas facho. D'autant qu'il réfléchit un peu plus qu'avant."

17. En 1984, Jean-Marie Le Pen annonce avoir offert une place à l'acteur sur sa liste aux européennes. Quelques semaines plus tôt, Alain Delon lui avait accordé son soutien dans une interview à VSD : "Le Pen, avec tous ses défauts et ses qualités, est peut-être le seul aujourd'hui qui pense d'abord à l'intérêt de la France avant les siens propres."

18. Jean-Marie Le Pen lui a aussi offert le premier rôle de son biopic. "Alain Delon me paraît avoir, physiquement et mentalement, et je dirais par le déroulement de sa vie, probablement le plus de facilités à m'interpréter", confiait le vieux lion de l'extrême droite française au Point en 2013. Là encore, Delon n'a pas donné suite.

Jean-Marie Le Pen et Alain Delon hilares lors de la cérémonie faisant de l'acteur un commandeur des Arts et des Lettres, le 26 mai 1986 au théâtre des Champs-Elysées, à Paris. (FREDERIC REGLAIN / GAMMA-RAPHO / GETTY IMAGES)

19. N'empêche, le leader du FN figurait sur la liste de ses invités lors de son élévation au rang de commandeur des Arts et des Lettres par Jack Lang, en 1986.

20. La seule fois où il a vraiment mouillé la chemise pour un politique, c'est en faveur de Jacques Dominati, élu UDF de Paris, lors des législatives de 1986. Des bus à impériale siglés "Delon-Dominati, c'est le ticket choc" circulent dans la capitale pour rameuter les électeurs. Dominati connaît Delon depuis la décennie précédente, et les deux hommes sont restés très liés.

21. Une girouette, Alain Delon ? Il a aussi soutenu pêle-mêle le centriste Raymond Barre à la présidentielle de 1988, puis Nicolas Sarkozy en 2007, mais Alain Juppé aux primaires de la droite en 2016, avant de se rabattre sur François Fillon l'année suivante, dans une lettre ouverte diffusée par Le Figaro. Ce qui ne l'empêche pas de jeter son dévolu sur des élus locaux de gauche, comme Anne Hidalgo en 2014 à Paris ou Samia Ghali en 2020 à Marseille. Et entre deux, d'assurer une voix off pour un clip du parti chrétien traditionnaliste de Christine Boutin aux européennes de 2014, appelant à "refuser le changement de civilisation actuel".

22. "Au second tour Macron-Le Pen, je suis resté chez moi", glisse-t-il à Vanity Fair en juillet 2017. On ignore s'il est aussi allé à la pêche le 24 avril 2022.

23. Notez qu'il s'est également fortement investi dans la politique russe à la fin des années 1990, pour soutenir le général Alexandre Lebed, un temps favori pour succéder à Boris Eltsine comme l'explique Le Temps, avant qu'un président intérimaire nommé Vladimir Poutine et un mystérieux crash d'hélicoptère n'en décident autrement.

Alain Delon encourage le général russe Alexandre Lebed sur le plateau du JT de France 2, le 16 février 1997. (PASCAL J LE SEGRETAIN / SYGMA / GETTY IMAGES)

 

24. Pas étonnant, dans ce contexte, qu'il n'y ait à ce jour qu'une seule rue Alain-Delon en France, située à Cholet (Maine-et-Loire). Face au tollé de l'opposition, pas emballée par ce choix, l'ex-maire de la ville Gilles Bourdouleix avait argué, dans Ouest-France, avoir choisi d'honorer l'acteur pour son rôle dans Paris brûle-t-il ? 

25. Dans cette fresque relatant la libération de la capitale et sortie en 1966, Alain Delon incarne le jeune Jacques Chaban-Delmas, qui est alors un résistant chevronné, mais pas encore l'animal politique qui sera président de l'Assemblée pendant plus d'une décennie, puis Premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle de 1974. Ledit Chaban n'a pas trop aimé l'interprétation de Delon : "Il a tourné le film de façon trop primesautière, il est trop beau garçon !"

