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L'alternance profite-t-elle vraiment toujours aux étudiants ?

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Alternance : le dispositif profite-il vraiment toujours aux étudiants ?
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
Ce dispositif, loué par l'exécutif, fait déchanter plus d'un jeune. Les témoignages de rupture de contrat sont légion. "L'Œil du 20 heures" a interrogé certains d'entre eux.

L'alternance, un dispositif régulièrement mis en avant par Emmanuel Macron lui-même. Le 5 janvier dernier, à l'occasion de la traditionnelle "galette de l'Elysée", Emmanuel Macron s'est montré optimiste : " Nous avons franchi les 800 000 apprentis. Le cap que j'ai fixé d'un million d'apprentis est atteignable."

A 24 ans, Alexandra est titulaire d'un master en Finance. Pour décrocher son diplôme, elle a suivi une formation en alternance durant deux années. Payée 1 100 euros net par mois. " L'alternance, c'était pour moi une belle opportunité pour pouvoir faire les études que je souhaitais. C'était important de pouvoir me professionnaliser et d'être payée pour pouvoir payer mes études", affirme-t-elle.

"On vous essore et après on vous jette"

Aujourd'hui salariée en CDI à Dubaï dans une grande entreprise française du luxe, elle a trouvé ce premier emploi malgré une fin d'apprentissage chaotique, l'entreprise ayant rompu son contrat avant son terme. "Ils ont utilisé la technique de la carotte. Tout au long de mon alternance, on m'a promis un CDI. Mais je finis par apprendre que l'entreprise me licencie. Trois mois avant la fin de mon contrat. On vous essore et après on vous jette parce qu'on sait qu'on va pouvoir très vite vous remplacer par quelqu'un d'autre".

Sur les réseaux sociaux, les témoignages de rupture de contrat sont légion. Le taux atteint 28%, avec une pointe à 40% dans l'hôtellerie-restauration, selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). 

Ces emplois d'apprentis sont pourtant subventionnés par l'Etat. Lorsqu'elle recrute un alternant, l'entreprise n'est assujettie à aucune cotisation patronale sur les salaires versés. Elle perçoit même 6 000€ par alternant (contre 8 000 € entre 2020 et 2022) lors de la première année du contrat.

"Une faible plus-value pour les moins qualifiés"

Dans un rapport de juin 2022, la Cour des comptes reconnaît que la hausse inédite des entrées en apprentissage est un succès " indéniable". Elle dénonce en revanche la " faible plus-value de l'insertion professionnelle pour les moins qualifiés.

Alors, l'apprentissage en partie financé par l'Etat aiguiserait-il l'appétit de certains organismes privés  ? Des écoles parfois 100% en ligne fleurissent sur internet à coups d'arguments marketing séduisants  : "Une formation nouvelle génération", "Garantir votre employabilité", "Votre formation 100% gratuite et rémunérée".

Maxime, 21 ans, s'est inscrit dans une école de commerce privée. Il a payé 8  000 euros de frais de scolarité, normalement pris en charge par l'entreprise qui l'embauche comme apprenti. Mais il n'a toujours pas été recruté. Aujourd'hui il vient déposer son CV dans une grande enseigne commerciale.

Face à l'absence d'aide de la part de son école pour trouver une entreprise, le jeune homme dit aujourd'hui craindre de devoir s'endetter. "On est obligé de faire un job étudiant ou des prêts à la banque" , explique-t-il.

"L'école prélève votre argent, elle vous suit avant l'inscription et n'est plus à vos côtés ensuite."

Maxime Estefanous, étudiant

à "L'Œil du 20 heures"

 "Le but est de placer des étudiants sans forcément prendre en considération ce qu'il veut faire", critique un ancien directeur commercial d'une structure privée. Ce dernier dit avoir démissionné, en désaccord avec la politique de son école. "Il y a une course au profit et une gestion au volume côté entreprise et étudiants que forcément il y a de la casse humaine."

Dans une enquête de décembre 2022, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes  a entrepris de vérifier les pratiques commerciales des établissements de formation. Au total, 30% des établissements de formation contrôlés se sont avérés être " en anomalie en matière de pratiques trompeuses".

Laurent Champaney, président de la Conférence des écoles appelle donc à plus de contrôle par l'Etat. Il recommande surtout d'éviter de s'inscrire hors Parcoursup, sinon "il est clair qu'une partie des financement de l'apprentissage est dérivée vers des formations de qualité potentiellement incertaines et avec des modèles économiques qui éventuellement enrichissent des actionnaires".

"Choisir délibérément une formation hors Parcoursup comporte un risque."

Laurent Champaney, président de la CGE

à "L'Œil du 20 heures"

Le ministère de l'Enseignement supérieur entend s'attaquer aux dérives commerciales de certains groupes privés. Contrôle de la qualité de l'apprentissage,  labellisation des diplôlmes et établissements… Ses conclusions sont attendues au printemps prochain. 

Parmi nos sources :

- Le rapport de la Cour des Comptes : " La formation en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir" de juin 2022

- Le communiqué de presse du gouvernement du 6 janvier 2023, intitulé "Alternance : le gouvernement maintiendra une aide à l'embauche à hauteur de 6 000 € jusqu'à la fin du quinquennat".

- "Protection du consommateur : l'enseignement privé supérieur peut mieux faire". L'enquête de la DGCCRF de décembre 2022. 

- Parcoursup : les formations en apprentissage

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