Enquête France 2 "Complément d'enquête" révèle les dessous de la séquence des faux policiers de la Brav-M invités par Cyril Hanouna dans "Touche pas à mon poste"

Article rédigé par franceinfo - avec "Complément d'enquête"
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Cyril Hanouna, l'animateur de l'émission "Touche pas à mon poste" sur C8, le 17 novembre 2023. (ROMAIN DOUCELIN / HANS LUCAS / AFP)
Le magazine d'investigation de France 2 consacre un numéro à Cyril Hanouna et revient sur cet épisode pendant lequel l'animateur de C8 et ses équipes ont été pris en flagrant délit de "fake news".

Cette fois, c'est à visage découvert qu'il parle à la caméra. Sans cagoule noire, sans brassard orange siglé "police", sans voix modifiée. Huit mois après son passage dans l'émission "Touche pas à mon poste" sur C8, Cédric Vladimir est amer. "On a trois policiers qui risquent de perdre leur travail parce qu'ils ont fait confiance et qu'on a trahi leur confiance", raconte l'ancien fonctionnaire de police à "Complément d'enquête", qui consacre un numéro à Cyril Hanouna* et revient, jeudi 30 novembre, sur une séquence télé devenue virale : celle des faux policiers de la Brav-M invités en plateau.

Ce vendredi 31 mars, Cédric Vladimir s'installe sur le plateau de "TPMP" avec trois autres personnes, deux hommes et une femme, toutes vêtues de noir. Le célèbre animateur les présente à l'antenne : tous les quatre seraient des policiers appartenant à la Brav-M et à des unités spéciales. A l'époque, la brigade motorisée de la police est très critiquée pour sa gestion de la contestation contre la réforme des retraites. Des élus demandent son démantèlement, une pétition exigeant sa dissolution est lancée. "On connaît très, très bien le terrain", "on fait partie des anciens, on l'a pratiqué de A à Z", affirme l'un des intervenants.

Mais l'image de ces policiers cagoulés à la voix truquée met aussitôt la maison police en colère. Deux heures après l'émission, le syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) interpelle l'animateur sur les réseaux sociaux : "Monsieur Hanouna, d'après nos informations, ce ne sont pas/plus des policiers, et vous n'avez pas procédé aux vérifications nécessaires pour éviter de faire parler des guignols usurpateurs. Vous méritez des poursuites." La préfecture de police, dont dépend la Brav-M, annonce l'ouverture d'une enquête administrative et la saisine de la procureure de la République de Paris. "Les premiers éléments en notre possession laissent à penser que ces personnes n'appartiennent pas à la Brav-M", peut-on lire sur son compte X.

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"Complément d'enquête" : la séquence des faux policiers de la Brav-M dans "Touche pas à mon poste" . (FRANCE 2)

Trois jours plus tard, Cyril Hanouna persiste et revendique son scoop. "Les gens sont jaloux parce qu'ils n'avaient pas eu un mec de la Brav-M sur le plateau. A chaque fois, les mecs se disent : 'comment Hanouna a fait ?""

Les policiers assurent avoir été "trompés"

Pourtant, le prétendu scoop de Cyril Hanouna n'en est pas un. L'enquête menée par l'IGPN, la police des polices, est formelle : aucun policier de la Brav-M n'était en plateau ce soir de mars. Cédric Vladimir, qui est celui qui s'exprime le plus lors de l'émission, n'est même plus policier depuis sa révocation trois mois auparavant. Cet ex-policier, membre d'un syndicat proche de l'extrême droite, affirme avoir toujours été très clair avec les équipes de l'animateur sur le fait qu'aucun d'entre eux n'appartenait à la brigade motorisée parisienne. "Lors des tout derniers préparatifs [de l'émission], il nous est dit : 'Bon, finalement, on va vous présenter comme quatre policiers de la Brav-M'. Et là, j'ai dit : 'Stop, on arrête tout, ça, c'est hors de question", raconte-t-il à "Complément d'enquête".

Cédric Vladimir le reprécise dans un texto envoyé à la programmatrice de "TPMP", la veille de l'émission : "Diana, on ne peut pas être annoncés comme policiers de la Brav-M. On peut être annoncés comme quatre policiers de terrain spécialistes du maintien de l'ordre sur Paris qui ont tous plus de dix ans de carrière, toujours sur le terrain en première ligne", écrit-il dans ce SMS, que l'équipe de "Complément d'enquête" a consulté.

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"Complément d'enquête" sur Cyril Hanouna : le témoignage du faux policier de la Brav-M . (FRANCE 2)

L'ancien fonctionnaire de police la met d'ailleurs en garde sur les conséquences désastreuses d'un mensonge. "Il sera enclenché une procédure au pénal pour usurpation de titre et de fonction. Et 'TPMP' va également être la cible de communiqués et d'attaques pour le fake. J'ai eu nos juristes et avocats, ils sont unanimes, ils m'interdisent l'intervention en plateau sous cette présentation", écrit-il. "Je ne pouvais pas être beaucoup plus clair", observe-t-il aujourd'hui.