Alain Delon dans le rôle de Jacques Chaban-Delmas, dans "Paris brûle-t-il ?", de René Clément, sorti en 1966. (NANA PRODUCTIONS / SIPA)

26. Paris brûle-t-il ? est l'un des quatre films où il partage l'affiche avec Jean-Paul Belmondo. Vous avez forcément en tête Borsalino, et peut-être le dernier film de "Bébel", Une chance sur deux (1998) de Patrice Leconte, où le duo partage l'affiche avec Vanessa Paradis. Dans la superproduction de René Clément sur la libération de la capitale, comme dans Sois belle et tais-toi, une comédie oubliée de 1958, ils n'ont qu'un petit rôle.

27. Déjà à l'époque, le nom de Delon apparaît en plus gros caractères que celui de Belmondo au générique. Ce qui rappelle l'épisode célèbre de Borsalino, qui se terminera devant les tribunaux, Alain Delon, également producteur du film, ayant réussi à glisser deux fois son nom sur l'affiche.

"Bébel" n'a pas apprécié que son partenaire à l'écran dans le film de Jacques Deray fasse apparaître son nom deux fois plutôt qu'une, reniant son engagement.
Pourquoi l'affiche du film "Borsalino" a brouillé Jean-Paul Belmondo et Alain Delon pour plusieurs années. "Bébel" n'a pas apprécié que son partenaire à l'écran dans le film de Jacques Deray fasse apparaître son nom deux fois plutôt qu'une, reniant son engagement. (FRANCE 2)
 

28. Chassez le naturel, il revient au galop. En 1975, c'est le vétéran du cinéma français Charles Vanel qui assigne Delon devant les tribunaux le jour de la sortie de Comme un boomerang pour une histoire de taille de police de caractères sur l'affiche. "Le coup de Belmondo recommence", peste la vedette du Salaire de la peur dans sa biographie Monsieur Vanel, parue en 1989. "Mon contrat précisait bien 'dans les mêmes caractères que ceux utilisés pour la mention du nom de monsieur Alain Delon'. Ce sont des gens qui vous font signer un contrat, et une fois qu'ils l'ont, ils s'en foutent."

29. C'est tout de même utile d'avoir son nom sur l'affiche, comme le raconte son demi-frère Jean-François. "Un jour de 1957, nous marchions dans la rue avec mon père et on voit l'affiche d'un film, Quand la femme s'en mêle", raconte-t-il à la revue Schnock. "Et en bas de celle-ci, le nom d'Alain Delon. C'est comme ça qu'on a appris qu'il était acteur !"

30. Acteur, certes, mais pas encore séducteur. Pour son premier rancard – documenté – avec l'actrice Brigitte Auber, il cède à un certain trac. "Il avait avalé au moins quinze bières en m'attendant et il était rond comme une bille", raconte au biographe Bernard Violet celle qui avait craqué pour les "sacrées mirettes" de l'acteur néophyte. Point d'Alka-Seltzer à l'époque, mais une solide dose de sel pour le remettre sur pied.

31. Il se débrouille bien mieux à Cannes. L'homme de télé Georges de Caunes raconte, dans son livre Les Coulisses de la télévision, une anecdote à propos du Festival de Cannes 1957. "Un jeune homme a trouvé une façon originale de se faire photographier. Il se promène au volant d'une voiture de sport en affirmant qu'il ressemble à James Dean. Il se fait appeler Alain Delon." C'est Brigitte Auber qui lui prête sa MG verte décapotable et leur permet de faire sensation sur la Croisette, raconte l'acteur Jean-Claude Brialy dans son autobiographie Le Ruisseau des singes : "Les hommes et les femmes étaient fous de lui."

32. Son premier baiser de cinéma est pour l'actrice Sophie Daumier, dans Quand la femme s'en mêle. Cette dernière est surtout connue pour avoir donné la réplique à Guy Bedos – devenu son mari – dans des sketchs très populaires dans les années 1970.

