"Un de mes amis a été poignardé devant le lycée" : pourquoi l'insécurité dans les établissements scolaires a fait déborder le vase à Mayotte
Ce sont les agressions à répétition autour des écoles, collèges et lycées qui ont été le point de départ de la grève générale contre l'insécurité à Mayotte. Le département compte 94 000 élèves et accuse un gros retard sur la métropole.
Sous un soleil de plomb, une petite centaine de mamans défilent en salouva, la tenue traditionnelle mahoraise. Une scène quotidienne depuis le début de la grève générale contre l'insécurité, il y a quatre semaines. Tous les secteurs de l'île s'y sont mis, les routes sont bloquées et les magasins commencent à craindre la pénurie.
Point de départ de cette contestation : les violences au abords des établissements scolaires, les classes bondées, le manque de moyens dans l'éducation et le chômage des jeunes... Ce sont ces mamans en colère qui ont lancé le mouvement : "Oui je suis une maman en colère. J'ai des enfants qui vont à l'école et je veux que la violence s'arrête. Les bus se font caillasser. Il y en a ras-le-bol", explique une mère à franceinfo. "J'ai un neveu de 4 ans, c'est un petit, il ne veut plus aller à l'école parce qu'il a peur de se faire agresser", raconte une autre Mahoraise.
Je me concentre sur le bac et je bouge
Amani, 17 ansà franceinfo
Une angoisse que partage Amani. Il a 17 ans et cet élève de terminale S va tous les jours au lycée la peur au ventre : "Un de mes amis a été poignardé juste devant le lycée, ça commence vraiment à devenir chaud, je suis stressé parce qu'il y a des voyous sur le chemin où je passe tout le temps... Je me concentre sur le bac et après je bouge ! Mais c'est difficile, on est 35 élèves dans ma classe, ça bavarde, quand on va en métropole, en première année après le bac il y a beaucoup d'échec, le niveau à Mayotte n'est toujours pas là."
60% d'élèves reçus au bac en filière L
Les professeurs font ce qu’ils peuvent, insiste le lycéen mais le taux de réussite de l’académie de Mayotte au baccalauréat reste l’un des plus bas en France. "Cela dépend des filières mais on est très en dessous de la moyenne nationale", explique Sébastien, professeur d’histoire à Mamoudzou. "Pour notre lycée l'an dernier, poursuit-il, sur les L, notre meilleure série, on est arrivé à 60% de reçus ce qui est très peu comparé à la métropole. On voudrait faire plus pour des lycéens qui méritent de mieux s'en sortir mais on n'a pas les moyens de plus les aider."
Certains enfants vont en classe par rotation
Et "les difficultés commencent en primaire", déplore l’enseignant. Dans certaines communes, fautes de classes suffisantes, les enfants vont en cours par rotation.
L’île est pourtant classée en réseau d’éducation prioritaire (REP) depuis 2014 rappelle Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental du Snuipp-FSU. "Normalement en REP au niveau national, on est à 22 élèves par classe. Ici, en REP ou REP+, on est à 28. Donc c'est un dispositif d'éducation prioritaire qui n'a de prioritaire que le nom." Autre illustration du manque de moyens pour le syndicaliste, "ici l'enfant qui commence à dévier, on ne lui donne pas de chance, on l'exclut. Il va falloir construire massivement, accompagner cette hausse démographique. On sait déjà le nombre de naissances par an mais on ne les a jamais anticipés." Chaque jour effectivement, 26 enfants naissent à Mayotte, l’équivalent d’une salle de classe.
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