Renaissance de Notre-Dame de Paris : comment une quête monumentale à plusieurs centaines de millions d'euros a permis de financer la reconstruction

Article rédigé par Eloïse Bartoli
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une souscription nationale sans précédent a été mise en place à la suite de l'incendie de Notre-Dame de Paris pour financer la reconstruction à l'identique de l'édifice. (HELOISE KROB / FRANCEINFO)
Combien ont coûté les travaux qui ont permis la réouverture de la cathédrale ? Selon les informations de franceinfo, 700 millions d'euros ont été dépensés sur les 846 récoltés grâce à 340 000 donateurs.

Aux grands donateurs, la patrie reconnaissante. Le chantier du siècle n'est pas tout à fait achevé, mais la cathédrale de Notre-Dame de Paris rouvre tout de même ses portes au public et aux fidèles samedi 7 et dimanche 8 décembre. Les 1 500 chaises flambant neuves de la nef vont offrir une confortable assise aux chefs d'Etat et de gouvernement qui font le déplacement pour l'occasion, mais pas seulement. Certains des mécènes et donateurs qui ont financé les travaux de consolidation et de restauration après l'incendie qui a ravagé l'édifice gothique il y a cinq ans figurent sur la liste des invités, confirme l'Elysée. Pour les autres, une messe sera organisée le mercredi 11 décembre, selon le diocèse de Paris. Une démonstration de gratitude qui se veut à la hauteur des sommes astronomiques levées pour remettre rapidement Notre-Dame sur pied.

Dès le soir du 15 avril 2019, Emmanuel Macron avait appelé, devant une cathédrale encore fumante, à la souscription nationale.

"Cette cathédrale Notre-Dame, nous la rebâtirons. Tous ensemble. C’est une part de notre destin français. Je m’y engage : dès demain, une souscription nationale sera lancée, et bien au-delà de nos frontières."

Emmanuel Macron, président de la République

le 15 avril 2019

Message reçu cinq sur cinq par un public peiné devant la conflagration. A 23h06, le soir de l'incendie, une collecte de dons est mise en ligne par la Fondation du patrimoine et avant minuit, alors que le feu n'est pas encore éteint, les premiers dons sont enregistrés.

Durant les mois qui suivent, les donateurs, toujours plus nombreux, envoient leur argent aux organismes habilités par la loi du 29 juillet 2019, à recueillir les fruits de la souscription nationale : le Trésor public, le Centre des monuments nationaux, mais aussi la Fondation Notre-Dame, la Fondation du patrimoine et la Fondation de France. Une levée de fonds inédite qualifiée de "plus grande campagne de philanthropie culturelle de l'histoire" par la Fondation du patrimoine dans son bilan, consulté par franceinfo.

Les grandes fortunes mettent la main à la poche

Au total, 846 millions d'euros de dons sont récoltés auprès de 340 000 donateurs : des particuliers, mais aussi des entreprises, des collectivités territoriales, des associations et des fondations, retrace l'établissement public Rebâtir Notre-Dame. L'argent arrive du monde entier : 65 millions d'euros viennent de l'étranger et 150 pays participent à l'effort, les Etats-Unis en tête, avec leurs 45 000 bienfaiteurs, déroule Michel Picaud, président de la fondation Friends of Notre-Dame de Paris, à l'initiative de la collecte américaine. Parmi les plus gros donateurs, figurent de riches familles ou des entreprises telles que Bank of America, American Express ou encore Walt Disney.

"Nous avons bénéficié de l'attachement des Américains à Notre-Dame, pour des raisons confessionnelles, mais aussi pour des raisons culturelles et historiques."

Michel Picaud, président de Friends of Notre-Dame de Paris

à franceinfo

Preuve supplémentaire – s'il en fallait une – de l'attachement du pays de l'oncle Sam au patrimoine tricolore : 80 des plus gros contributeurs américains ont traversé l'Atlantique pour assister aux festivités du week-end.

En France, les grandes fortunes n'ont pas non plus hésité à mettre la main au portefeuille. La famille Pinault, propriétaire du groupe de luxe Kering, a ouvert le bal en participant à hauteur de 100 millions d'euros. La famille Arnault, du groupe LVMH, et la famille Bettencourt-Meyers, propriétaire du groupe L'Oréal, ont quant à elle doublé la mise en donnant chacune 200 millions d'euros au chantier de la reconstruction.

Le fisc met sa pierre à l'édifice

Un acte généreux et, pour certains, fiscalement intéressant. La loi du 29 juillet 2019 a porté à 75%, dans la limite de 1 000 euros la réduction d'impôt pour la souscription nationale en 2019 (contre 66 % habituellement). Concernant les entreprises, le mécénat permet classiquement de réduire l'impôt à hauteur de 60% du don dans la limite de 0,5% du chiffre d'affaires. Des déductions fiscales qui ont un coût pour le budget de l'Etat. La mission d'information de l'Assemblée nationale estime à 18 millions d'euros les recettes en moins de l'impôt sur le revenu. Un montant "relativement faible", selon les rapporteurs parlementaires, puisque "beaucoup de particuliers donateurs n'ont pas sollicité la réduction d'impôt". Certains grands donateurs comme la famille Pinault ont également fait savoir qu'ils renonçaient aux avantages fiscaux potentiels.

Une fois les caisses abondamment remplies, le chantier a été confié à l'établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, créé pour l'occasion. La première phase des travaux, correspondant à la sécurisation de l'édifice fragilisé par l'incendie, s'est déroulée de 2019 à 2021 et a coûté 150 millions d'euros, avait chiffré Philippe Jost, président de l'établissement public, lors de son audition au Sénat en mars. L'enveloppe allouée aux travaux de restauration, la deuxième phase du chantier, a représenté quant à elle 552 millions d'euros, dont environ 420 millions versés aux entreprises et aux prestataires. Au total, 702 millions d'euros ont été dépensés lors des deux premières phases des travaux, assure l'Elysée.

Un trou dans le budget reste à boucher

Après cinq ans de labeur, la cathédrale rouvre ainsi ses portes avec, dans sa tirelire, quelque 140 millions d'euros restant de la souscription nationale, confirme la présidence. Une somme destinée à être utilisée lors de la troisième et dernière phase de la restauration qui débutera au début de l'année 2025, toujours selon l'Elysée. Ces derniers travaux porteront notamment "sur les arcs-boutants, les murs gouttereaux, les murs d'élévation des tribunes, les réserves, les chapelles du chevet, les terrasses hautes, des travaux sur la sacristie, sur les croisillons du transept et, si le reliquat le permet, sur le presbytère", détaille la Fondation du patrimoine, contactée par franceinfo.

Le réaménagement à venir des abords de la cathédrale sera quant à lui financé par la mairie de Paris à hauteur de 50 millions d'euros. "Cette nouvelle phase déborde du champ des conséquences directes de l'incendie", prévient la fondation. L'utilisation des dons restants lors de cette dernière phase des travaux se fera donc "en accord avec chacun des mécènes concernés".

Mais les calculs ne sont pas bons. La Fondation du patrimoine évalue cette nouvelle phase du chantier à 170 millions d'euros. La somme restante est donc insuffisante et la réalisation de tous les travaux prévus "va dépendre des crédits mobilisables au-delà de la souscription", fait valoir l'Elysée. Un constat partagé par le président de la fondation Friends of Notre-Dame de Paris, qui compte bien se retrousser une nouvelle fois les manches pour collecter, dès 2025, "les derniers millions manquants".

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