Sophie Daumier et Alain Delon dans le film "Quand la femme s'en mêle", d'Yves Allégret, sorti en 1957. (SUNSET BOULEVARD / CORBIS HISTORICAL / GETTY IMAGES)

33. La première rencontre entre Alain Delon et Romy Schneider, en 1958, ne se solde pas par un coup de foudre, c'est le moins qu'on puisse dire. L'interprète de Sissi trouve Delon "trop beau, trop jeune, trop bien coiffé, trop à la mode" avec un bouquet "trop rouge" entre les mains. Celui qui l'accueille à Orly sous les flashs des reporters la trouve "à vomir" mais ne s'épargne pas non plus : "On m'avait collé un bouquet de fleurs à la main, et je devais avoir, comme disait Jacques Brel, 'l'air d'un con'. C'est sûr."

La première rencontre entre Alain Delon et Romy Schneider, à l'aéroport d'Orly, le 1er novembre 1958. (DALMAS / SIPA)

34. Rebelote au moment de rencontrer Brigitte Bardot sur le plateau d'un film à sketchs en 1961. L'actrice trouve immédiatement Delon "odieux". "Il regardait le projecteur dans mon dos pour faire resortir le bleu de ses yeux", raconte la star dans Initiales BB. Bardot lui rend la pareille en dévorant du regard... le second rôle Pierre Massimi, qui incarnait l'écuyer de Delon à l'écran. "Et on s'étonne que le sketch, pourtant dialogué par Prévert, fut mauvais !", conclut l'actrice dans cette biographie.

35. "Il ne s'est jamais rien passé [avec Brigitte Bardot], aussi surprenant que ça puisse paraître", écrit pourtant l'acteur en préface d'une biographie intitulée Alain Delon, Amour et mémoires (2023). "Depuis soixante-cinq ans, nous avons les meilleures relations amicales qui soient."

36. Un physique parfait, Alain Delon ? Au moment du tournage des Centurions, où il a dû couper ses cheveux très court, la rumeur court qu'il est passé sur le billard pour rectifier le haut de ses oreilles, en "anse de cruche". Une fake news qui date de 1965, reprise par la presse de l'époque et que l'acteur a laissée courir.

Alain Delon joue aux échecs avec Anthony Quinn sur le tournage des "Centurions", film signé Mark Robson sorti en 1966. (DALMAS / SIPA)

37. L'acteur est conscient depuis son plus jeune âge d'avoir été gâté par la nature. "Dans la rue, les gens arrêtaient ma mère pour lui dire : 'Qu'est-ce qu'il est beau votre fils !' Mais elle ne supportait pas qu'on me touche", raconte-t-il à Paris Match en 2018. Maman Delon ajoute alors un écriteau sur la poussette de son rejeton : "Regardez-moi, mais ne me touchez pas".

38. Luchino Visconti avait repéré une ressemblance physique entre Delon et Romy Schneider, anecdote dévoilée par l'acteur dans une lettre à son ex-compagne après son suicide, en 1982. "Il nous disait que nous nous ressemblions et que nous avions, entre les sourcils, le même 'V' qui se fronçait, de colère, de peur de la vie et d'angoisse. Il appelait ça 'le V de Rembrandt' parce que, disait-il, ce peintre avait ce V sur ses autoportraits."

39. Selon la légende, le réalisateur italien n'était pas insensible au charme de Delon. Il aurait même posé une photo de l'acteur sur sa table de nuit. Selon Alain Delon, c'est Helmut Berger, alors compagnon du réalisateur, qui a propagé ces rumeurs : "Ce con d'Allemand était jaloux de la relation que Visconti avait avec moi", résume-t-il crûment dans Paris Match. Les puristes auront noté que Berger, mort en mai 2023, était en fait autrichien.

40. S'il entretient son physique, Alain Delon n'est pas trop regardant sur son régime alimentaire. Son plat préféré est l'andouillette panée (un scoop de France Soir en 1969), d'un cheveu devant le petit salé aux lentilles. "On peut dire que je vis de viande", résume celui qui adore taquiner la barbaque aux fourneaux.

41. En revanche, la star assure n'avoir jamais touché à la drogue. "A l'époque, il fallait être VIP et riche comme [Jean] Cocteau ou Jean Marais. Maintenant, c'est tous les mômes, tous les acteurs", déplorait-il dans le journal suisse L'Illustré. "Je ne me suis jamais camé. Ni à l'héro, ni à la coco." 

