G20 à Cannes : casting d'une tragédie grecque
A la veille de l'ouverture à Cannes du sommet du G20, la Grèce a redistribué les rôles en annonçant un référendum sur le plan de sauvetage européen.
De l'action, du suspense, voire du mélodrame : le G20 ouvre ses discussions à Cannes jeudi 3 novembre dans une ambiance chaotique. Présidé par Nicolas Sarkozy, cette édition du sommet qui réunit les vingt premières puissances mondiales semblait pourtant sur les rails.
L’annonce lundi soir par le premier ministre grec de convoquer un référendum d’ici à décembre, pour décider de l’adoption ou non du plan de sauvetage de la Grèce arraché la semaine dernière, a bouleversé l’agenda et redistribué les rôles. Qui sont les stars de l'édition 2011 du G20 ?
• La palme du trouble-fête est attribuée à… Georges Papandréou
Tous les projecteurs sont braqués sur le premier ministre grec. Ce dernier a annoncé lundi la tenue d’un référendum sur le plan de sauvetage de l’euro voté par les dix-sept pays de la zone euro dans la nuit du 26 au 27 octobre.
Le peuple grec, qui manifeste depuis des semaines son hostilité aux plans d'austérité successifs de la Troïka (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) décideront donc de l'avenir de leur pays dans la zone euro.
Du coup, dès mercredi, lui qui n'était même pas invité à l'origine aux festivités du G20 dînera avec le gratin : le duo franco-allemand, la directrice générale du FMI Christine Lagarde et les responsables de l'UE et de la zone euro. Une invitation aux airs de convocation.
Star inattendue du sommet, Georges Papendréou n'a pas le beau rôle pour autant. Ses partenaires européens, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy en tête, lui reprochent d'avoir joué solo en annonçant le reférendum sans en discuter au préalable avec eux.
• Sarkozy-Merkel : présidents du jury en colère
Le couple franco-allemand refuse d'envisager un remake de l'accord trouvé la semaine dernière. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont dit "déterminés" mardi à faire appliquer le plan de sauvetage de la Grèce aujourd'hui remis en question, et dont ils sont les artisans.
Dans une déclaration improvisée mardi 1er novembre sur le perron de l'Elysée, Nicolas Sarkozy a dit estimer que "l'accord de Bruxelles est la seule voie possible pour résoudre la crise de la dette grecque. La solidarité de tous les pays de la zone euro ne saurait s'exercer sans que chacun consente aux efforts nécessaires."
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy vont tenter de convaincre Georges Papandréou de tenir son référendum au plus vite. L'annulation n'étant plus envisageable depuis que le premier ministre grec s'est assuré du soutien de son gouvernement, les deux chefs d'Etat souhaitent influer sur la question qui sera posée au peuple grec. Pour le ministre des Affaires européennes français Jean Leonetti, la seule question "acceptable" serait : "Est-ce que vous voulez rester dans la zone euro ou non ?"
• Les seconds rôles européens
- Le président du Conseil italien Silvio Berlusconi, sommé la semaine dernière de présenter des mesures strictes pour assainir son budget, ne tient désormais plus le rôle du mauvais élève. Mardi, il a accusé son homologue grec d'avoir fait "un choix inattendu qui crée des incertitudes". Le renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été pensé pour venir en aide aux pays fragilisés de la zone euro. Et après la Grèce, vient l'Italie.
- D'autres pays, comme la Finlande ou la Slovaquie ont toujours montré leur hostilité au plan de sauvetage de la Grèce et pourraient saisir l'opportunité du G20 pour le faire savoir. Le premier ministre néérlandais a déjà menacé, en cas de "non" de la part des Grecs, de ne pas contribuer au renforcement du FESF. L’Europe voulait montrer son unité ; c’est raté.
- Quant aux pays hors de la zone euro comme la Grande-Bretagne et la Suède, ils s'agacent de ne pas peser suffisamment dans les décisions, se plaignant de l'omniprésence de la question monétaire dans les débats. "La crise de la zone euro affecte toutes nos économies, y compris celle du Royaume-Uni", s'était agacé le premier ministre britannique David Cameron le 24 octobre.
• Les grandes puissances: des critiques exigeants
- "La Chine soutient les efforts de l'UE, de la zone euro et du FMI contre la crise de la dette", a rappelé mercredi 2 novembre un porte-parole de Pékin alors que le président chinois Hu Jintao arrivait à Cannes. "Prête à aider l'Europe", la superpuissance asiatique veut voir le plan de sauvetage grec aboutir.
La Chine, dont l'économie repose en grande partie sur les exportations, craint en effet qu'un repli protectionniste des pays de la zone euro nuise à son économie. Aussi, elle détiendrait quelque 550 milliards de dollars d'obligations d'Etat européennes.
Interrogé mardi par Le Figaro, le président chinois se disait prêt "à travailler avec d'autres membres du G20 pour faire du sommet de Cannes une réunion d'unité, de succès et de bénéfice mutuel".
- Plombé par une reprise faiblarde aux Etats-Unis, le président Barack Obama ne veut pas non plus voir le marasme européen contaminer davantage son économie. En faisant monter le cours du dollar, la crise de l'euro risque de freiner les exportations et fermerait en partie la porte du principal partenaire commercial des Etats-Unis.
A Cannes, il devrait encourager les Européens à rester fermes face à leur crise de la dette. Il participera d'ailleurs aux travaux du sommet consacrés à la zone euro et pourrait une nouvelle fois s'opposer à une possible participation de la Chine au FESF.
Navet intégral ou carton plein ? Il faudra attendre la fin du G20 de Cannes vendredi 4 novembre pour connaître l'issue de ce film-chorale sur fond de crise de la dette grecque. Qu'importe la qualité, le drame passionne d'ores et déjà les spectateurs. Sans doute parce qu'il est facile, à l'heure de la mondialisation, de s'y identifier.
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