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Reportage "La maturité n'est pas une question d'âge" : pouvoir passer le Bafa dès 16 ans va-t-il permettre de réduire le manque d'animateurs ?

Depuis un décret paru le 14 octobre, les jeunes peuvent passer leur brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa) dès l'âge de 16 ans au lieu de 17. Reportage dans un centre de formation dans le département du Nord.

Article rédigé par franceinfo - Thomas Giraudeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Au centre de formation Bafa de Bouvines (Nord), les jeunes assistent au faux procès d'un animateur pour comprendre quels seront leurs responsabilités en cas d'incidents.  (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Les vacances de la Toussaint viennent de débuter, mais des centres de loisirs et des colonies de vacances doivent annuler des séjours, des activités. Non pas faute d'enfants mais faute d'animateurs. Depuis 2016, le métier connaît une crise des vocations. Le nombre de brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa) délivrés a chuté de près de 40%, selon les chiffres de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep). Pour tenter de renverser la tendance, un décret vient tout juste de paraître le 14 octobre. Il permet aux jeunes de passer le Bafa dès l'âge de 16 ans alors que c'était 17 ans jusqu'à présent. Est-ce que cela peut réduire le déficit d'animateurs ?

Une salle du centre de formation au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa) de Bouvines, au sud-est de Lille, a été rebaptisée pour l'occasion. Au-dessus de la porte, l'inscription "Tribunal de grande instance". À l'intérieur, une vingtaine de jeunes, formés par l'Union française des centres de vacances (UFCV), assistent à un faux procès. Un animateur est mis en cause, pour plusieurs incidents durant une colonie de vacances. L'objectif de la mise en scène : que les jeunes retiennent quand ils peuvent être tenus pour responsables, et ce qu'ils encourent, selon tel ou tel type d'incident, et si les parents portent plainte.

Durant les huit jours de formation, qui constituent la première étape de la formation au Bafa (avant un stage pratique de deux semaines en centre de vacances, puis une semaine d'approfondissement sur une thématique), ils apprennent aussi à mettre en place des activités, à gérer les difficultés et s'adapter au moral, à l'état psychologique des enfants, assurer leur sécurité lors d'une sortie vélo, ou encore un bivouac.

"Ils ne seront jamais tout seuls avec des enfants"

"On a vu plein de choses. Comment occuper les enfants, faire des jeux, être à leur écoute", explique Nathan qui n'a que 16 ans. Depuis le décret publié il y a quelques jours, il peut lui aussi passer le Bafa, comme tous ses camarades plus âgés. "Ma maman a eu le Bafa donc elle me vante depuis quelques années déjà les mérites de travailler avec des enfants, raconte le jeune homme. Et puis, moi j'ai toujours eu l'habitude d'être entouré d'enfants."

"Ma maman est assistante maternelle donc je côtoie des enfants tous les jours à la maison. Donc c'est venu assez naturellement. Et je n'ai pas spécialement peur, ou d'appréhension à l'idée d'encadrer des enfants."

Nathan, 16 ans

à franceinfo

Nathan souligne aussi l'expérience apportée par l'animation, la ligne supplémentaire sur le CV. Mais à 16 ans, est-on assez mature pour gérer un groupe d'enfants ? "Les jeunes diplômés du Bafa font partie d'une équipe. Ils ne seront jamais tout seuls avec des enfants", veut rassurer Quentin Dervaux. Le responsable de l'animation territoriale de l'UFCV, dans la région des Hauts-de-France, rappelle qu'à 16 ans, "on peut être pompier volontaire, ou effectuer un service civique. La maturité n'est pas une question d'âge !"

Nathan, 16 ans, attendait depuis plusieurs années de pouvoir suivre la formation Bafa. Sa mère, assistante maternelle, et ex-animatrice, l'a poussé dans cette voie (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Passer le Bafa avant le Bac ou le permis

En outre, en abaissant l'âge minimum de 17 à 16 ans, on permet à des élèves de Première de passer le Bafa. Une année moins chargée que celle qui suit, la Terminale. "Il y a le Baccalauréat, explique Quentin Dervaux. On passe aussi le code, en vue du permis de conduire. Et donc le Bafa peut passer au second plan, pour les adolescents comme pour leurs parents. Et puis l'année d'après, ils sont dans la vie étudiante. Ils ont envie de trouver un petit job, qui leur prend moins de temps, et qui ne nécessite pas de formation pour pouvoir l'exercer. Proposer le Bafa dès l'âge de 16 ans, c'est donc anticiper sur toute cette période moins favorable."

Et c'est un levier indispensable selon lui afin de résorber le déficit d'animateurs. L'UFCV étant à la fois centre de formation et gestionnaire d'accueil de loisirs, l'association a été "plutôt préservée", assure Gauthier Herbomel. Mais le délégué régional de l'UFCV dans les Hauts-de-France précise que des accueils de loisirs partenaires ont dû "annuler des séjours ou limiter le nombre de places disponibles, faute d'animateurs".

Quentin Dervaux estime que l'abaissement de l'âge minimal pour obtenir le Bafa est un des leviers pour résoudre la crise des recrutements d'animateurs. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Une première étape

Au centre de loisirs de Fournes-en-Weppes, à côté de Lille, géré par l'UFCV, sa directrice, Noémie Luttun, a eu bien du mal à constituer son équipe pour ces vacances : "Il y a une semaine, j'étais encore en train de chercher mon dernier animateur. Il y a deux ans, je publiais une offre d'emploi, ma boîte mail débordait. J'avais 20-25 candidatures. Là, j'en ai peut-être une, ou deux. Et encore, elle arrive deux semaines après. C'est embêtant."

Pour elle, abaisser le seuil à 16 ans est une première étape : "Les petits frères et sœurs d'animateurs ont envie de passer le Bafa eux aussi, et ne pouvaient pas jusqu'à présent parce qu'ils étaient trop jeunes." Mais il faut surtout, selon les acteurs de l'animation, revaloriser les salaires, souvent en-dessous du Smic, quand on les rapporte au nombre d'heures travaillées. "Les jeunes se détournent du métier, peu valorisé, avec des contrats morcelés, à temps partiel, analyse Gauthier Herbomel. Il faut en finir avec les CDD, proposer des CDI. Nous militons auprès des pouvoirs publics pour qu'ils donnent davantage de moyens à la filière, afin de rendre le métier plus attirant."

À l'accueil de loisirs de Fournes-en-Weppes, qu'elle dirige, Noémie Luttun a cherché jusqu'au dernier moment un animateur pour compléter son équipe pour les vacances de la Toussaint. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

La secrétaire d'Etat chargée de la jeunesse et de l'engagement a annoncé cet hiver 2022 un plan pour revaloriser le secteur, doté de 64 millions d'euros. L'abaissement de l'âge minimal pour passer le Bafa de 17 à 16 ans en fait partie, tout comme le financement d'une partie de la formation Bafa, pour 30 000 jeunes. Sarah El Haïry a également lancé, le 21 octobre, un comité de filière "Animation", dont la mission est de résoudre la pénurie de candidats au Bafa.

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