42. Cela dit, Alain Delon n'était pas le dernier à faire "la foire chez Régine. Faire la java, me retrouver à 4 heures du matin en slip sur la piste de danse d'une boîte de nuit, je l'ai fait, je ne le fais plus", croit savoir Schnock.

43. Côté clope, Alain Delon a arrêté à 50 ans, "c'est vous dire s'il est convaincu de la nocivité du tabac", assurait son avocat Dominique Warluzel en 2013 dans un documentaire diffusé sur Canal+, Tabac : nos gosses sous intox. N'empêche, il se vendait encore des paquets de cigarettes Alain Delon en Asie du Sud-Est au moins jusqu'en 2018, répondait British American Tobacco à Libération, le glamour de l'acteur incitant semble-t-il à s'en griller une.

Une publicité pour les cigarettes Alain Delon au Cambodge, en 1994. (ROUSSIER / SIPA)

44. Des artistes amis ont assuré la promotion de cette marque. Ainsi, pour un ticket acheté pour le concert de Patricia Kaas à Phnom Penh (Cambodge) en 1994, un paquet de cigarettes Alain Delon était offert.

45. Ce qui n'a pas empêché la photo retenue pour faire la pub du parfum Eau sauvage, en 2009, de susciter la polémique, car on lui a ôté numériquement la cigarette qu'il avait en main lors du tournage du film La Piscine, quarante ans plus tôt. Le photographe, Jean-Marie Périer, avait donné son accord.

46. L'une des grandes blessures de la carrière de Delon est l'échec commercial de Monsieur Klein, film où il incarne un marchand d'art soucieux de ne pas être pris pour un juif, en pleine Occupation. Si l'accueil critique est excellent, le public (à peine 700 000 entrées) et le jury du Festival de Cannes le boudent. Juré cette année 1976, le cinéaste Costa-Gavras s'était démené pour que l'acteur y décroche le prix d'interprétation. En vain. "Il y a eu une ­levée de boucliers contre Delon, confie-t-il au Monde. Pour des ­raisons politiques peut-être. Il méritait tellement ce prix…"

47. Alain Delon ne revoit jamais ses films. "Cela remue des souvenirs, trop d'images", assure-t-il dans les bonus du DVD du Guépard. "Et puis tous ces acteurs que l'on revoit vivants, vivre, alors que je sais qu'ils ne sont plus là..." A la fin de la projection cannoise de la copie restaurée du chef-d'œuvre de Visconti, il glisse, en larmes, à Claudia Cardinale, installée à côté de lui, "Tu as vu ? Ils sont tous morts", a confié l'actrice au Monde.

48. Une des spécialités d'Alain Delon, c'est de mourir à la fin de ses films. On ne vous spoilera pas l'intégralité de sa filmographie, mais ça lui arrive une trentaine de fois. "On me voit mourir, car je sais mourir, raconte Alain Delon au Monde. Un héros doit toujours savoir mourir. J'adorais mourir, car c'est un point final".

49. Point statistiques, suite : Alain Delon n'a joué que dans une poignée de comédies. "C'est une comédie ? Avec moi, ça ne marche pas la comédie", a-t-il répondu à Jean-Paul Rappeneau qui tentait de le convaincre d'accepter le premier rôle dans Le Sauvage (1975), selon le récit du Figaro. Le réalisateur se rabattra sur Yves Montand.

50. Et on ne peut pas lui donner tort. Qui se souvient de Doucement les basses, en 1971, seule incursion d'Alain Delon dans le registre comique ? Le Télégramme parle de "nanar bigouden".

51. Et pourtant, Delon ne ménage pas sa peine pour promouvoir cette comédie de Jacques Deray destinée à casser son image – il sortait de Borsalino et du Samouraï. Il affrète ainsi dans Paris une centaine de voitures-sandwichs bardées d'affiches, contre la promesse de bons d'essence gratuits pour leurs propriétaires, raconte Bernard Violet dans sa biographie de l'acteur-producteur. Pas moins de quatre ministères doivent donner leur accord pour cette opération promotionnelle inédite. En plus, la réglementation empêche lesdits conducteurs de s'aventurer sur les Champs-Elysées et dans les bois de Boulogne et Vincennes, où la publicité est interdite.

