Le prix Goncourt 2024 est attribué à Kamel Daoud pour "Houris"

Le roman de l'auteur franco-algérien évoque les massacres de la "décennie noire" algérienne (1992-2002), tandis que Gaël Faye a été primé pour un roman sur la reconstruction du Rwanda après le génocide.
Article rédigé par franceinfo
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L'écrivain Kamel Daoud, le 11 octobre 2024 à Cannes. (ERIC DERVAUX / HANS LUCAS)

Le prix Goncourt 2024 a été attribué, lundi 4 novembre, à Kamel Daoud pour son roman Houris. Les dix jurés, réunis au restaurant Drouant à Paris, ont plébiscité le roman de l'auteur franco-algérien pour sa fiction sur les massacres de la "décennie noire" algérienne (1992-2002).

Il a été choisi par le jury au premier tour, récoltant six voix, contre deux pour Hélène Gaudy, une pour Gaël Faye, lauréat du Renaudot, et une pour Sandrine Collette, a annoncé le président de l'Académie Goncourt, l'écrivain Philippe Claudel.

Le franco-algérien de 54 ans a été préféré à Gaël Faye (Jacaranda), Sandrine Collette (Madelaine avant l'aube) et Hélène Gaudy (Archipels). Il succède à Jean-Baptiste Andrea, primé en 2023 pour son roman Veiller sur elle.

"Un autre chemin de mémoire"

"L'Académie Goncourt couronne un livre où le lyrisme le dispute au tragique, et qui donne voix aux souffrances liées à une période noire de l'Algérie, celle des femmes en particulier. Ce roman montre combien la littérature, dans sa haute liberté d'auscultation du réel, sa densité émotionnelle, trace aux côtés du récit historique d'un peuple, un autre chemin de mémoire", a salué Philippe Claudel.

Houris, qui désigne dans la foi musulmane les jeunes filles promises au paradis, est un roman sombre sur le destin d'Aube, jeune femme muette depuis qu'un islamiste lui a tranché la gorge le 31 décembre 1999. Choisissant comme narratrice une femme, Kamel Daoud situe l'intrigue d'abord à Oran, la ville où il a été journaliste lors de la "décennie noire", puis dans le désert algérien, où Aube part retrouver son village. 

Interdit de publication en Algérie

C'est le troisième roman de cet auteur, le premier édité par Gallimard. Il avait déjà obtenu le prix Landerneau des lecteurs, en octobre, et ne peut être édité en Algérie, où il tombe sous le coup de la loi qui interdit tout ouvrage évoquant la guerre civile de 1992-2002. En Algérie, "on m'attaque car je ne suis ni communiste, ni décolonial encarté, ni antifrançais", disait cet "exilé par la force des choses" au Point, le magazine français où il est chroniqueur, en août.

Il a pris la nationalité française. Jusqu'à dire, en référence au poète Guillaume Apollinaire, né Polonais et naturalisé en pleine Première Guerre mondiale: "J'ai le syndrome d'Apollinaire, je suis plus français que les Français". Auprès d'une bonne partie de l'opinion et de l'intelligentsia algériennes, il ne peut se défaire de l'étiquette du traître à son pays.

Connaissance de l'histoire de son pays

Beaucoup d'Algériens, au contraire, admirent sa plume, sa connaissance de l'histoire du pays et son entêtement à poser les questions qui fâchent. À commencer par l'éditeur Sofiane Hadjadj, des éditions Barzakh, qui publiait en 2013 Meursault, contre-enquête. "Il a inventé sa propre manière d'écrire", commentait-il au moment du succès fulgurant de ce roman, repéré par Actes Sud. Sortie en France à 3 000 exemplaires en mai 2014, cette relecture de l'intrigue de L'Étranger d'Albert Camus va être l'une des sensations littéraires de l'année, avec plus de 100 000 exemplaires écoulés. 

Egalement finaliste du Goncourt, Gaël Faye a obtenu le prix Renaudot. Les deux auteurs, Daoud et Faye, ont pour point commun non seulement d'avoir du succès en librairie lors de cette rentrée littéraire mais d'avoir déjà été finalistes du Goncourt, respectivement en 2014 et 2016. Kamel Daoud, avec Meursault, contre-enquête, avait ensuite remporté le prix Goncourt du premier roman, tandis que Gaël Faye, avec Petit pays, le Goncourt des lycéens.

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