"TPMP" accusé de banaliser le viol conjugal : voici ce que dit la loi sur ce crime
Une séquence de "Touche pas à mon poste" a été mise en cause pour avoir banalisé le viol conjugal. L'occasion pour franceinfo de clarifier cette notion qui a fait débat entre les chroniqueurs de l'émission de C8.
"Il y a des gens qui sont vraiment violés, on sait ce que c'est que le viol." Dans "Touche pas à mon poste" jeudi 25 octobre, Matthieu Delormeau et d'autres chroniqueurs de l'émission affirmaient que l'on ne pouvait qualifier de viol le fait qu'un jeune homme impose des relations sexuelles avec sa copine endormie.
"Il y a des gens qui sont #VRAIMENT violés, on sait ce que c'est que le viol." @Mdelormeau banalise le viol conjugal en expliquant que ça n'est quand même "pas un viol en l'attachant" et que "99% des gens ont compris le sens de la question". #TPMP = #CultureDuViol pic.twitter.com/BjQyvSK8FG
— Claire Underwood (@ParisPasRose) 26 octobre 2018
Les chroniqueurs étaient invités à se prononcer sur un sondage polémique lancé deux jours avant par Fun Radio. La question était "Charlotte ne supporte pas que son mec lui fasse l'amour la nuit quand elle dort. Vous trouvez cela normal ?" Le CSA a déjà reçu près de 650 plaintes après cet échange, qui montre que le viol conjugal est encore un crime mal connu.
Que dit la loi sur le viol ?
Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, l'a rappelé jeudi sur Twitter : un viol est une "pénétration obtenue sous la menace, la contrainte ou la surprise". "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol, stipule précisément l’article 222-23 du Code pénal. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle."
Endormie, la femme nommée Charlotte par Fun Radio ne pouvait clairement pas donner son consentement à un rapport sexuel. "Ce que vous décrivez est un viol", a expliqué Marlène Schiappa à l'adresse de la station de radio, appelant l'auditrice à se rapprocher du Planning familial si elle avait d'autres questions sur le sujet.
Bonjour @funradio_fr
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 25 octobre 2018
Ce que vous décrivez est un viol.
Définition juridique: pénétration obtenue sous la menace la contrainte ou la surprise.
Ce serait bien de le dire à vos auditeurs & auditrices !
Si Charlotte a d’autres d’autres questions @leplanning est là pour elle. pic.twitter.com/sN5iMCQXxU
Cette définition est-elle différente au sein d'un couple ?
Non, car le consentement au rapport sexuel n'est pas automatique dans un couple. Un rapport sexuel imposé sans consentement par son partenaire est donc bien considéré comme un viol, comme l'a rappelé la Cour de cassation au début des années 1990, rompant avec l'idée que l’épouse devait se soumettre à son conjoint au titre du "devoir conjugal".
"La volonté des époux de mettre en commun et de partager tout ce qui a trait à la pudeur n'autorise nullement l'un d'entre eux à imposer à l'autre par violence un acte sexuel s'il n'y consent et que notamment doit être respectée la liberté sexuelle de la femme mariée", estimait la Cour dans un arrêt de 1990. "La présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu'à preuve contraire", jugeait-elle en 1992.
Depuis 2006, l'article 222-22 du Code pénal stipule que le viol peut être constitué "quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage". Le viol au sein du couple est même considéré comme une "circonstance aggravante" : la peine encourue peut aller jusqu'à 20 ans d’emprisonnement. Peu importe que l'auteur soit le conjoint, le concubin, pacsé ou ex-mari. Dès lors que "l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime", il encourt la peine maximale.
Quelle est l'ampleur du phénomène ?
En France, 45% des viols ou tentatives de viol sont commises par le conjoint ou l'ex-conjoint, selon l'enquête annuelle "Cadre de vie et sécurité" de l'Insee-ONDRP.
En moyenne sur un an, 30 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences sexuelles de la part de leur conjoint ou de leur ex-conjoint, précise l'enquête. D'après stop-violences-femmes.gouv.fr, il s'agit d'une estimation basse puisque l'enquête n'interroge que les femmes "vivant en ménages ordinaires. Elle ne permet pas d'enregistrer les violences subies par les personnes vivant en collectivités (foyers, centres d'hébergement, prisons...) ou sans domicile fixe".
Delphine Driguez, avocate et membre de l'association Avocats femmes et violences affirme dans Le Monde que "moins de 10% des victimes de [viol conjugal] portent plainte et dans 90% des cas la plainte est classée sans suite". Ces chiffres s'expliquent par la difficulté de prouver le viol devant la justice. Sans témoignages, cela s'avère quasiment impossible. "[Le viol] se déroule dans l'intimité et le bénéfice du doute profite toujours à l'accusé", souligne Delphine Driguez.
De plus, les victimes ont parfois du mal à reconnaître qu'elles ont subi un viol de la part de leur partenaire. "Il y a une vraie pression, car ça se passe dans le cadre du couple officiel : on se dit que c'est normal qu'on fasse l'amour", explique le Dr Charlotte Tourmente, sexologue et journaliste, sur Allodocteurs.fr. Le tabou est encore fort en France sur la question, alors que le viol conjugal peut pourtant avoir des conséquences graves. "Psychologiquement, ça peut être dévastateur. Quelqu'un de confiance a brisé la confiance. Comment continuer à se fier à lui par la suite ?" interroge la sexologue.
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