52. Le Delon producteur n'a pas non plus ménagé sa peine pour rassembler les fonds nécessaires au pharaonique tournage de Borsalino. En plus d'hypothéquer ses biens, il fait le voyage en personne à Milan (Italie) pour s'assurer que la célèbre marque de chapeaux ne prend pas ombrage de l'usage de son nom dans un film de gangsters.

53. Pour cette superproduction, des rues entières du Panier, célèbre quartier de Marseille, sont fermées au public par la production. Ce qui n'empêche pas un jour le réalisateur Jacques Deray de perdre la trace de ses deux vedettes, Delon et Belmondo, pendant près d'une heure. "Je pars dans une direction, et j'entends des gamins crier dans une ruelle", raconte Jean-François Delon, demi-frère de et membre de l'équipe de tournage, à la revue Schnock. "J'escalade un mur et je vois les gosses jouer au football dans la cour avec Delon et Belmondo. Tous deux l'ont joué mauvaise foi en disant qu'ils avaient dit où ils se trouvaient alors qu'il n'en était rien. Deray, lui, ne les a pas engueulés."

54. C'est d'ailleurs lors du montage de Borsalino qu'Alain Delon a parlé pour la première fois de lui à la troisième personne. "Il y a cinq ans que je voulais mettre Delon dans un film avec Belmondo", confie-t-il au JDD en 1970.

55. Suite logique, quelques années plus tard, il a fallu lui donner du "monsieur Delon" et non plus "Alain" sur les plateaux, confie la journaliste France Roche au biographe Bernard Violet : "C'est Mireille Darc [actrice et compagne de Delon à l'époque, également à l'affiche des Seins de glace de Georges Lautner] qui se dévoue finalement auprès de chaque technicien pour les prévenir : 'A partir de maintenant, tu lui dis 'vous' et tu l'appelles 'monsieur Delon'.'"

56. Comme le tournage du Parrain, de Coppola, qui a été surveillé de près par la mafia italo-américaine, ceux de Borsalino et sa suite, Borsalino and Co., font l'objet d'une attention particulière du milieu marseillais. Le truand Jacky Imbert, présenté à Alain Delon dans les années 1960, répondra même à un journaliste qui pensait l'avoir aperçu sur la pellicule : "Figurant, moi ? J'aurais bien pu figurer au générique... Mais comme producteur." Dans l'ouvrage Showbiz, People et Corruption, de Jean-François Gayraud (éd. Odile Jacob, 2009), on peut lire qu'il s'est même présenté comme "conseiller cinématographique" du film.

Alain Delon dans le film "Borsalino and Co.", de Jacques Deray, en 1974. (NANA PRODUCTIONS / SIPA)

57. Les relations entre Alain Delon et la pègre ont failli tourner au vinaigre. Un imbroglio lié au rachat par l'acteur de la boîte Le Pariscope à deux caïds du milieu, les frères Zemour, que présente Le Parisien, aurait mis un contrat sur la tête du "Samouraï". "Delon ne sortait plus à l'époque qu'accompagné de quatre ou cinq personnes", raconte un ancien du milieu à Bernard Violet. Selon d'autres sources, des truands yougoslaves auraient souhaité faire taire l'un des personnages centraux de l'affaire Markovic, du nom d'un employé de l'acteur retrouvé mort en 1968.

58. Fidèle en amitié, Delon a souvent rendu visite à ses amis gangsters en prison. Comme, entre autres, au braqueur François Besse, ex-lieutenant de Jacques Mesrine, l'ennemi public n°1 des années 1970.

59. Alain Delon a refusé plusieurs rôles dans des films liés au grand banditisme, dont le Mesrine de Jean-François Richet, où il aurait pu incarner Guido, finalement joué par Gérard Depardieu. Trois décennies plus tôt, il avait dit non à Francis Ford Coppola, qui l'aurait bien vu dans le rôle de Michael Corleone... qui fera la gloire d'Al Pacino dans Le Parrain et ses suites.

