"Waffle House Index", "Japanese Haircut Indicator" "Popcorn Index"... Cinq indices improbables pour mesurer les crises climatiques ou économiques

Quel est le rapport entre une gaufre au sucre et l’intensité d’un ouragan ? C’est le "Waffle House Index", remis en avant après le passage de l’ouragan Milton en Floride. D'autres indices, aussi loufoques en apparence, existent.
Article rédigé par Chadi Romanos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
L'OURAGAN MILTON A FAIT QUATRE MORTS ET D'IMPORTANTS DÉGÂTS MATÉRIELS LORS DE SON PASSAGE EN FLORIDE LE 10 OCTOBRE. (JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Certains comportements des populations peuvent renseigner les observateurs sur l'ampleur des crises, environnementales ou économiques. Aux Etats-Unis ou au Japon, des indicateurs basés sur ces observations ont été peu à peu mis en place. Ils s'appuient sur la consommation de popcorn, par exemple, les achats de sous-vêtements masculins ou encore la fréquentation des salons de coiffure.

Le "Waffle House Index"

Le Waffle House Index est un indicateur inventé par un patron de la FEMA, l’agence qui gère les catastrophes, les situations d’urgence, aux États-Unis. Le dimanche 22 mai 2011, une tornade ravage la petite ville de Joplin, dans le Missouri, et tue 158 personnes. Pour autant, les deux Waffle House du secteur, ouverts 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, restent ouverts. Signe que les conséquences de la crise, quoique dramatiques, se sont révélées limitées sur le plan économique, explique alors Craig Fugate, le créateur de l’index.

Autrement dit, si ces restaurant à gaufres sont fermés, c’est que la situation est hors de contrôle, que l'activité locale est au point mort. Et si leur carte est réduite, c’est que l'économie peine à redémarrer. Il s’agit moins de mesurer l’intensité d’un phénomène météo que d’évaluer les conséquences et la capacité d’une communauté à s’en relever.

Le "Lipstick Index"

Dans un autre registre, on le doit le Lipstick Index à un Américain, Leonard Lauder, le fils (et héritier) d’Estée Lauder, qui fonda dans les années 1920 à New York l’entreprise de cosmétiques du même nom. Ce que nous dit cet "indice rouge à lèvres", élaboré (c’est un bien grand mot, toutefois) pendant la crise de 2001 aux États-Unis, c’est que quand tout va mal, notamment l’économie, on a envie de se soigner, de se réconforter. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, observe Leonard Lauder dans les mois qui suivent les attentats du 11 septembre 2001, les ventes de maquillage ont progressé.

Un phénomène qui a pu se vérifier dans le passé plus lointain – pendant la Grande Dépression notamment – ou dans des temps plus proches, sur la période de surinflation que nous venons de traverser par exemple. Mais attention : ce sont de cosmétiques plutôt bon marché dont on parle, du luxe abordable, pas de parfums hors de prix.

Le "Popcorn Index"

Le Popcorn Index s’inscrit lui aussi dans des temps sombres. Ce qu’il nous dit ? En période de disette, on fait la chasse aux dépenses inutiles ou superflues, dans les loisirs notamment. L’observation des faits peut pourtant nous montrer le contraire. En période de crise économique, on a tendance à se réfugier dans la fiction pour échapper un moment à la triste réalité. En témoigne l’explosion du box-office en 2009 outre-Atlantique, alors que la crise financière creuse le pouvoir d’achat des Américains. Les salles obscures ont fait le plein – et peut-être, avec elles, les seaux de popcorn (d’où le nom de l’indice). On peut retrouver en France une tendance similaire dans la fréquentation des salles de cinéma. Mais à l’heure des plateformes de streaming, cet indice assez peu scientifique pourrait rapidement sombrer dans l’oubli.

Le "Men’s Underwear Index"

Les sous-vêtements masculins ont également quelque chose à nous dire. Mais ce n’est pas à un professionnel du textile que l’on doit le Men’s Underwear Index. C’est l’ancien patron de la Réserve fédérale américaine – la banque centrale des États-Unis – qui l’a inventé. Alan Greenspan est une star dans son genre. Il a "piloté" l’économie américaine de 1987 à 2006, géré de dramatiques krachs et d’incroyables rebonds, en manipulant avec science les taux d’intérêt. Autant dire qu’on ne parle pas là d’un génie du marketing ou d’un professionnel de la mode.

C’est pourtant ce docteur en économie qui a observé que toute baisse du marché des slips et caleçons – des vêtements relèvent rarement du luxe dont les ventes sont stables en général – forme un indicateur avancé d’une crise à venir.

Le "Japanese Haircut Indicator"

Les journalistes du quotidien économique Nikkei ont expliqué en 2008, sur la base d’une étude de Kao Corp, la deuxième entreprise cosmétique au Japon, qu'en temps de crise les femmes, qui ont moins d’argent à dépenser en produits capillaires ou en séances de coiffure, ont tendance à privilégier les cheveux courts. Une thèse genrée, qui reste à vérifier sous nos latitudes, qui a donné naissance au Japanese Haircut Indicator, l’indice des coupes de cheveux japonaises.

Pendant vingt ans, Kao Corp a interrogé régulièrement des cohortes de 1 000 femmes dans les rues de Tokyo et d’Osaka et observé leurs évolutions capillaires. Jusqu’aux années 1990, 60% des femmes dans la vingtaine avaient les cheveux longs. Une coupe qui deviendra marginale avec la crise de 1991 et jusqu’en 2002, où, avec la reprise économique, les coiffures plus prolifiques – parfois nouées en chignon, néanmoins – réapparaîtront.

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