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Carburants : à quel point le diesel est-il nocif pour notre santé et notre planète ?

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Les véhicules diesels émettent des oxydes d'azote, des particules fines et du CO2, qui mettent en danger notre santé et la planète. (DPA PICTURE-ALLIANCE / AFP)

Le diesel, longtemps privilégié par les automobilistes, altère en réalité dangereusement la qualité de l'air que nous respirons.

"Moins polluant", "économique"… Dans les années 1990, le diesel était mis en avant dans les médias pour ses nombreuses qualités supposées. Les politiques publiques ont d'ailleurs largement incité les foyers français à s'équiper de voitures diesels, notamment via une fiscalité avantageuse. Résultat de cette promotion : 62% du parc roulant de véhicules de particuliers est aujourd'hui composé de voitures diesels, selon des chiffres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) collectés en 2015.

Mais les habitudes changent. Pour la première fois, le nombre de véhicules neufs essence vendus en 2017 dépasse le nombre de diesels, signale l'Ademe. Le discours politique évolue aussi. Pour justifier la hausse des taxes sur le gazole, les membres du gouvernement ne cessent de rappeler dans les médias "les morts prématurées liées à la pollution de l’air", à l'instar du ministre du Budget, Gérald Darmanin, sur Europe 1, fin octobre. Les élus de la métropole du Grand Paris ont même voté, lundi 12 novembre, une prochaine interdiction de circulation dans 79 communes pour les diesels immatriculés avant 2001.

Pourquoi un tel désamour ? Parce que le diesel n'est pas aussi bon qu'on nous le vendait, ni pour notre santé, ni pour notre planète. Et ce à cause des différents polluants qu'il rejette dans l'atmosphère.

Les particules fines

"Les diesels émettent essentiellement des particules ultrafines, explique à franceinfo Thomas Bourdrel, radiologue et fondateur du collectif Strasbourg respire. Ces nanoparticules sont aujourd'hui bien connues. Leur toxicité provient notamment des composés à la surface, que l'on appelle hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)." Or, même les filtres installés sur les moteurs dernière génération laissent passer les particules les plus fines, insiste le médecin, coauteur d'une étude sur les effets cardiovasculaires de la pollution de l'air, publiée en 2017 dans la revue scientifique Archives of Cardiovascular Diseases (en anglais).

Certes, les voitures essence émettent aussi des particules fines, comme le rappelle cet article de The Conversation. Mais "la majorité des HAP issus du trafic sont émis par les véhicules diesels, essentiellement par les véhicules particuliers (67%). Les véhicules essence ne représentent que 3% des émissions de HAP", rapporte Airparif, l'association de surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France, dans une étude.

C'est justement à cause de la présence de ces HAP que le diesel est classé comme cancérigène avéré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 2012.

Les particules fines s'infiltrent et pénètrent tous les organes. Outre les effets respiratoires et cardiovasculaires, elles ont des effets cancérigènes et des effets sur la grossesse.

Thomas Bourdrel, médecin radiologue, fondateur du collectif Strasbourg respire

à franceinfo

Les personnes âgées et les enfants, plus sensibles que le reste de la population, ne sont pas les seuls concernés : "Tout le monde peut être touché", insiste Thomas Bourdrel. Selon l’Agence européenne pour l’environnement (en anglais), les particules fines ont provoqué en 2016 la mort prématurée de 422 000 personnes en Europe, dont 48 000 en France, un chiffre en hausse.

Une étude canadienne publiée en 2017 dans The Lancet (en anglais) a montré d'autres effets de cette pollution aux particules fines. "Elle semble avoir une incidence sur l’apparition de maladies neurodégénératives comme Alzheimer. Plus les individus ont vécu à proximité d’un grand axe routier, plus la fréquence de démence est élevée", commente, dans La Croix, Gilles Dixsaut, médecin et président du comité d’Ile-de-France contre les maladies respiratoires. 

Le dioxyde d'azote

Autre composant problématique : les gaz, sous forme d'oxydes d'azote (NOx), qui s'échappent malgré les filtres. "Le diesel pose surtout un problème de santé publique en ville, souligne Thomas Bourdrel, car le moteur n'a pas le temps de chauffer donc les catalyseurs [censés réduire les gaz d'échappement], qui ont besoin qu'une température soit atteinte, sont inefficaces pour bloquer les gaz."

Parmi ces NOx, le dioxyde d'azote (NO2) est le plus toxique. "Un diesel va émettre de 6 à 10 fois plus de NO2 que l’essence", souligne Thomas Bourdrel. Ces fameuses émissions d'oxydes d'azote sont au cœur du scandale du "dieselgate", qui a mis au jour en 2015 une fraude massive aux tests antipollution des moteurs diesels de plusieurs constructeurs automobiles.