60. Il s'est fait souffler le rôle qui a finalement échu à Omar Sharif dans Lawrence d'Arabie. Selon la légende, c'est parce qu'il a refusé de porter des lentilles pour cacher ses yeux bleus.

61. Inversement, Delon a longtemps tenté de porter à l'écran le roman L'Homme à cheval du sulfureux écrivain collaborationniste Pierre Drieu la Rochelle, publié en 1943. Il a même proposé le projet à Sam Peckinpah, rendu célèbre par le western La Horde sauvage.

62. Alain Delon a aussi joué en 1963 dans la plus grande superproduction européenne qui n'a jamais vu le jour, le Marco Polo du producteur Raoul Lévy, dont une poignée de scènes pharaoniques ont été tournées avant que l'argent de son financeur ne s'épuise. Notamment une partie d'échecs gigantesque sur un décor de 1 000 mètres carrés, où les pions sont joués par des hommes et les cavaliers vraiment juchés sur des animaux. Ces 10 minutes ont coûté huit millions de francs de l'époque, soit 12,5 millions d'euros actuels, l'équivalent du budget de trois films respectables. Les bobines ont, hélas, été perdues à tout jamais.

63. Un projet d'adaptation des aventures d'Arsène Lupin, avec Jean-Pierre Melville derrière la caméra et Delon dans le rôle titre, tombe aux oubliettes après la mort brutale du réalisateur en 1973.

64. Alain Delon a développé une technique pour s'attirer les bonnes grâces des géants du cinéma avec qui il a débuté sa carrière. Sur le plateau du Guépard, il appelle Burt Lancaster, de plus de 20 ans son aîné, "my boss". Sur celui de Mélodie en sous-sol, il donne du "patron" à Jean Gabin, lequel lui rend du "môme". "A la fin de sa vie, seulement, je me suis permis de l'appeler Jean", confie Delon à Vanity Fair.

Jean Gabin et Alain Delon sur le tournage de "Mélodie en sous-sol" d'Henri Verneuil, en 1963. (DALMAS / SIPA)

65. Et pourtant, Delon va gagner davantage que Gabin sur ce film de casse d'Henri Verneuil de 1963. Pour convaincre la MGM, compagnie américaine qui produit le film, il abandonne son cachet et ne demande une part des recettes que dans trois pays où il est déjà une star : le Brésil, le Japon et l'URSS. Le pari était bien senti : "Delon a pris plus de pognon que moi", salue "le vieux" dans une de ses biographies.

66. Révolté par la publication d'une photo de la dépouille de Jean Gabin sur son lit de mort dans Paris Match, Alain Delon va personnellement s'assurer que ça ne se reproduise pas. "J'ai demandé les clés de la morgue. Aidé de mon chauffeur, je transportais chaque matin le corps de Jean jusqu'à la chapelle ardente qui avait été dressée, et le soir, je le remettais à la morgue, que je fermais à clé. Pendant trois jours. Pour qu'on ne lui vole pas sa mort", raconte-t-il au Figaro Magazine en 1997.

67. Un jour de 1975, Alain Delon rentre plus tôt chez lui, et tombe nez à nez avec... le président Valéry Giscard d'Estaing, discutant avec Mireille Darc, sa compagne de l'époque. "Monsieur, sortez de chez moi", intime le "Samouraï" au locataire de l'Elysée, qui s'exécute. "Papa était jaloux", souffle l'actrice au fils de l'acteur, Anthony, qui relate l'anecdote dans son livre Entre chien et loup (éd. du Cherche Midi, 2022).

Mireille Darc, Alain Delon et le président de la République Valéry Giscard d'Estaing à l'exposition du photographe Jacques Henri Lartigue, au Grand-Palais, en 1980 à Paris. (MICHEL GINFRAY / GAMMA-RAPHO / GETTY IMAGES)

68. L'acteur avait une idée assez précise de l'éducation de son fils : "Il n'aura pas sa Ferrari à 18 ans, ça je vous l'assure, promet-il dans Le Nouvel Observateur à la fin des années 1960. Et il ira à la communale !"

