Edulcorants naturels, recettes light : va-t-on enfin pouvoir s'empiffrer sans grossir ?
Hot-dogs, crèmes glacées, chips, sodas, bonbons… Entre faux gras et faux sucre, l'industrie agroalimentaire cherche le Graal qui pourrait permettre au consommateur de garder ses mauvaises habitudes sans conséquences néfastes. Si c'était aussi simple…
Il paraît que l'on peut mettre du bacon sur un muffin au chocolat. "Un parfait mélange de sucré-salé", nous explique cette recette (vidéo en anglais). Ça vous tente ? Et les clichés provocants du Tumblr Food porn ? Ils vous font vibrer ? Pour de vrai ? Avec les papillons dans le ventre ? Si vous répondez "oui", le verdict est sans appel : vous aimez le gras, le sucré, le gros, le dégoulinant d'un coulis, le croustillant d'une panure, vous aimez tout ce que votre corps doit éviter pour rester en forme. Maintenant, imaginez qu'au lieu de devoir vous priver pour ne pas boucher vos artères, vous puissiez manger tous ces produits sans faire exploser la balance ?
Alors que Coca-Cola a annoncé jeudi 12 juin le lancement en Grande-Bretagne de sa boisson à la stévia, un édulcorant naturel de plus en plus présent dans nos supermarchés, francetv info s'est demandé si un autre monde était possible. Un monde dans lequel personne ne vous reprocherait de glisser une rondelle de saucisson entre deux chips pour faire des miniburgers à l'apéro.
Les édulcorants naturels vont-ils me permettre d'assouvir ma passion pour le sucre ?
Voyant leurs ventes menacées par le durcissement des politiques de santé publique (qui envisagent dans certains pays la taxation des sodas), Coca et Pepsi sortent l'artillerie lourde : la stévia. En quelques mois, cet édulcorant naturel (contrairement à l'aspartame), originaire d'Amérique du Sud, s'est invité partout. Dans le PepsiNext, dans le Coca Cola Life (et le FantaStill, de la même marque), le Dr Pepper, le Canada Dry, le Breizh Cola Stevia, etc. La promesse ? Environ 30% de sucre en moins qu'un soda classique, en vertu de la réglementation de l’Union européenne. "Les ventes de stévia comme additif dans les aliments ou les boissons sont estimées à 110 millions de dollars en 2013 et pourraient atteindre 275 millions de dollars d’ici 2017", estime la société de conseil Alcimed dans un rapport cité par le magazine RSE. Un marché prometteur alors que les édulcorants artificiels, en tête desquels figure l'aspartame de nos sodas dits "light", suscitent la méfiance.
Maltitol, stévia, etc. : on en trouve sur nos tables ainsi que dans des recettes et des produits cultes, comme le petit-beurre. Sans révolution toutefois : chez Gayelord Hauser, le biscuit "aux extraits de stévia", affiche "50 kcal le biscuit au lieu de 63 kcal pour le tradi", rapportait Femme actuelle en février.
Pour Philippe Besnard, professeur de nutrition humaine à AgroSup Dijon, naturels ou artificiels, les édulcorants présentent le même inconvénient : celui de tromper notre organisme. "Lorsque l'on avale un produit sucré, cela enclenche un système de réflexes qui va de la langue au cerveau et fait que le corps se prépare à l'arrivée du sucre", résume-t-il. En d'autres termes, le fait d'avoir le goût du sucre sans ses propriétés énergétiques sème le trouble dans l'organisme et vient compromettre le seul bénéfice escompté par l'absence de calories. Sans être fondamentalement mauvais, abuser des édulcorants peut donc se révéler contre-productif (voire vous faire grossir), alertent de nombreuses études.
Peut-on imaginer le même principe pour remplacer le gras ?
Grasses, salées, addictives : en termes nutritionnels, les chips sont le diable. Imaginez l'enthousiasme de l'industrie agroalimentaire quand, au milieu des années 1990, la Food and Drug Administration, l'agence sanitaire américaine, a autorisé l'utilisation de l'Olestra comme additif alimentaire. Cette molécule a un don : elle donne le même goût qu'un aliment gras, mais ne fait pourtant pas grossir. Génial, non ? Pas vraiment. Commercialisées, les chips "non grasses" à l'Olestra provoquait des effets secondaires dévastateurs : crampes d'estomac et autres diarrhées tonitruantes, explique Time, qui les classe parmi les 50 pires inventions de tous les temps (en anglais). Et pour cause, la molécule "empêche la digestion des graisses", explique le nutritionniste.
