Covid-19 : La France a "versé beaucoup de fonds publics", mais "il va falloir revenir aux réalités", alerte le président de la commission sur l'avenir des finances publiques
Jean Arthuis, président de la commission sur l’avenir des finances publiques, ancien ministre de l’Economie, estime samedi sur franceinfo qu'effacer la dette publique est un "mirage mortifère".
La France a "versé beaucoup de fonds publics, mais cette période ne peut pas continuer, il va falloir revenir aux réalités", alerte Jean Arthuis, président de la commission sur l’avenir des finances publiques, ancien ministre de l’Economie, invité de franceinfo samedi 5 décembre. Pour lui, "cette situation est plus que préoccupante" et même avant la crise "nous avons pris de très mauvaises habitudes" en ce qui concerne le déficit. Par ailleurs, Jean Arthuis estime qu'effacer la dette publique est "un mirage mortifère".
franceinfo : Vous faites partie de cette commission sur l'avenir des finances publiques, officiellement installée depuis hier vendredi, quelle est sa mission ?
Jean Arthuis : Notre mission est d'éclairer la trajectoire des finances publiques dans l'après virus. Cette période, dont nous approchons de l'issue, appelait une mobilisation sans précédent des finances publiques pour lutter contre la pandémie de coronavirus Covid-19, pour éviter le collapsus [effondrement] de l'économie et toute forme de déchirure sociale. On a donc versé beaucoup de fonds publics, mais cette période ne peut pas continuer, il va falloir revenir aux réalités. Et nous sommes dans une trajectoire qui est préoccupante. Année après année, malheureusement, nous n'avons cessé de nous laisser aller aux déficits publics. Nous étions à 100% du PIB à la veille de la pandémie, nous allons être à 119 ou 120%. Cette situation est plus que préoccupante.
Quelles sont les pistes de réflexion pour rétablir la santé des finances publiques après la crise ?
Il s'agit d'éviter, comme l'a dit le premier ministre, toute potion amère. Il faut faire de la pédagogie et probablement poser un principe : les finances publiques en période normale doivent être équilibrées. Or, nous avons pris de très mauvaises habitudes.
Ne serait-ce qu'avec le Pacte de stabilité et de croissance. On avait dit que pour pouvoir bénéficier de la monnaie unique, il fallait s'astreindre à ne jamais franchir le cap des 3% de PIB en déficit. Mais 3% de déficit, on a fini par croire que c'était une bonne pratique. Or, lorsque l'inflation a pratiquement disparu, qu'elle est à 1% et que vous avez un déficit de 3%, eh bien vous allez augmenter votre dette publique d'au moins 2% du produit intérieur brut.
Cette espèce de facilité que nous nous sommes accordés, sous tous les gouvernements pratiquement, sur la promesse qu'on allait en sortir, qu'il y aurait une croissance plus élevée, des projections très optimistes... Je crois qu'il faut aujourd'hui donner des finances publiques une image beaucoup plus lisible, compréhensible par les citoyens français pour que chacun comprenne qu'il n'y a pas de miracle à attendre, qu'il faut être sérieux dans la gestion des finances publiques.
Est-ce qu'une amélioration de la situation, sans augmenter les impôts est envisageable ?
Pour ce qui est de l'augmentation des impôts, je pense que la France a fait le plein. Nous sommes l'un des pays dont les prélèvements obligatoires sont au plus haut niveau. Et aller plus loin dans les prélèvements obligatoires, c'est prendre le risque qu'une partie de la matière imposable nous échappe. Donc, c'est la sagesse que de retenir comme principe qu'on n'augmentera pas les impôts ; la dette publique, il fut un temps où on la remboursait en monnaie de singe par l'inflation. Cette hypothèse-là était également à écarter. J'entends aujourd'hui des voix qui disent 'mais au fond, cette dette publique, peut-être qu'on pourrait l'effacer'. C'est là encore un mirage mortifère. Voulons-nous nous soumettre aux créanciers internationaux ? Rappelons-nous ce qui est arrivé à la Grèce en 2015 lorsque M. Tsípras, le premier ministre, essayait d'obtenir des réductions de dette. On voit bien que le surendettement fait disparaître la souveraineté nationale et que, partant de là, on est dans la main des créanciers. C'est une hypothèse qu'on ne peut admettre.
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