69. Anthony Delon n'a pas que des souvenirs tendres à partager de son enfance.  Ainsi écrit-il, toujours dans son livre : "J'avais 10 ans. Mon père avait 17 chiens féroces. Il était le seul à pouvoir les approcher, ils mordaient tout le monde. Un jour, il m'a fait entrer dans leur enclos et m'a forcé à leur donner à manger. Il était dehors avec un fusil, et m'a dit : 'Entre. Un homme ne doit pas avoir peur.'" 

70. Le même Anthony Delon raconte dans son livre avoir tâté du fouet que son père avait gardé du tournage de Zorro. Tout ça pour avoir trempé son doigt dans la crème d'un gâteau. "Je me mis en boule pour amortir les coups qui s'abattaient sur moi en claquant. Je ne pense pas qu'il les appuyât vraiment."

71. Son père le lui rend bien : "J'ai lu ici et ailleurs qu'il était difficile d'être le fils d'Alain Delon", déclare-t-il en direct sur le plateau du talk-show "Le Jeu de la vérité" en 1985. "Je le dis : il est aussi difficile d'être le père du fils d'Alain Delon."

72. C'est même le père qui assigne le fils devant les tribunaux pour avoir lancé, avec succès, une ligne de blousons en cuir siglés A.D. avec Alexandre Djouhri (souvenez-vous, les soupçons de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy). Le fils, tout juste consacré "plus jeune PDG de France" dans les médias, est condamné pour avoir imité pas moins de 19 marques appartenant à son père... tout ça pour avoir utilisé les propres initiales choisies par son géniteur. Seule Création Anthony Delon pourra poursuivre son activité.

73. On trouve quand même trace de moments de complicité père-fils. Comme lors de cette manifestation légendaire de 1969 sur les Champs-Elysées, au moment de la sortie du dessin animé Tintin et le Temple du soleil, pour réclamer le retour des culottes de golf du reporter à la houppette (affublé d'un jean dans le film).

74. Alain Delon n'est pas qu'un acteur et un père contesté : il a aussi poussé la chansonnette. Si vous connaissez forcément Paroles, paroles, enregistré avec Dalida, qu'il a connue dans les années de vaches maigres dans un hôtel miteux de Paris, vous ne savez sans doute pas que Michel Sardou, figurant dans Paris brûle-t-il ?, a écrit sa célèbre chanson Les Ricains pour Alain Delon. 

75. Veni, cantavi, vici. Son apparition sur l'énorme carton Paroles, paroles en 1973 a été pliée en deux prises par un Delon qui a demandé un cognac avant d'entrer dans le studio de la rue des Dames.

76. Une palanquée de chansons sont consacrées à Alain Delon (dont une relativement récente, de Madonna, Beautiful Killer). La palme à Vzglyad s ekrana, du groupe soviétique Nautilus Pompilius. Petit extrait traduit en VF : "Alenn Delonnn parle français, Alenn Delonnn ne boit pas d'eau de Cologne, Alenn Delonnn boit des doubles bourbons..."

77. Alain Delon a aussi inspiré un personnage de manga, le héros du cultissime Crying Freeman, écrit par Kazuo Koike et dessiné par Ryoichi Ikegami.

La couverture de la dernière intégrale du manga "Crying Freeman", parue en 2023 aux éditions Glénat. (KOIKO ET IKOGAMI / GLENAT)

 

78. Autre preuve que ses films ont eu impact considérable en Asie : l'acteur hongkongais Chow Yun-fat adopte le look du Samouraï dans Le Syndicat du crime, sorti en France en 1993, et s'appelle Jeff (comme le personnage de Jeff Costello dans le film de Melville) dans The Killer (1989). Le réalisateur John Woo cite explicitement Le Samouraï comme l'un de ses films références.

79. Alain Delon était un immense fan de Lancia. Au point de ne rouler quasiment que dans des voitures de la firme italienne, à l'écran ou loin des caméras. Il apparaît en Lancia dans Deux hommes à abattre, Pour la peau d'un flic ou encore Paroles de flic (vous pouvez vous amuser à chercher sur l'Internet Movie Cars Database). Et quand il s'essaie à la course automobile ou sponsorise des écuries de grand tourisme, ce sont encore des "Jaguar italiennes".

