Cinq choses qu'on apprend dans l'exposition "Paris, capitale de la perle" à l'École des arts joailliers

Une centaine de pièces provenant de collections prestigieuses sont présentées pour raconter l'histoire oubliée d'une aventure artistique, commerciale et humaine.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Exposition "Paris, capitale de la perle" à l'École des arts joailliers à Paris : bague Georges Fouquet, vers 1920, avec perle fine, diamants, platine. Collection Faerber. (KATHARINA FAERBER)

Qui ne connaît pas la perle, recherchée depuis la haute Antiquité et source d'inspiration des plus grands joailliers modernes ? C'est au sein de sa nouvelle adresse parisienne des Grands Boulevards que se tient l'exposition Paris, capitale de la Perle proposée par l'École des arts joailliers, jusqu'au 1er juin 2025.

Au croisement de l'histoire, de l'art et de la science, cette exposition perce les derniers mystères du biominéral qu'est la perle. Après une introduction gemmologique sur ses origines, elle retrace l'histoire de cette passion joaillière depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours.

Une centaine de pièces sont présentées, provenant d'une vingtaine de prêteurs parmi les plus prestigieux, tels le Musée des arts décoratifs de Paris, le Petit Palais, les collections patrimoniales des maisons Van Cleef & Arpels, Cartier et Fred ou encore l'exceptionnelle collection privée Albion Art. Nous vous révélons en cinq points les choses à savoir sur ce petit trésor fascinant.

1 Chaque perle a son secret

"La première idée sur laquelle on insiste, c'est qu'il n'y a pas de grain de sable dans les perles", contrairement aux idées reçues, explique en préambule Léonard Pouy, docteur en histoire de l'art et responsable contenus et transmission à l'école. Il souligne que tous les mollusques "peuvent créer des perles, tous les bivalves et une très très grande variété de perles. Que ce soit dans la mer, que ce soit en eau douce". Si tous les mollusques à coquille peuvent produire des perles composées de carbonate de calcium, toutefois leur qualité va dépendre de leurs espèces. "On dit qu'une huître sur cent contient une perle et qu'une perle sur cent a les qualités suffisantes pour être montée sur un bijou."

André Vigneau, "Perles de culture", 1939, photographie. (BIBLIOTHEQUE HISTORIQUE DE LA VILLE DE PARIS / ROGER-VIOLLET)

2 Le Golfe persique est devenu le principal fournisseur de la France

Les plus belles perles utilisées en joaillerie proviennent généralement d'huîtres marines des régions chaudes, de part et d'autre de l'équateur : "On peut localiser assez précisément les perles et identifier facilement leur provenance qui est, dans l'Antiquité, la mer Rouge, le golfe Arabo-Persique et quelques perles douces aussi en Europe. À partir de la Renaissance, c'est le golfe du Mexique et le Venezuela. Le golfe Persique va maintenir cette spécialité presque jusqu'au XIXe sans discontinuer et va devenir le partenaire principal de tous les marchands français à partir de 1906", souligne Léonard Pouy.

3 Un commerce florissant avec la "côte des perles" a duré jusqu'à la fin des années 1930

De la fin des années 1860 à la fin des années 1930, période correspondant en France au régime de la IIIe République, une majorité des perles pêchées dans le Golfe ont été progressivement acheminées en France, vendues à Paris et montées par les plus prestigieux joailliers de la place Vendôme.

Les livres de comptes, les télégrammes, les documents d'archives et les photographies de l'époque disent l'ampleur de ce commerce. Des routes terrestres, maritimes puis aériennes ont été ouvertes, de grandes figures ont émergé tant dans le Golfe qu'en France, des fortunes se sont construites et le négoce de la perle a été à l'origine d'un essor économique sans précédent. Au gré du développement de nouvelles routes commerciales, des liens se sont tissés entre les hommes et les cultures, de la "côte des perles", comme on appelait alors les pays du Golfe, à la France du premier tiers du XXe siècle.

George Barbier, "La Fontaine de coquillages. Robe du soir de Paquin", Gazette du Bon Ton, n° 3, planche 27, 1914. (GEORGE BARBIER)

4Une rue à Paris comptait 300 négociants en perles fines dans l'entre-deux-guerres

La rue Lafayette, qui regroupait depuis le XIXe siècle la majorité des marchands de pierres précieuses parisiens, aurait concentré près de 300 négociants en perles fines dans l'entre-deux-guerres, entre ses numéros 1 et 100. Un tel chiffre frappe par son importance en comparaison de la situation actuelle du marché de la perle fine, au sein de la capitale comme au niveau mondial : tandis que les négociants et spécialistes parisiens se comptent aujourd'hui sur les doigts d'une main, la perle fine ne représente plus qu'un volume insignifiant d'un marché dominé par la perle de culture, qu'elle soit d'eau douce (95 %) ou d'eau de mer (5%).

5 La perle a de tout temps inspiré les joailliers et les artistes

Qui se souvient que la perle fut pendant des décennies au cœur de l'industrie du luxe et de la culture parisienne ? L'exposition montre dans quelle mesure, tant la perle fine que la perle de culture, arrivée en France dans les années 1920, ont su inspirer non seulement les joailliers parisiens, mais également les artistes, petits et grands. Tous semblent avoir été poussés par une même "perlomanie" et ce, quel que soit leur mode d'expression artistique, de l'opéra au cinéma en passant par la peinture, la photographie, l'affiche ou les illustrés, au point d'en faire l'une des formes symboliques des Années folles.

"Il faut savoir que de la préhistoire jusqu'à nos jours, la perle n'est jamais passée de mode. Je crois que c'est vraiment unique, vous pouvez prendre n'importe quelle période de l'histoire de l'art, vous aurez des perles dans les peintures, dans la poésie, dans la littérature, dans les contes, dans les légendes", constate Léonard Pouy.

Exposition "Paris, capitale de la perle" à l'École des arts joailliers : devant de corsage, 1905, Henri Vever, collection Faerber. (FAERBER)

Cette exposition, sous le commissariat scientifique d'Olivier Segura, gemmologue et directeur de l'École des arts joailliers Asie-Pacifique, et de Léonard Pouy, docteur en histoire de l'art, est l'objet d'un bel ouvrage signé par ce dernier. Comment, il y a moins d'un siècle, autant de négociants ont pu vivre à Paris du commerce de cette matière ? Quand et pourquoi la capitale française est-elle devenue le centre mondial de la perle ? Comment les relations entre la France et le Golfe, son principal fournisseur, étaient-elles structurées ? Pour quelles raisons ce commerce aussi florissant a-t-il complètement disparu ? Mais surtout, comment se fait-il que la mémoire de cet âge d'or de la perle soit aujourd'hui perdue ? Toutes les réponses dans ce bel ouvrage.

Livre "Paris, capitale de la perle" de Léonard Pouy. (ALBION ART JEWELLERY INSTITUTE / L'ECOLE DES ARTS JOAILLIERS / NORMA EDITIONS)

Et si vous voulez en savoir encore plus La Voix des bijoux, le podcast de l'École des arts joailliers, entraîne son lecteur aux côtés des pêcheurs de nacre du néolithique, des grandes reines de la Renaissance et des stars de Hollywood, à la découverte des chefs-d'œuvre de la joaillerie inspirés par les perles.

Exposition "Paris, capitale de la perle" jusqu'au 1er juin 2025. L'École des arts joailliers. Hôtel de Mercy-Argenteau, 16 bis boulevard Montmartre, 75009 Paris. Du mardi au dimanche, de 11h à 19h. Nocturne jusqu'à 21h le jeudi. Entrée gratuite, sur réservation.

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