: Reportage Disiz, Maureen, Gazo, Little Simz : les temps forts d'une folle journée à We Love Green 2023
Au soleil, tous les feux étaient au vert samedi à We Love Green. Le festival écoresponsable qui se tient jusqu’à dimanche soir au bois de Vincennes, a cette capacité d’attirer un public varié, des jeunes aux plus âgés en passant par les parents amenant leurs enfants à leur premier festival. Il faut aussi compter sur la myriade d’influenceurs venus parader - ambiance Coachella et paillettes - ou encore ces célébrités espérant se camoufler dans la foule des festivaliers (on a vu Marion Cotillard). We Love Green fait consensus. Les mauvaises langues diront même qu’il est trop consensuel. Les autres qu’il rassemble.
D’autant qu’il y en a pour tous les goûts : du rap, de l’électro, du rock, des shows de skate et BMX, de grosses têtes d’affiche, et surtout des découvertes musicales emballantes. Après avoir vadrouillé de la prairie à la clairière, Franceinfo vous propose une liste non exhaustive des moments forts de cette journée de samedi.
Disiz séduit sans effort en éternel lover
En pleine après-midi, Disiz surprend toujours autant. Tenue oversize immaculée, mise en scène minimaliste, mais une ambiance de feu sous la grande tente de la Clairière. Malgré la chaleur, une foule compacte s’est rassemblée pour écouter le rappeur aux mille vies. Revenu l’an passé d’une petite traversée du désert avec un album de lover, L’Amour, il effectue depuis une remontada triomphale, qui séduit autant les jeunes que les moins jeunes. Sur scène, pas besoin pour lui d’en faire des tonnes, les échanges avec le public se limitent à de timides : " Ca va ? Moi oui, ça va". Sa voix grave et ses paroles percutantes font le reste, rythmées par une batterie, une basse et un synthé. Le quadragénaire passe par tous les styles : d’un rap entraînant à des sonorités plus pop, d’un featuring avec Damso (qui n’était pas présent) à un début de chanson a capella, il sait nous embarquer dans son univers. L’ancien Disiz La Peste a gagné en sagesse. Rappeur, acteur et même romancier, son assurance tranquille fait consensus sur la scène de We Love Green.
Adèle Castillon illumine sous un écrasant soleil
Du haut de ses 21 ans, Adèle Castillon transforme ses premières musiques en tubes de l’été. Les sonorités sont pop, électro, nous plongent irrémédiablement dans une forme de nostalgie envoutante. Connue adolescente sur YouTube puis en duo avec Vidéoclub (groupe au succès planétaire), elle participe à son tout premier festival en solo, sans avoir froid aux yeux. Elle porte d’ailleurs une cagoule noire avec une ouverture en forme de cœur.
Et Adèle Castillon ne manque pas de générosité. Elle oscille durant une heure entre les tubes bien connus de Videoclub et ses nouvelles créations, en testant notamment son single Alabama qui sortira le 16 juin. Comme pour se rassurer face une foule qui bouillonne à ses pieds, elle n’hésite pas à entamer la conversation. Elle se présente d’abord, puis au gré des chansons, partage ses sentiments ou des épisodes de sa vie. " Pour moi, c'était hyper important d'échanger avec le public, confie-t-elle à franceinfo à sa sortie de scène. C’est quelque chose que j’expérimente depuis très jeune avec mes vidéos sur YouTube, il y avait déjà cette proximité en parlant aux gens, en leur répondant en commentaire". Sur scène, lorsqu’elle raconte la fois où son ex-compagnon l'a trompée, une festivalière lui crie " Ma puce, on est là si tu as besoin !", non sans humour. " C’est vrai que la plupart des gens qui sont là, ce sont des gens dans ma tranche d'âge, explique Adèle. Je pourrais faire des soirées avec eux, leur raconter ma vie, écouter la leur. Et c’est cool si ma musique leur parle, les touche et qu’on peut s’ambiancer ensemble".
Maureen confirme sur scène son style explosif
On ne connaissait pas Maureen, mais le festival a permis d’y remédier et c’est un des atouts de We Love Green de proposer de nouvelles têtes enthousiasmantes. Cette jeune martiniquaise de 24 ans est une véritable révélation. Body noir et foulard à paillettes, la reine du shatta (dérivé du dancehall) propose à un public en liesse un cocktail de sons explosifs. Des basses omniprésentes, une danse envoûtante (allant jusqu’au grand écart) et des paroles qui restent en tête : elle transforme une scène confidentielle où l’on passait une tête par hasard en gigantesque club à ciel ouvert. " Pour moi shatta ça signifie qu’on a la rage, on a besoin d’évacuer, de transformer ça en quelque chose de joyeux", confiait-elle au média Brut. Ses tubes font des millions de vues sur Internet, et le public l’attendait. Pourtant, il s’agissait de son premier grand festival. Si elle n’a d’ailleurs toujours pas sorti d’album, elle n’en reste pas moins une artiste à suivre. En mai, à la première cérémonie des Flammes, elle a remporté la Flamme du "morceau caribéen de l’année" pour son titre Laptop en duo avec le rappeur Kalash. Vous n’êtes pas prêts.