80. Si vous voulez voir Delon dans le plus simple appareil, vous pouvez regarder Traitement de choc (1973) avec Annie Girardot. Certaines photos particulièrement explicites du tournage ont été dévoilées dans un livre récent, Alain Delon, le dernier guépard de Baptiste Vignol (éd. Grund, 2020). Lequel raconte à Var-Matin : "La photo de nu, je ne suis même pas certain que Delon la connaisse."

81. En revanche, vous n'êtes pas obligés de vous inspirer de ses répliques pour draguer en soirée. La palme revenant à cette punchline dans le (calamiteux) Airport 80, où le commandant Delon tire des fusées de détresse en baissant le carreau du cockpit, Le Figaro sous le bras. "Isabelle, your hair is my French fries" ("Isabelle, tes cheveux sont mes frites" en VF), lance-t-il à Sylvia Kristel, tandis qu'ils s'enlacent sur la moquette d'une chambre d'hôtel.

82. Le Concorde utilisé dans ce catastrophique film catastrophe est celui-là même qui s'est écrasé à Gonesse, en 2000, scellant le destin du supersonique tricolore. 

83. Quel le plus mauvais film d'Alain Delon ? Le débat existe, mais le pachydermique Le Jour et la Nuit (1996) signé Bernard Henri-Lévy (qui a convaincu Ava Gardner de sortir de sa retraite) tient la corde. Les Cahiers du cinéma parlent à sa sortie du "plus mauvais film français depuis 1945". Commentaire de Claude Chabrol, pas exactement un débutant, dans Le Figaro : "[BHL] a fait le film le plus con de l'année. Le plus grave, c'est que tout le monde le lui a dit mais il refuse de le croire. Il pense qu'il est en avance. L'auteur de L'Invasion des tomates géantes pensait peut-être qu'il était un génie mais il ne l'a jamais dit." Le public ne s'y est pas trompé : 70 000 personnes se sont déplacées en salle pour un long métrage au budget de 53 millions de francs (12 millions d'euros actuels).

84. Alain Delon est apparu près de 50 fois en une de Paris Match, ce qui fait de lui l'un des piliers de l'hebdomadaire (qui a publié une sélection de ses apparitions les plus marquantes dans ses pages). Il demeure loin derrière Caroline de Monaco (98 couvertures, selon un décompte récent du site Viapresse) ou Johnny Hallyday (81).

Jean-Paul Belmondo et Alain Delon en couverture de "Paris Match" pour s'indigner d'avoir été oubliés du gala fêtant les 50 ans du Festival de Cannes, en mai 1997. (PARIS MATCH)

85. Sentence définitive de Jean-Luc Godard, avec qui Alain Delon a tardivement tourné Nouvelle vague en 1990 (alors que dans les années 1960, Delon s'inscrivait en opposition à ce courant) : "Tu n'as fait que trois bons films, mais au moins tu les as faits." Dommage qu'il n'ait pas donné la liste de ceux qui trouvaient grâce à ses yeux.

86. Ce n'est pas l'avis de Leonardo DiCaprio, qui confiait au micro de France 2 en 2019 : "C'est sans doute l'un des acteurs les plus cool dans l'histoire du cinéma."

87. Delon assume – à moitié – son côté "c'était mieux avant" à longueur d'interviews. Comme à Vanity Fair : "Ceux qui disent 'C'était mieux avant', je les trouve vieux cons. Mais moi, c'est différent parce que c'est vrai : de mon temps, c'était autre chose, c'était vraiment­ mieux. Le vieux con te parle ! Moi, tu vois, j'en ai plus rien à foutre, j'ai tout eu."

88. Il a tenu à s'assurer du titre de sa nécrologie, apprend-on dans le numéro de Schnock consacré à l'acteur. "Un jour, il n'y a pas très longtemps, à une conférence de presse, j'ai dit aux 50 journalistes : 'Demain, je meurs. Votre titre, c'est quoi ?' Ils ont tous répondu : 'Le Samouraï est mort.' Je leur ai dit : 'Parfait, on est d'accord.'".

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