Cet article date de plus de cinq ans.

Grâce au financement participatif, vous pouvez offrir des chaussons aux ballerines de l'Opéra de Paris

La baisse des subventions de l'Etat incite le monde des arts lyriques à trouver des nouvelles sources budgétaires.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les créateurs de costumes de l'Opéra de Paris travaillent sur des tutus, en janvier 2019. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Vous avez envie d'acheter des chaussons de pointes pour une danseuse étoile ? Vous rêvez de contribuer au financement d'une création mondiale d'opéra ? Poussé par une baisse des subventions publiques, le crowdfunding, ou financement participatif, gagne le monde du ballet et de l'opéra en France, alors qu'il est déjà bien installé dans le monde associatif ou dans le théâtre.

Même de grandes institutions comme l'Opéra de Paris, avec ses grands mécènes, commencent à lancer des campagnes de dons en ligne, pratique courante dans les pays anglo-saxons. Mais, contrairement au patrimoine, comme le montre l'exemple récent de Notre-Dame, financer le lyrique et la chorégraphie va parfois moins de soi.

"Les gens se demandent pourquoi ce n'est pas l'Etat qui paie"

"On considère que ce n'est pas patrimonial, que c'est éphémère", affirme à l'AFP Jean-Yves Kaced, directeur de l'Association pour le rayonnement de l'Opéra de Paris (Arop). Le recours au financement privé "pose encore problème en France car les gens se demandent pourquoi ce n'est pas l'Etat qui paie".

L'Arop a lancé cette année la campagne "En pointes !", pour financer les chaussons des ballerines de l'Opéra. Les donateurs, selon la somme versée, peuvent visiter les ateliers de costumes ou assister à une répétition de ballet.

"Certains ont réagi en disant : "L'Opéra n'a-t-il pas les moyens de payer les pointes de ses danseuses ?". C'est quand même 400.000 euros par an", précise Jean-Yves Kaced, précisant qu'une danseuse étoile peut utiliser jusqu'à trois paires pendant une représentation du Lac des cygnes. Les dons peuvent s'échelonnent de 60 euros pour une paire de pointes, à 15.000 euros pour la prochaine série du ballet Giselle début 2020.

Doublement du mécénat à l'Opéra de Paris

L'Arop, soutenue entre autres par Rolex, la Fondation Bettencourt, EY ou Paprec recyclage, entend ainsi diversifier ses ressources propres. "Cela permet aussi aux gens qui n'ont pas de gros moyens de se sentir impliqués" dans la vie de l'Opéra, selon le directeur de l'Arop.

Cela permet aussi aux gens qui n'ont pas de gros moyens de se sentir impliqués.

Jean-Yves Kaced

Créée il y a 40 ans, cette association a presque doublé le mécénat jusqu'à 18 millions d'euros annuels sous l'impulsion du directeur de l'Opéra de Paris Stéphane Lissner, arrivé en 2014 dans un contexte de baisse de subventions. Son successeur Alexander Neef, nommé mercredi, devrait accentuer cette tendance. "Avec la réduction des subventions, c'est vital", estime Jean-Yves Kaced.

Un fauteuil au nom du donateur 

S'inspirant du modèle britannique, l'Opéra a créé des cercles spécialisés pour donateurs (danse, opéra), lancé la campagne "Adoptez un fauteuil" au Palais Garnier (le nom du donateur est gravé sur un fauteuil) et tient un gala d'ouverture de la saison qui engrange plus de 1,1 million d'euros. Même si la part du mécénat participatif reste encore modeste, Jean-Yves Kaced estime qu'elle devrait augmenter.

De son côté, la Maison de la danse de Lyon a lancé en 2017 une campagne pour la création du premier jeu vidéo pédagogique pour la danse grâce à KissKissBankBank, plateforme active de financement participatif, tout comme Commeon qui lance de plus en plus de projets ciblés danse.

Un modèle en voie d'hybridation

La France est à mi-chemin entre l'Allemagne, où l'Etat contribue encore énormément, et le Royaume-Uni, où les philanthropes sont rois. A l'Opéra de Paris, "on est en voie d'hybridation: subventions, billetterie et mécénat avec crowdfunding", précise le directeur de l'Arop.

Depuis 2018, l'association européenne de philanthropie Fedora utilise le crowdfunding pour compléter le financement de créations mondiales pour 85 maisons d'opéra dans 21 pays. Si les Prix Fedora sont dotés grâce à Van Cleef & Arpels (100.000 euros) et Generali (150.000 euros), chacun peut voter en amont pour son projet préféré puis, à partir de 5 euros, faire un don en ligne à l'un des 11 projets nommés.

Vers la démocratisation du mécénat

"Cette plateforme engage le public dans des projets artistiques, explique à l'AFP la directrice de Fedora, Edilia Gänz. C'est un peu la démocratisation du mécénat; tout le monde peut faire une différence." En échange, le donateur a accès aux coulisses ou à une répétition.

Le but est aussi d'attirer un nouveau public, notamment jeune, en l'impliquant dès la conception des projets artistiques.

Edilia Gänz

Au vu du coût élevé des productions d'art lyrique, que ce soit opéra ou danse, l'effet du financement participatif sur le budget reste encore limité. Cependant, "le but est aussi d'attirer un nouveau public, notamment jeune, en l'impliquant dès la conception des projets artistiques", précise Edilia Gänz. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.