Portrait de Cyril Hanouna : "J'ai découvert l'ampleur du mal-être de certains salariés", témoigne la journaliste de "Complément d'enquête" Virginie Vilar

La journaliste de l'émission d'investigation de France 2 dévoile à franceinfo les coulisses de cette enquête "éreintante".
Article rédigé par franceinfo
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L'animateur de télévision Cyril Hanouna, le 9 septembre 2021, à Paris. (IAN LANGSDON / AFP)

Trente-deux collaborateurs sollicités, mais rares sont ceux qui ont accepté de parler. Après plusieurs mois d'investigations, "Complément d'enquête" consacre son numéro du jeudi 30 novembre à l'animateur Cyril Hanouna, présentateur de l'émission "Touche pas à mon poste" sur C8. "Pour ce portrait, ça a été extrêmement compliqué de faire parler des gens face à la caméra, raconte la journaliste Virginie Vilar. Les gens craignaient d'être découverts ou retrouvés. Avant de commencer mon travail, je savais que Cyril Hanouna était puissant. Mais à ce point ? Absolument pas. Moi-même, j'ai subi des coups de pression, des intimidations." Elle a accepté de dévoiler les coulisses de l'enquête à franceinfo.

Franceinfo : En quoi est-ce particulier d'enquêter sur Cyril Hanouna ?

Virginie Vilar : C'est tout simplement l'enquête la plus dure que j'aie eu à réaliser. J'ai fait des sujets plus compliqués sur le fond que celui sur Cyril Hanouna. Je pense à mon enquête sur la torture dans une prison syrienne, celle sur les accusations de violences sexuelles visant Nicolas Hulot. Mais ici, la difficulté pour moi, c'était la pression médiatique.

C'est-à-dire ?

Dès le premier jour de mon enquête, j'ai écrit à Cyril Hanouna pour lui dire que j'aimerais faire son portrait. Le soir même, il en parle dans son émission. Une chroniqueuse [Valérie Benaïm] que j'ai interrogée a débriefé notre interview le soir même en plateau. Un autre chroniqueur, Bernard Montiel, affirme que je paie des témoins pour mon enquête. C'est quand même une accusation gravissime, on aurait d'ailleurs pu attaquer en diffamation. Cyril Hanouna lui-même promet qu'après mon sujet, l'émission "Complément d'enquête" va disparaître… Ça a créé une agitation et une pression permanentes. Ça a été une enquête éreintante, oui. Aussi parce qu'il y a énormément d'attentes et de fantasmes autour de Cyril Hanouna.

Qu'avez-vous découvert sur la personnalité de Cyril Hanouna ? 

Quand je commence l'enquête, je ne le connais pas énormément, je regarde peu son émission. Je ne connaissais pas son parcours et d'ailleurs, j'ai aimé me plonger dans son histoire, dans son ascension, j'ai redécouvert des archives. Je n'imaginais pas qu'il était aussi puissant. Quand j'ai discuté avec Arnaud Lagardère, je me suis rendu compte qu'il avait quand même des relations, de sérieux appuis.

J'avais entendu, effectivement, que certains employés dénonçaient un climat toxique. Mais je n'en imaginais pas l'étendue. En discutant avec la source anonyme, j'ai découvert l'ampleur du mal-être de certains salariés.

Justement, vous avez contacté 32 collaborateurs directs de Cyril Hanouna. Hormis Valérie Benaïm, un seul a accepté de vous parler – et encore, anonymement. Pourquoi ?

Parce que tout le monde a peur de parler. Si cette personne accepte, c'est parce qu'elle me dit avoir une responsabilité. La première fois que l'on s'appelle, elle me dit ceci : "Je ne peux pas prendre le risque de vous dévoiler mon identité. En revanche, je sens que j'ai une responsabilité et que je ne peux pas me taire. Il faut que le public sache." Cette personne évoque à la fois des "trucages" de séquences dans l'émission, mais aussi le sort des salariés "qui souffrent" d'un patron accusé d'être "tyrannique" et de priver de salaire ceux qui disent "un truc qui ne lui plaît pas".

Est-ce que vous avez un regret ?

Oui, que Cyril Hanouna, qui est l'objet de mon portrait, n'ait pas accepté de parler. Pourtant, je l'ai vu longuement, fin février, dans un café. C'était super intéressant de lui parler, il me promettait de m'ouvrir les portes, de dévoiler quelques pans de sa vie privée. On avait même calé un tournage avec lui à l'occasion d'un tournoi de padel, sport qu'il pratique beaucoup. On avait rendez-vous le lendemain à 15 heures. Et puis, quelques heures plus tard, il m'envoie un texto et me dit : "Finalement, j'en ai discuté avec mes conseils en communication et ils ne sont pas chauds. Désolé, tout le monde me dit qu'il ne faut pas que je participe à ce portrait, je ne suis pas le seul à décider." Lui s'est retranché derrière ça. Dommage, car je pense que c'est quelqu'un de complexe et qu'on aurait pu entrevoir cette complexité s'il nous avait ouvert les portes.

Appréhendez-vous l'après-diffusion de l'enquête ?

Pas plus que ça. Je m'attends à ce que Cyril Hanouna parle de nous dans son émission de vendredi, qu'il fasse un débriefing. Après, il faut remettre les choses à leur place : ce n'est que le portrait d'un animateur de télé.

* "Complément d'enquête" propose un long portrait de Cyril Hanouna, jeudi 30 novembre. Le magazine d'investigation a rencontré d'anciens proches de l'animateur mais aussi des collaborateurs actuels, qui dressent le portrait d'un "chef de bande" aux méthodes de management controversées. Il revient également sur les coulisses de plusieurs séquences marquantes de "Touche pas à mon poste", l'émission la plus sanctionnée du PAF. Et il fait des révélations sur la fortune personnelle de l'animateur. A voir, à partir de 23 heures, sur France 2, sur franceinfo.fr et sur france.tv.

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