Cette mésaventure illustre encore la difficulté à concevoir des substituts susceptibles de faire de nos péchés mignons préférés des menus à volonté. "On ne connaît pas assez tous les systèmes régulateurs en place pour envisager une manipulation du goût", assure Philippe Besnard. Mais dans son laboratoire dijonnais, son équipe a cependant mis au jour un élément qui pourrait à terme améliorer notre façon de manger. "La littérature scientifique récente tend à indiquer qu'il existe un 'goût du gras', explique-t-il. Il viendrait s'ajouter au sucré, au salé, à l'acide, à l’amer et à l’umami (...). Or le goût impacte les choix alimentaires mais aussi les fonctions digestives."
Comment faire, dans ce cas, pour inventer un "gras" non calorique, permettant d'allier "perception gustative et bien-être métabolique" ? "Ce n'est pas pour demain", estime Philippe Besnard. S'il affirme que "l'industrie agroalimentaire (du moins, en Europe) fait de gros efforts pour réduire les quantités de sel, de sucre et pour modifier les profils lipidiques afin de répondre aux normes établies par les professionnels de la nutrition", il estime que la manipulation du goût n'est pas la solution à notre gourmandise.
Sommes-nous condamnés à "faire attention" ?
Les récentes études menées sur les lipides ont notamment démontré une inégalité entre les gourmands : "On s'est aperçu que des souris obèses avaient plus de difficultés que les autres pour détecter des quantités de lipides. Leur seuil de détection s'abaissait dès lors qu'elles étaient obèses, les poussant à en consommer plus", explique Philippe Besnard. Et chez les hommes, tout porte à croire que le même cercle vicieux opère : "A l'occasion d'un test que nous avons réalisé sur des personnes minces et obèses, nous nous sommes aperçus que cinq d’entre elles étaient incapables de détecter même les plus fortes concentrations de lipides. Toutes souffraient d’obésité. Elles étaient également celles qui consommaient le plus d’énergie dans leur alimentation quotidienne, avec des aliments riches en sucres et en lipides."
Il leur en faut donc plus pour atteindre le plaisir, cette notion essentielle dès lors qu'il s'agit de manger. Si la compréhension de ce phénomène ouvre des perspectives dans le traitement de l'obésité, il peut d'ores et déjà nous donner la marche à suivre pour continuer à prendre son pied : la modération n'est pas uniquement la clé de la santé, elle est aussi celle du plaisir.
Et à faire des régimes ?
Manger de la glace, que de la glace, juste de la glace ? Si tel est le régime de vos rêves, cette étrangeté venue des Etats-Unis devrait vous combler : un glacier californien, convaincu que ses glaces au lait de coco, dépourvues de lait de vache, sont une invention divine, propose d'en faire un régime. Soit quatre jours à manger exclusivement des glaces, afin de se purifier et perdre quelques kilos superflus. Trop beau pour être vrai ? En effet.
Si un journaliste de Gizmodo (en anglais), qui a tenté l'expérience, a reconnu avoir perdu un peu de poids sans trop souffrir, il assure avoir immédiatement repris ses kilos. Interrogés par la chaîne CBS (en anglais), plusieurs nutritionnistes affirment que cette "détox" est carrément contre-productive, voire dangereuse. Et pour cause : "Prendre 820% de son taux journalier de graisses saturées, même si c'est du gras bio de noix de coco, il n'y a pas moyen que ce soit bon pour vous", conclut le journaliste de Gizmodo.
"Il n'y a pas de bon ou de mauvais aliment", martèle pour sa part Philippe Besnard. "Avec le goût, la dimension plaisir est évidente. Le goût guide les choix. Une crème glacée parce qu'on en a envie une fois de temps en temps ne fait pas de mal. Tout est question de quantité et de qualité." Amen.
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