Little Simz casse la baraque rap avec classe
On attendait la queen of rap, on a eu mieux : impériale, Little Simz a raflé samedi la médaille de la plus formidable machine à rapper du festival en une petite heure, enfonçant au passage l’un des poids lourds du genre, l’Américain Pusha T, moins convaincant une heure plus tard sur la même scène bien qu’il se soit donné à fond avec son DJ pour faire remuer une foule atone.
Little Simz est une rappeuse anglaise ultra-volubile qui rime à la vitesse de l’éclair avec une précision folle aussi bien dans ses paroles acérées que dans sa diction. Sur scène, beaucoup l’ont découverte en 2017 en première partie de Gorillaz sur la tournée Humanz Tour. Toute jeune, toute fine, la Londonienne impressionnait déjà par la férocité avec laquelle elle crachait ses rimes. Depuis, Little Simz a encore pris de l’envergure et démontre une présence et une aisance admirables, occupant la scène et captant l’attention de chacun. On la sent brûlante de rage, mais cette furie formidablement canalisée, articulée, maîtrisée, devient le moteur d’une énergie irrésistible qui ne l’empêche pas de faire preuve d’humour et de sensibilité dans ses textes, et sur scène, de sourire tout du long. Son show, qui a eu la bonne idée de faire la part belle à son avant-dernier album, l’excellent I Might Be Introvert, et convoquait guitare et basse sur certains titres, a réussi à captiver même ceux qui ne la connaissaient pas. En une dizaine de morceaux, dont le final Woman, son ode aux femmes, elle a tout simplement plié le game. "Little" Simz n’est pas petite, ni même grande, elle est immense.
Channel Tres renouvelle la house music en toute liberté
Ce serait mentir de dire qu’on connaissait Channel Tres avant samedi 3 juin 2023. Tout juste avait-on entendu bruisser son nom autour de Disclosure et Moodymann. À We Love Green, sous la verrière du LalaLand, l’espace dédié aux musiques électroniques qui a fait le plein tout le week-end comme jamais, le crush a été immédiat. Parce que la house music mâtinée de soul et de disco de cet Américain, emmenée par son rap-chant lascif au micro, aux accents Barry White, est un mélange idéal pour se déhancher et se lâcher avec volupté.
Sur scène, en jupe rouge et débardeur noir, flanqué de deux danseurs souples aux mouvements de bras très voguing, sa sensualité queer mettait tout le monde d’accord, bras en l’air et cœur avec les mains. Comme peu de sa génération, le trentenaire natif de Compton, quartier dur de Los Angeles où ont éclos nombre de stars du rap américain, dont Dr Dre et Kendrick Lamar, a compris que le rap et la house étaient faits pour s’entendre. Et que la house était non pas une musique de Blancs, mais un genre inventé par des Afro-américains à Chicago il y a 40 ans. Un genre dont Beyoncé et Drake ont infusé leurs albums respectifs l’an passé, et dont Channel Tres s’était emparé avant eux en toute liberté. Ses deux albums – I Can’t Go Outside (2020) et Refresh (2022) – chauffent déjà sur la platine, et pour longtemps.
Gazo déchaine la foule pour l'acmé de la soirée
Pendant que la grosse tête d’affiche Phoenix termine sur la plus grande scène un concert efficace à la scénographie léchée, mais dans lequel on peine à rentrer, les festivaliers les plus impatients commencent à se rassembler à l’autre bout du site pour Gazo. Le public est jeune et couvert de poussière des chaussures jusqu’aux narines, mais il en faudrait bien plus pour l’arrêter.
Dès son entrée en scène sous la clameur, Gazo met tout de suite le "fire", appelant les festivaliers "sa family". S’il oublie parfois son texte (comme lors de la cérémonie des Flammes où il a d’ailleurs remporté deux prix), et que le public semble connaître les paroles bien mieux que lui, l’atmosphère n’en reste pas moins fervente. Plus encore que le rappeur Pusha T, il a une obsession pour les pogos : il en réclame régulièrement à son public qui lui obéit au doigt et à l’œil, transformant le chapiteau de La Clairière en poêle à pop-corn géante. On peut regretter que l’artiste aux nombreux featuring n’ait pas ramené d’invités sur scène. Mais il a su satisfaire la foule en partageant son dernier son LA RUE, en featuring avec Damso ou encore son ancien titre DRILL FR4 avec Freeze Corleone qui a rendu le public hystérique, acmé de ce concert qui restera dans les annales.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.