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"Hollande, je croyais en ce mec-là…" : à Saint-Nazaire, la grande désillusion des grévistes

Les accès au quartier industriel de la ville ont été bloqués mardi matin. Les grévistes ont ensuite rejoint le blocage du dépôt pétrolier de Donges. Dans leurs rangs, la colère est grande à l'égard du président de la République.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger - Envoyé spécial en Loire-Atlantique,
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des grévistes bloquent les accès au quartier industriel de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), pour protester contre la loi Travail, le 24 mai 2016. (MAXPPP)

L'odeur de pneus brûlés se répand dans le ciel de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Depuis l'aube, mardi 24 mai, le cœur industriel de la ville, le quartier de Penhoët, où sont installés les célèbres chantiers navals, est bloqué. A l'initiative de la CGT, notamment, plus aucune voiture ne passe. Les conducteurs abandonnent leurs véhicules où ils peuvent et continuent le chemin à pied. Les grévistes demandent une nouvelle fois le retrait de la loi Travail, après la grève dans la raffinerie voisine de Donges et le blocage du dépôt pétrolier adjacent.

Dans cette ville où François Hollande avait obtenu plus de 66% des suffrages au second tour en 2012, l'heure est plus que jamais à la désillusion. "J'ai voté pour lui, malheureusement, raconte Richard David, délégué CGT de l'entreprise Man Diesel. Les espérances n'étaient pas énormes, mais on ne pensait pas que le curseur irait aussi loin du côté libéral. Là, il bafoue toutes ses promesses. Il y a eu une avancée, le mariage pour tous, mais ce n'est pas ça qui fait vivre la population."

Lui disait "mon ennemi, c'est la finance", eh bien moi, aujourd'hui, mon ennemi, c'est le gouvernement Valls.

Richard David, délégué CGT

à francetv info

"Il n'y a plus de gauche ou de droite dans ce pays"

Dorian, employé de l'entreprise, se dit "dégoûté". Par la loi Travail, d'abord : "J'aimerais bien mettre El Khomri au travail à la chaîne, une fois sa loi passée, pour qu'elle se rende compte des conséquences." Mais l'usage de l'article 49.3 pour l'adoption du texte à l'Assemblée lui reste aussi en travers de la gorge. "Il n'y a plus de gauche ou de droite dans ce pays, ils passent tous en force, affirme-t-il. Dès que vous arrivez à un certain niveau, il y a trop de magouilles et d'argent, ça anéantit tout." Lui rêve d'un Parlement sans professionnels de la politique. "Des ouvriers, des pharmaciens, des docteurs, détaille-t-il. Des gens qui décident ensemble." En attendant que son vœu se réalise, il votera blanc en 2017.

Rapidement, les grévistes mobilisés décident d'abandonner Penhoët pour rallier Donges et soutenir le blocage de son dépôt pétrolier. A en croire la rumeur qui bruisse dans les rangs, le site devrait être évacué dans la journée. Sur place, les orateurs de la CGT se succèdent à la "tribune" improvisée, un tas de gravats qui bloque l'accès au site. Dans leurs interventions, deux cibles principales : François Hollande et Manuel Valls.

"Ce qu'Hollande a fait, c'est une trahison"

Dès que les noms du président de la République ou du Premier ministre sont prononcés, des huées s'élèvent de la foule. "Quand on est aussi mauvais, on démissionne, lâche Christophe Hiou, délégué CGT à la raffinerie de Donges, sous des applaudissements nourris. Se faire donner des leçons par un président aussi impopulaire, je ne pourrai plus le supporter." Le syndicaliste en vient même à vanter la cohérence de Nicolas Sarkozy : "Lui avait été élu à droite, il a fait un gouvernement de droite."

Autant tu peux supporter qu'un adversaire te mette un coup, autant tu ne supporteras pas que ton frère fasse la même chose.

Christophe Hiou, délégué CGT de la raffinerie de Donges

lors de l'occupation du dépôt pétrolier voisin

"Ce qu'Hollande a fait, c'est une trahison", abonde Stéphane, 50 ans, cuisinier au restaurant d'entreprise de la raffinerie. Comme d'autres, lui aussi a voté pour François Hollande en 2012 : "Je croyais en ce mec-là, je pensais qu'il pourrait arrondir les angles." "Ça fait trente-cinq ans que je travaille, ça doit en faire dix-huit que je ne suis pas parti en vacances, poursuit-il. J'aimerais bien qu'un ministre vienne m'écouter un peu, mais ils sont inaccessibles, sur une autre planète. Sarkozy, des fois, il allait se confronter aux gens." Effaré par la "catastrophe" du quinquennat Hollande, il confie son envie de ne plus voter. "Il faut le faire quand même, se reprend-il rapidement. Mais après, pour qui…" Aujourd'hui, aucun politique ne semble en mesure de le convaincre.

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