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Automobile : les leçons des Japonais aux Français

Francetv info a identifié trois clés du succès des marques automobiles japonaises dont pourraient (peut-être) s'inspirer leurs concurrentes hexagonales.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une salariée de Toyota dans une usine du constructeur japonais, à Sorocaba, au Brésil, le 9 août 2012. (YASUYOSHI CHIBA / AFP)

Les groupes automobiles français PSA Peugeot-Citroën et Renault doivent rencontrer les syndicats, mardi 29 janvier. Le premier doit discuter d'un plan de sauvegarde de l'emploi et de la fermeture du site d'Aulnay-sous-Bois. Le second Renault pour négocier un accord de compétitivité.

La veille, les constructeurs automobiles japonais Toyota et Nissan ont annoncé des ventes records de véhicules en 2012. Toyota est redevenu numéro 1 mondial l'année dernière en vendant  9,75 millions de véhicules, soit une hausse de 22,6% par rapport à 2011. De son côté, Nissan a écoulé 4,94 millions de véhicules pendant l'année, soit une hausse de 5,8% par rapport à l'année précédente. Des succès qui ont de quoi rendre jaloux les constructeurs français. Francetv info a identifié trois clés du succès de ces marques japonaises.

1Miser sur l'étranger et s'y implanter

Ce que font les Japonais. Le numéro 1 mondial enregistre les trois quarts de ses ventes à l'étranger. Nissan, dont le français Renault est le premier actionnaire, effectue 87% de ses ventes hors du Japon. Aux Etats-Unis, Nissan fait notamment le plein avec son Altima : une berline qui s'est écoulée là-bas à près de 295 000 exemplaires en 2012, rapporte Turbo.fr. Elle se place ainsi deuxième du segment... derrière une autre japonaise : la Toyota Camry. 

Une toyota Camry à l'entrée d'un concessionnaire à Phoenix (Arizona, Etats-Unis), le 1er février 2010. (JOSHUA LOTT / REUTERS)

Le Brésil est le quatrième marché automobile mondial derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon. Pour s'implanter sur ce marché très convoité, Toyota compte sur un nouveau modèle : la compacte Etios, qui sera directement montée dans des usines au Brésil, selon le site spécialisé Auto Addict. "Ce sera une voiture fabriquée par les Brésiliens pour les Brésiliens", a affirmé Akio Toyoda, directeur général de Toyota. Pour quoi faire ? "Tous les grands constructeurs occidentaux cherchent à s'émanciper de leur marché domestique afin de capter de la croissance, expliquait en juillet 2011 à Usine nouvelle Philippe Gattet, expert chez Xerfi. "Il faut qu'ils adaptent leur offre à ces nouveaux marchés et s'implantent industriellement à proximité."

Ce que font les Français. Ils n'ont pas à rougir. "PSA et Renault sont arrivés à l'étranger assez tôt", explique à francetv info Bertrand Rakoto, consultant et analyste automobile chez R.L. Polk. Les ventes de Renault hors d'Europe n'ont cessé de progresser ces dernières années, jusqu'à représenter 50% en 2012, rapporte Le Figaro. Par exemple, c'est le constructeur automobile qui a enregistré la plus importante progression au Brésil, avec une croissance de 25%. La Clio est même devenue l'une des voitures les plus populaires du pays, relève La Tribune

La Clio 2013 destinée au marché sud-américain, présentée lors du salon de Sao Paulo (Brésil), le 22 octobre 2012. (VANESSA CARVALHO / BRAZIL PHOTO PRESS)

De son côté, PSA est en Chine depuis 1985. Le groupe est l'une des premières marques étrangères à s'être installée là-bas, avec Volkswagen. Problème : le constructeur français a écoulé 380 000 véhicules en 2011, quand l'allemand en a vendu 1,7 million. Comment expliquer cette différence ? "PSA s'est cassé les dents sur ce marché en proposant ses fins de série, quand son concurrent européen adaptait ses produits au goût local", relevait cet été Le Monde.