Qu'en est-il trois ans plus tard ? Pour le savoir, l'ONG Transport & Environment a réalisé des tests censés être plus proches des conditions réelles de conduite que ceux menés par les constructeurs. En clair, elle a pris en compte les dénivelés, l'altitude mais aussi les différents styles de conduite. Dans ces conditions, l'ONG a montré, dans un rapport publié en septembre (en anglais), que le nombre de véhicules diesels ne respectant pas les normes d'émissions de polluants continue d'augmenter.

Une petite proportion de modèles sont propres, mais beaucoup ne le sont pas

L'ONG Transport & Environment

dans un rapport

Les conséquences de ces polluants sur la santé sont eux aussi lourds. "Des études épidémiologiques ont suggéré que le NO2 peut représenter un facteur de risque dans l'augmentation de la mortalité observée au cours d'épisodes de pollution. D'autres travaux ont évoqué son rôle dans le développement de maladies cardiovasculaires chroniques telles que l'insuffisance cardiaque", affirme Valérie Lecureur, chercheuse à l'Institut de recherche en santé, environnement et travail de Rennes, à Sciences et Avenir. 

Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), l’exposition au NO2 a provoqué 79 000 morts dans 41 pays européens en 2015, dont 7 700 en France. 

L'ozone

Parmi les NOx émis essentiellement par le diesel, on trouve un deuxième gaz : le monoxyde d'azote (NO). S'il est bien moins toxique pour la santé que le NO2, le NO contribue à la formation de l'ozone troposphérique (ou "de basse altitude"). Cet ozone (O3) a été responsable de 17 700 décès prématurés en Europe en 2015, selon l’AEE, dont 1 500 en France. "Les émissions d'ozone vont surtout être dangereuses pour les personnes sensibles, comme les personnes âgées, les jeunes enfants", précise Thomas Bourdrel. Chez ces personnes, la pollution à l'ozone peut provoquer de la toux et une irritation de la gorge, du nez et des yeux, selon Santé Publique France.

En outre, des concentrations journalières élevées d'ozone sont associées à une augmentation des crises d'asthme et des admissions hospitalières pour causes respiratoires et cardiovasculaires, et peuvent conduire à un excès de mortalité, précise l'organisme public.

Le CO2

A ces polluants dangereux pour la santé s'ajoute la question des gaz à effet de serre. Certes, la consommation moyenne de carburant d’un véhicule diesel (6,07 litres pour 100 km parcourus) est moins importante que celle d’une voiture à essence (7,31), selon les chiffres du ministère de l’Environnement pour l’année 2017. Mais peut-on en déduire que les diesels rejettent moins de CO2 ? 

La réalité est en fait beaucoup plus compliquée, comme l'a montré, en 2017, un rapport (en anglais) réalisé par l’ONG Transport & Environment et intitulé "Diesel: the true (dirty) story" ("Diesel : la vraie (et sale) histoire"). L'ONG a pris en compte dans ses calculs la fabrication du véhicule et sa durée de vie. "Sur l’ensemble du cycle de vie, les voitures diesels émettent 3,65 tonnes de CO2 de plus que leurs équivalentes essence", explique ainsi le rapport.  

Le poids des véhicules doit aussi être pris en compte. "Un moteur essence consomme un peu plus qu'un moteur diesel, donc émet un peu plus de gaz à effet de serre, mais cela est valable pour des véhicules de même poids, de même gabarit et de même puissance moteur", explique à franceinfo Jérémie Almosni, chef du service Transport et mobilité de l'Ademe. "Mais les véhicules diesels dans notre parc routier sont souvent plus lourds, et finissent donc par consommer autant voire davantage que les véhicules essence", poursuit-il en précisant que 30% des véhicules neufs sont des SUV, donc des voitures plus lourdes. Or, en France, entre 70% et 90% des SUV vendus sont des diesels, rapporte Challenges.

Les émissions de CO2 sont un enjeu important car il provoque une augmentation de températures qui peuvent avoir des conséquences sur le réchauffement de la Terre, l'élévation du niveau de la mer, la biodiversité...

Jérémie Almosni, chef du service Transport et mobilité de l'Ademe

à franceinfo

Dans un rapport publié en septembre, Greenpeace estime que l’Europe devrait arrêter de vendre des voitures neuves diesels, essence ou hybrides dès 2028 si elle veut garder une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, comme le recommande le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), pour contenir les conséquences irréversibles sur certaines espèces animales ou végétales.

Alors, vers quelles options se tourner ? La recherche de carburants alternatifs peut être une solution, tout comme la voiture électrique, même si celle-ci a aussi pour l'heure un lourd impact environnemental. Pour Jérémie Almosni, il faut surtout "réduire notre dépendance à la voiture et privilégier d'autres types de mobilité"

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