Visite de Xi Jinping : "C'est une situation dangereuse pour les Européens"
Alors que Rome a signé un protocole d'accord avec Pékin sur les "nouvelles routes de la soie", François Godement, conseiller pour l’Asie à l’Institut Montaigne, rappelle la fragilité des pays européens divisés face au poids-lourd chinois.
Après la signature d'un protocole d'accord entre Rome et Pékin sur les "nouvelles routes de la soie" mettant à mal l'unité européenne, le président chinois Xi Jinping est en visite officielle en France. Les investissements chinois en Europe s'envolent. "C'est une situation dangereuse pour les Européens", a expliqué sur franceinfo François Godement, conseiller pour l’Asie à l’Institut Montaigne, auteur avec Abigaïl Vasselier de La Chine à nos portes. Une stratégie pour l’Europe.
franceinfo : L'Union européenne doit-elle rester unie pour résister à la Chine ?
François Godement : Chaque pays isolément, même les plus grands, même l'Allemagne, pèse aujourd'hui peu de choses par rapport à la Chine qui, sous Xi Jinping, a recentralisé son système. Il y a un avantage du système de gouvernement qui est considérable. L'Europe n'était pas équipée pour tout. Jusqu'à il y a peu, l'Europe n'avait pas de compétence dans le domaine des investissements étrangers en Europe. Chaque pays décidait pour lui. Cela a été extrêmement important que les Européens se mettent d'accord pour considérer que, dans le cas de la Chine, toutes les entreprises d'Etat chinois sont considérées comme une seule entreprise, à cause de leur direction unique.
Est-ce que la Chine investit dans tous les pays d'Europe ?
Oui. Les Chinois ne mettent pas forcément l'argent là où ils ont mis leurs déclarations. On a beaucoup parlé des nouvelles routes de la soie, les partenariats avec l'Europe centrale et orientale. Elle a en réalité beaucoup investi dans des pays d'Europe de l'Ouest dans lesquelles il y a des affaires florissantes et intéressantes du point de vue technologique. La France, de façon visible, n'est pas particulièrement en pointe, il y a plus d'investissements au Royaume-Uni, en Allemagne et certaines années en Italie.
Cette tournée va-t-elle servir à établir des accords commerciauxrassurer l'Europe et permettre d'établir des accords commerciaux ?
Je suis tenté de dire ni l'un, ni l'autre comme priorité. La priorité c'est d'avancer les objectifs chinois. Ce sont les mémorendums des routes de la soie pour légitimer le reste du projet du programme. C'est probablement aussi de désarmer les Européens dans leur démarche défensive sur le plan économique et peut-être de les amener à prendre leurs distances par rapport aux Etats-Unis. Les contrats commerciaux vus de Chine sont un petit peu une annexe. L'Italie a énormément bataillé ces derniers temps avec le gouvernement de coalition pour signer un mémorendum des routes de la soie en s'opposant aux autres Européens. Elle a récolté 2,5 milliards d'euros de contrat. À l'échelle de ce que fait la Chine, c'est très peu. En France, il est probable qu'on va discuter d'avions, il y a un projet sur le retraitement des déchets nucléaires en discussion depuis plusieurs années. Au fond, c'est un voyage de diplomatie publique.
Est-ce que l'Europe peut profiter de ces tensions avec les Etats-Unis ?
C'est une situation dangereuse pour les Européens qui sont pris en pince entre la capacité de négociation plus forte des Américains, parce que leurs menaces sont crédibles, et une Chine qui nous fait des beaux yeux mais qui sur le fond ne fait pas beaucoup de concessions. Xi Jinping ne s'adresse pas aux Européens, il s'adresse aux Italiens, aux Monégasques, aux Français, après les Espagnols et les Portugais. Il ne mentionne jamais l'Europe.
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