La rigueur budgétaire fait-elle plus de mal que de bien ?
Pour tenir ses engagements en matière de déficit public, le gouvernement a concocté un budget 2013 drastique. Une politique qui pourrait s'avérer contre-productive et détériorer l'économie française.
FRANCE - Et si les efforts budgétaires pour contenir le déficit provoquaient des effets pires que les maux qu'ils sont censés combattre ? Pour pouvoir continuer à emprunter à des taux d'intérêts acceptables (et donc à ne pas creuser davantage sa dette), la France doit à tout prix tenir son objectif de ramener le déficit budgétaire de 4,5% à 3% du PIB en 2013. C'est ce qu'a entrepris de faire le gouvernement, la main plus ou moins forcée par Bruxelles, Berlin, et surtout par les marchés financiers.
Le projet de loi de finances, présenté vendredi 28 septembre en Conseil des ministres, prévoit donc, pour parvenir à cet objectif ambitieux, un effort drastique pour trouver 30 milliards d'euros : 10 milliards d'euros de hausses d'impôts sur les ménages, 10 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires sur les entreprises et 10 milliards d'euros d'économies budgétaires.
Une politique qui a fait plonger l'Italie et l'Espagne
Le budget 2013 sera le plus sévère des trente dernières années. Voilà qui devrait satisfaire les tenants d'une stricte orthodoxie budgétaire. Mais de plus en plus d'économistes commencent à s'inquiéter des effets néfastes qu'un tel choc de rigueur pourrait provoquer sur la situation économique du pays.
Ils citent pour preuve les cas de l'Italie et de l'Espagne, qui sont allées très loin dans les politiques d'austérité, et qui se retrouvent engluées dans une récession qui devrait se poursuivre en 2013. Sans parler de la Grèce, dont les plans de rigueur à répétition entravent tout espoir de reprise économique à moyen terme.
La situation de la France est loin d'être aussi dramatique, mais les prévisions de croissance pour 2013 fondent comme neige au soleil. Durant la campagne présidentielle, François Hollande (comme Nicolas Sarkozy) tablait sur une croissance de 1,75% du PIB. Ce chiffre a été revu successivement à 1,2%, puis à 0,8%. Les économistes, quant à eux, prévoient plutôt une croissance autour de 0,5%. Or, moins de croissance, c'est moins de rentrées fiscales pour l'Etat. Et donc davantage de déficit.
Un effet "fortement négatif sur l'emploi"
En cherchant à honorer coûte que coûte sa promesse d'atteindre les 3% de déficit public, le gouvernement pourrait donc scier la branche sur laquelle il est assis. "C'est un engagement très contraignant qui, en voulant réduire trop vite ce déficit, pourrait bien aboutir à l'augmenter. Trop de rigueur, trop vite, cela aboutit à l'effet inverse", affirmait récemment Eric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), interrogé par FTVi.
"Le risque, si on s'en tient à 3% (…), c'est qu'on va en fait aggraver les effets de la récession au lieu de les atténuer, abonde Philippe Aghion, dans un chat sur Le Monde.fr. Donc nos recettes fiscales vont diminuer, et l'Etat va devoir opérer une surcorrection budgétaire d'au moins 10 milliards supplémentaires. Donc au total, c'est 40 milliards qu'il va falloir trouver, et non 30", estime l'économiste, qui avait conseillé François Hollande durant la campagne. Un véritable cercle vicieux.
Les effets potentiels de la politique de rigueur ne s'arrêtent pas là. "La marche pour 2013 est si haute qu'elle ne peut être gravie sans effet très fortement négatif sur l'activité, donc sur l'emploi", déclare à l'AFP Jean-Christophe Caffet, analyste chez Natixis. Une activité faible entraîne en effet une hausse quasi mécanique du chômage, comme le souligne par exemple le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly. "Il est temps de se rendre à l'évidence : la rigueur ne marche pas", tranche carrément l'éditorialiste des Echos Jean-Marc Vittori.
Vers un report de l'objectif 3% en 2013 ?
Des voix s'élèvent, chez les économistes mais aussi dans les rangs de la majorité socialiste, pour que l'objectif de déficit de 3% du PIB soit retardé. Pour le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, l'échéance de 2013 est "intenable mais ce n'est pas à la France de le dire". Cet objectif "peut être parfaitement soutenable si on connaît un regain de croissance, mais dans le cas contraire, il faudra un débat sur le plan européen", poursuit la présidente PS de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée, Elisabeth Guigou.
Prise en étau entre deux logiques contraires, la France pourrait très vite avoir à choisir. Patrick Artus, directeur de la recherche et des études chez Natixis, résume ainsi la situation : "Les pays vont donc avoir le choix entre réduire rapidement les déficits publics et être durablement en récession ou renoncer à réduire les déficits publics et essayer de sauver un minimum de croissance." Un choix cornélien.
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