Cyril Hanouna conteste les faits

Cyril Hanouna conteste avoir été mis au courant qu'aucun de ces policiers n'était membre de la Brav-M. Tout comme la programmatrice de l'émission. "En plus de ce message-là, on s'est eu vingt fois au téléphone, se défend Diana Kerfallah aujourd'hui. On a des notes audio, on a des messages, on a plein de choses. Ce qu'on nous a dit, c'est qu'il y avait au moins un policier de la Brav-M et des policiers qui interviennent dans le maintien de l'ordre. On m'a menti, dans quel but ? C'est la question qu'on se pose aujourd'hui. En tout cas, le mensonge ne vient pas de nous."

Pourtant, la programmatrice et Cyril Hanouna semblent avoir été prévenus très tôt qu'aucun membre de la Brav-M ne serait présent en plateau. Dans les auditions des trois vrais policiers, que l'équipe de "Complément d'enquête" s'est procurées, Sandra D. évoque la réunion de préparation de l'émission, la veille de l'enregistrement. "Diana nous a dit que nous serions présentés comme des membres de la Brav-M. Nous avons dit qu'il en était hors de question car aucun de nous n'avait été affecté dans cette unité."

Aux enquêteurs, son collègue Fabien B. confiera lui aussi sa surprise en découvrant en coulisses le lancement fait à l'antenne par Cyril Hanouna. "Nous nous sommes alors tous regardés car ce n'était absolument pas ce qui avait été convenu avec la production." Selon Sandra D., les trois policiers menacent alors de quitter le studio. "On a dit à Diana que nous ne pourrions pas aller en plateau si nous étions présentés ainsi. Diana nous a rassurés, et l'émission a commencé. Tout le monde savait que personne n'était de la Brav-M, mais cela ne gênait personne. Le soir, quand je regarde internet, je comprends avoir été trompée, on me l'a fait à l'envers."

L'identité des policiers n'a pas été préservée

Soumis au devoir de réserve, les trois collègues de Cédric Vladimir ne pouvaient en effet pas témoigner sans l'aval de leur hiérarchie. Pour qu'ils ne soient pas reconnus, la production avait pris un engagement : qu'ils ne soient pas identifiables. Un engagement réaffirmé sur le plateau de "TPMP" trois jours après le début de la polémique, quand Cyril Hanouna reçoit le préfet de police de Paris. "On a l'identité de ces quatre personnes", avance l'animateur devant Laurent Nuñez, alors invité en plateau. "Est-ce que vous, vous pouvez nous demander de les donner ? Parce qu'on ne les donnera pas."

Même promesse de la part de Lionel Stan, le directeur général de H20 Productions, à qui l'on doit "Touche pas à mon poste". "J'ai les cartes professionnelles de ces quatre policiers, je ne donnerai pas leur identité", assure-t-il sur CNews, la chaîne d'information en continu du groupe Canal+. "Encore une fois, ce n'est pas la première fois que nous recevons sur un de nos plateaux un policier masqué. Si nous donnons ces identités, c'est la fin de notre job. L'idée de 'TPMP', c'est d'avoir des témoins de terrain. Je ne vais pas livrer l'identité de ces policiers."

Pourtant, Diana, la programmatrice, finira par envoyer les adresses personnelles des policiers par SMS, comme le prouvent des textos que l'émission de France 2 a consultés. Dans le rapport de l'IGPN figure aussi un mail, signé du même Lionel Stan, et destiné au commissaire chargé de l'enquête administrative :

"Bonjour, suite à notre conversation de ce jour, vous trouverez en pièce jointe :

- les 4 prénoms et numéros de téléphone des policiers en plateau.

- les 3 rectos de leur carte de police."

S'il a transmis les cartes professionnelles des témoins anonymes, c'est parce qu'il a eu "une réquisition judiciaire", affirme après coup le bras droit de Cyril Hanouna, tout en balayant la notion de protection des sources. "Comme vous le savez, on n'est pas une agence de presse, on n'est pas journalistes."

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"Complément d'enquête" sur Cyril Hanouna : et la protection des sources ? . (FRANCE 2)

Huit mois après cette séquence, Sandra D. a écopé de trois jours de suspension sans salaire. Fabien B. a reçu un blâme. Quant au troisième fonctionnaire, qui a nié être venu sur le plateau de "TPMP", il va passer en conseil de discipline et risque la révocation.

Pour cette séquence, l'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, a adressé une mise en garde à la chaîne C8 pour "manque d'honnêteté dans la présentation de l'information". "TPMP" est aujourd'hui l'émission la plus sanctionnée du paysage audiovisuel français. En treize ans, elle a reçu 29 rappels à l'ordre et sanctions. Au total, C8 a déboursé 7,5 millions d'euros pour les dérapages de son émission phare.

* "Complément d'enquête" propose un long portrait de Cyril Hanouna, jeudi 30 novembre. Le magazine d'investigation a rencontré d'anciens proches de l'animateur mais aussi des collaborateurs actuels, qui dressent le portrait d'un "chef de bande" aux méthodes de management controversées. Il revient également sur les coulisses de plusieurs séquences marquantes de "Touche pas à mon poste", l'émission la plus sanctionnée du PAF. Et il fait des révélations sur la fortune personnelle de l'animateur. A voir, à partir de 23 heures, sur France 2, sur franceinfo.fr et sur france.tv.

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