Les très strictes conditions de détention de Carlos Ghosn au Japon
Placé sous le régime de la garde à vue au Japon, le PDG de Renault est incarcéré dans une prison pour une durée minimum de dix jours, avant même d'être inculpé.
Il est passé brutalement du luxe de son jet privé à l'obscurité lugubre d'une prison japonaise. Cueilli lundi 19 novembre à l'arrivée de son avion sur le tarmac de l'aéroport Haneda de Tokyo pour des malversations présumées, Carlos Ghosn subit un traitement judiciaire particulièrement strict, bien loin des standards français ou européens en la matière.
Une arrestation humiliante
La scène a été filmée et diffusée par le journal japonais Asahi Shinbun. Il est 16h35 sur le tarmac de l'aéroport Haneda de Tokyo quand atterrit le jet privé de Carlos Ghosn, un Gulfstream G650 immatriculé N155AN (Nissan). Mais celui qui est encore PDG de Renault et président de Nissan n'en sort pas. Sur la vidéo, on voit au contraire des enquêteurs du parquet de Tokyo monter à bord, alors que les volets des hublots se ferment. Ils n'en ressortiront que trois heures plus tard, après avoir fait subir à Carlos Ghosn un premier interrogatoire.
Même si la vidéo ne montre pas le moment où l'industriel descend de son avion, Carlos Ghosn est alors conduit dans les bureaux du procureur, qui lui notifiera les charges qui pèsent contre lui et le placera en garde à vue.
Une garde à vue au centre de détention
Depuis lundi soir, Carlos Ghosn est donc en garde à vue. Mais celle-ci n'a pas grand-chose à voir avec celle qui existe dans le droit français, qui est généralement limitée à 24 heures, éventuellement renouvelable une fois. Au Japon, dans les 48 heures après son arrestation, le parquet peut décider, soit d'inculper directement un suspect, soit de le libérer sans charge, soit de demander au juge une prolongation de la période de garde à vue. C'est ce qui s'est passé mercredi dans le cas de Carlos Ghosn, qui restera en détention au moins dix jours de plus, soit jusqu'au 30 novembre. A cette date, la période pourrait être encore étendue de 10 jours, une procédure courante.
En France, une garde à vue se déroule généralement dans les locaux de la police ou de la gendarmerie. Carlos Ghosn, lui, dort en prison, au centre de détention de Kosuge, à Katsushika, dans la banlieue nord de Tokyo, sous la surveillance d'officiers du ministère de la Justice. "En principe, il est tout seul dans la cellule", souligne Ayano Kanezuka, avocate du barreau de Tokyo. "Il y a tout ce qu'il faut, du chauffage, un lit, mais les conditions sont très spartiates", loin de son train de vie habituel, poursuit son confrère Lionel Vincent, mentionnant aussi la présence d'une cour intérieure entourée de grillages.
L'ambassadeur de France au Japon a pu rendre visite mardi au PDG de Renault "au titre de la protection consulaire", mais aucun détail n'a été fourni sur son état. Les visites et les coups de fil, même de la famille, sont "extrêmement limités au début de la procédure", voire non autorisés, afin de "protéger les investigations en cours", selon Lionel Vincent. Le Figaro affirme que Carlos Ghosn est autorisé à voir son épouse, mais seulement 15 minutes par jour, en présence d'un garde et avec l'obligation de lui parler en japonais, une langue que lui maîtrise mal et sa femme pas du tout. Comme tout autre suspect, Carlos Ghosn a le droit de rencontrer ses avocats mais, particularité du système japonais, ceux-ci ne peuvent pas assister aux auditions.
Une procédure qui pourrait durer longtemps
Une fois la période de dix jours terminée, le parquet indiquera si Carlos Ghosn fera ou non l'objet de poursuites. Mais il peut également être arrêté pour un nouveau chef d'accusation, et le processus peut redémarrer. Car si Carlos Ghosn est pour le moment entendu pour avoir dissimulé une importante partie de ses revenus aux autorités, Nissan le soupçonne aussi d'abus de biens sociaux.
"Le procureur peut très bien considérer qu'il faut relancer un nouveau mandat d'arrêt sur les accusations d'abus de biens sociaux. Sa garde à vue pourrait alors durer 44 jours", jusqu'à fin décembre environ, précise Lionel Vincent. "Ses avocats vont se démener pour le faire sortir sous caution", ajoute-t-il, mais c'est plus compliqué pour les non-Japonais du fait des risques de fuite. A moins que l'Etat français, actionnaire à 15% de Renault, ne s'émeuve de cette procédure et fasse pression sur les autorités japonaises.
Mais même dans le cas où il bénéficierait d'une libération, Carlos Ghosn serait encore loin de voir le bout du tunnel. S'il est inculpé, une comparution devant le tribunal peut prendre du temps. En cas d'appels successifs, éventuellement jusqu'à la Cour suprême, le feuilleton judiciaire pourrait durer plusieurs années.
Une peine de dix ans de prison encourue
Quel sort est réservé au Japon pour ce type d'infractions ? "Pour ne pas avoir déclaré l'intégrité de ses revenus, il est passible de 10 millions de yens (près de 78 000 euros) d'amende et dix ans de prison, mais c'est très souvent au maximum des peines de sursis", selon Lionel Vincent. Reste à savoir si les juges seront plus sévères ou plus indulgents eu égard à la notoriété de Carlos Ghosn, l'un des PDG les mieux payés du monde et devenu une icône au Japon.
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