Hommage à Hubert Germain : "Pour lui il n'y avait pas un héros, il y avait une armée de héros", raconte Marc Leroy, auteur d'un livre d'entretiens
Marc Leroy, auteur d'un livre d'entretiens avec Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération inhumé ce jeudi 11 novembre au Mont Valérien, lui rend hommage sur franceinfo.
Alors qu'Hubert Germain, dernier des combattants de la Libération, mort en octobre dernier, sera inhumé au Mont Valérien jeudi, jour des commémorations du 11-Novembre. "Pour lui il n'y avait pas un héros, il y avait une armée de héros", raconte jeudi 11 novembre sur franceinfo Marc Leroy, séminariste pour le diocèse des armées et auteur d'un livre d'entretiens signé avec Hubert Germain, Espérer pour la France, publié aux éditions des Belles Lettres.
franceinfo : Hubert Germain avait rejoint Londres à 19 ans seulement, dès la débâcle de l'armée française, c'est-à-dire en juin 1940. Comment parlait-il de ce moment où sa vie de jeune homme a basculé ?
Marc Leroy : D'une certaine manière, il s'y préparait puisqu'il s'était rendu compte grâce à son père, qui était lui-même général d'armée en poste en Indochine, que les officiers généraux qui avaient fait la guerre de 14-18 étaient fatigués et n'avaient aucune envie de reprendre le fusil et de repartir à la guerre. Il avait déjà senti que c'était sa génération qui allait devoir se lever et donc cela n'a pas été une surprise pour lui. En 1940, après la débâcle française et l'armistice signée par Pétain, sa décision avec plusieurs de ses camarades a été très claire : "Nous partons soit pour le Maroc, soit pour l'Angleterre". Quand le Maroc, qui était sous protectorat français, a rejoint Pétain, ils ont décidé de s'embarquer à Saint-Jean-de-Luz en juin 1940 pour rejoindre Londres. Il n'avait même pas entendu le discours du général de Gaulle, donc sa décision était vraiment indépendante du discours, comme beaucoup de Français qui se sont embarqués à Londres. Pour eux, c'était juste une volonté qui était dans leur cœur de continuer le combat. Et c'est en arrivant à Liverpool qu'il a découvert ce qui deviendra l'Appel du 18 juin. Et c'est là où ils ont tous compris qu'ils avaient peut être trouvé un chef qui allait pouvoir rassembler toutes leurs énergies.
Hubert Germain a ensuite combattu en Syrie, en Egypte, en Italie, participé au débarquement en Provence, puis à nouveau combattu en Alsace, dans les Vosges. Il a été blessé plusieurs fois. Se considérait-il comme un héros ?
C'était quelqu'un d'extrêmement humble. Il ne pouvait pas se considérer comme un héros parce que pour lui, un héros c'est celui qui sort du lot. Or, pour lui, il ne sortait pas du lot. Tous les gens avec lesquels il a combattu, ces légionnaires, tous étaient au même rang que lui, avaient le même courage et la même détermination, le même engagement, tous avaient vécu les mêmes souffrances. Donc pour lui il n'y avait pas un héros, il y avait une armée de héros. Peut-être que ce qui l'a fait sortir du lot, c'est justement lorsqu'à 23 ans, il a appris qu'on allait lui remettre la Croix de la Libération et le faire Compagnon de la Libération.
Dans votre livre, Hubert Germain dit : "Je n'ai aucun mérite. Je ne suis qu'un petit point de rencontre au croisement de nombreux événements, mais j'ai été heureux." Est-ce un homme heureux que vous avez rencontré ?
C'était un homme heureux en dépit des souffrances qu'il a vécues. C'est peut-être l'un des messages qu'il nous donne, c'est qu'on peut être heureux en dépit des souffrances que nous pouvons vivre dans notre vie. Il y a eu bien sûr les souffrances de la guerre. Il y a eu également les souffrances des décès familiaux qui ont été nombreux alors qu'il était encore jeune. C'est un homme qui a été un peu secoué par les événements, mais qui a toujours cherché à être heureux en dépit des souffrances et des difficultés. Et cette joie se manifestait notamment par son sens de l'humour qui était très aiguisé.
Hubert Germain a demandé que son cercueil s'arrête quelques instants au pied de la statue du général de Gaulle. Vous en avait-il parlé ?
Le parcours qui a été choisi est celui que le général de Gaulle avait organisé en 1945, avec les 16 compagnons qui ont été déjà mis dans les différents caveaux du Mont Valérien. Hubert Germain, un peu facétieux, lorsqu'on lui a décrit ce parcours, a tout de suite dit : "Mais vous oubliez une chose, c'est que sur la route, on va croiser quand même le général de Gaulle. Ce serait très bien, par politesse, de s'arrêter auprès de lui." Il a proposé cette halte supplémentaire qui lui semblait un peu nécessaire auprès du fondateur de l'Ordre de la Libération.
Il a aussi demandé que soient déposés tout à l'heure sur son cercueil une croix de Lorraine particulière parce qu'elle doit être taillée dans le bois de la charpente de la cathédrale Notre-Dame. Pourquoi ce choix ?
D'abord, il faut rappeler qu'Hubert Germain était catholique. Il a toujours vécu cette foi catholique comme une recherche et un défi constant dans sa relation à Dieu. Et donc la croix de Lorraine, c'est d'abord une croix qui symbolise sa foi. Un deuxième élément, c'est que la croix de Lorraine est le symbole par excellence de l'ordre de la Libération. Et enfin, cette croix devait être sculptée dans la charpente de Notre-Dame de Paris. C'est lui qui a eu cette idée-là. Initialement, on lui avait proposé de tailler cette croix dans le bois de la future forêt qui allait permettre la restauration de Notre-Dame, mais il a proposé qu'un élément de croix soit dans le bois de la future forêt et qu'un autre élément soit dans le bois calciné de Notre-Dame. C'était une manière pour lui, encore une fois, d'être un témoin qui allait passer un message à plus jeune après lui. Et ainsi, dans cette croix, l'ancien bois et le nouveau bois étaient réunis.
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