Mais le constructeur ne compte pas baisser les bras. Il espère y développer "un véhicule par an et par marque", a déclaré à Usine nouvelle un responsable du groupe français. Un volontarisme nuancé par le cabinet d'experts Secafi, mandaté par les syndicats de PSA. Il indiquait début décembre que l'alliance entre PSA et le constructeur américain General Motors "ne permet[ait] pas à PSA d'accélérer son développement hors d'Europe", rapportait alors Le Monde. Qu'importe, Peugeot compte bien conquérir les marchés émergents avec un nouveau modèle : la 301, une berline à 13 000 euros.

2Se positionner de façon plus lisible

Ce que font les Japonais. Le groupe Toyota Motor rassemble plusieurs marques avec "très peu de chevauchements de segments [ c'est-à-dire de chevauchements de types de voitures]", commente Bertrand Rakoto. Il y a Toyota pour les voitures généralistes, Lexus pour les modèles de luxe, Daihatsu pour les mini-véhicules et Hino pour les poids-lourds. De son côté, Nissan propose une gamme large avec notamment la citadine Pixo, la moyenne Micra ou encore la super sportive GT-R.

Le champion olympique Usain Bolt pose près d'un Nissan GT-R doré, à Yokohama (Japon), le 11 octobre 2012. (RIE ISHII / AFP)

Ce que font les Français. Le constructeur PSA détient deux marques : Peugeot et Citroën. Pour le cabinet Secafi, il y a "un risque de cannibalisation" entre ces deux "généralistes de milieu de gamme". Par exemple, le lancement dans le même temps de modèles d'entrée de gamme comme la Peugeot 301 ou la Citroën Élysée "perturbe la lisibilité de leur positionnement", estime le cabinet. "PSA a trop de modèles. Il doit se recentrer sur ses modèles de base", commente Michel Freyssenet, directeur de recherche au CNRS, dans une tribune parue dans Le Monde. Justement, "le constructeur est en train de redistribuer les segments entre les marques", ajoute Bertrand Rakoto.

Chez Renault, le problème pourrait venir de sa filiale low cost Dacia, qui produit la Logan, un modèle menaçant les modèles d'entrée de gamme de la marque au losange. "Elle est dangereuse car Renault n'a pas mené avec succès sa montée en gamme. Toutes ses tentatives dans le haut-de-gamme (Avantime, Vel Satis et Espace IV) se sont soldées jusque-là par des échecs ou des semi-échecs", estime Usine nouvelle.

3Faire preuve d'audace

Ce qu'a fait Nissan. Au bord de la faillite dans les années 90, le constructeur nippon a redressé ses ventes avec des crossover, autrement dit des 4X4 miniatures : le Qashqai (en 2007) ou le Juke (en 2010). "Un choix audacieux", commente dans l'émission "Auto Moto" de TF1 Pascal Pennec, rédacteur en chef adjoint d'Auto Plus. Mais un choix payant : depuis son lancement en 2007, Nissan a commercialisé environ un million d'exemplaires de son Qashqai.

Résultat, Renault et Peugeot vont aussi lancer leur modèle, indiquait Challenges le 9 janvier. "C'est un bon timing car elles arrivent au moment où le segment est en plein essor", estime Bertrand Rakoto. Concrètement, la marque au lion va proposer le 2008 et celle au losange le Captur. 

Ce qu'a fait Toyota. La constructeur japonais a été pionnier dans l'univers des véhicules hybrides en lançant en 1997 la Prius, qui fonctionne à l'essence et à l'électricité. Considérée au départ comme confidentielle, la voiture a finalement séduit. Il ne s'agit plus d'"un véhicule de niche pour avant-gardistes écologistes. C'est désormais une voiture de masse", estime Le Figaro. En effet, la marque a écoulé plus de 4 millions de voitures hybrides dans le monde grâce à différentes déclinaisons.

De son côté, Renault mise sur le tout électrique avec la Zoe. C'est loin d'être un succès pour le moment. En 2012, les immatriculations de voitures électriques n'ont représenté que 0,2% du marché total. "On est encore très, très loin, de la vision de Renault d'un segment des électriques purs représentant 10% du marché mondial en 2020", souligne La Tribune. Pas vraiment un problème pour Bertrand Rakoto : "Renault se construit une image de champion de l'innovation dans ce domaine pour être déjà prêt et crédible lors du basculement énergétique qui va arriver un jour ou l'autre. C'est de l'anticipation." En attendant, pour donner un coup de pouce à ce produit français, le ministre du Redressement productif va jusqu'à jouer les VRP :

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