L'article à lire pour comprendre la réforme du Code du travail
Le Premier ministre et la ministre du Travail dévoilent ce jeudi le texte des ordonnances réformant le Code du travail. Méthode du gouvernement, contenu, calendrier… Franceinfo vous détaille ce qu'il faut savoir de cette réforme.
C'est la première grande réforme économique et sociale du quinquennat Macron. Le gouvernement a dévoilé, jeudi 31 août, le contenu des cinq ordonnances réformant le Code du travail. Un appel à des grèves et manifestations a été lancé, mardi 12 septembre, par la CGT, la FSU, Solidaires et l'Unef. Ces syndicats dénoncent la réforme du code du travail comme une "régression sociale". Franceinfo vous explique les enjeux de cette réforme.
>> Réforme du Code du travail : suivez les manifestations
D'ou vient cette réforme ?
C'est une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. "Je souhaite introduire dès l'été un projet de loi d'habilitation pour simplifier le droit du travail et décentraliser la négociation. Il s'agit de donner plus de place à l'accord majoritaire d'entreprise ou de branche, d'une part, et d'encadrer les décisions des prud'hommes, d'autre part. Le tout par ordonnances, pour procéder de manière rapide et efficace", annonçait le candidat à la présidentielle au JDD, le 9 avril.
Il s'agit du premier véritable test politique et social pour le chef de l'Etat, qui avait fait de cette réforme un argument de campagne. L'idée est d'"aller plus loin" que la loi El Khomri et d'agir vite pour une question prioritaire : le travail. Signe que cette réforme tient particulièrement à cœur au président de la République : Emmanuel Macron s'est personnellement engagé sur le dossier en recevant les partenaires sociaux à l'Elysée.
Et c'est quoi, au fait, des ordonnances ?
Les ordonnances permettent à un gouvernement de prendre des mesures relevant, en théorie, de la loi, sans passer par le processus législatif habituel. Le Parlement doit d'abord voter une loi d'habilitation autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances. Elles sont ensuite adoptées en Conseil des ministres, après un avis du Conseil d'Etat. Enfin, elles sont signées par le président de la République.
Publiées au Journal officiel, les mesures comprises dans des ordonnances peuvent entrer en vigueur immédiatement. Toutefois, pour être pérennisées, elles devront faire l'objet d'une loi de ratification. Lorsque le Parlement l'aura adoptée, les ordonnances ratifiées auront force de loi.
Comment le gouvernement les met-il en place ?
Le Parlement a adopté la loi autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour réformer le Code du travail le 2 août. Tout l'été, les équipes de la Direction générale du travail ont planché sur la rédaction de ces ordonnances, rappelle le JDD. Leur travail doit traduire le fruit de 48 réunions de concertation menées avec syndicats et patronat, de la mi-mai à la fin juillet.
Une méthode plutôt appréciée par les partenaires sociaux. "Il y a eu des vraies discussions, on a pu faire des propositions, on a été écoutés avec attention", explique à l'AFP Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT. "C'était beaucoup mieux que l'année dernière [pour la loi Travail de Myriam El Khomri] où on était traités par-dessus la jambe et à la limite de la correction", surrenchérit Jean-Michel Pottier vice-président de la CGPME. Mais le son de cloche est différent du côté de la CGT, qui dénonce "une concertation tronquée" qui "n'a de concertation que le nom".
Une fois dévoilées, les ordonnances doivent être adoptées lors du Conseil des ministres qui est prévu le mercredi 20 septembre, pour une entrée en vigueur prévue fin septembre ou début octobre.
Mais pourquoi Macron a-t-il choisi cette méthode ?
Avec les ordonnances, le but du gouvernement est d'aller vite. Il souhaite ainsi éviter d'inévitables débats au Parlement, comme cela avait été le cas pour la loi El Khomri, finalement adoptée grâce à l'article 49.3. Un passage en force qui permet l'adoption d'une loi sans vote. Autre préoccupation du gouvernement : éviter les six mois de manifestations et de grèves de la première loi Travail.
"L'élection présidentielle a montré l'énorme attente des Français d'un changement profond et rapide", s'est justifiée, à la fin juin, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, dans le JDD, assurant que "les mesures adoptées feront l'objet d'une application immédiate". Avec sa réforme du Code du travail, le gouvernement espère lutter rapidement contre le chômage de masse. Mais le dispositif des ordonnances reste mal vu des parlementaires, car il amoindrit le rôle du travail législatif. Le Parlement ne peut en effet ni discuter, ni modifier, le texte.
Et il y a quoi, dans ces ordonnances ?
C'est un dossier volumineux : les ordonnances devraient comporter 200 pages. Elles s'organisent entre trois gros blocs : le dialogue social, la sécurisation des relations de travail et l'articulation des normes de négociation entre la loi, les branches et les entreprises.
L'ensemble du monde du travail est concerné, car les sujets abordés sont très nombreux : licenciement, indemnités, CDI de projet, caractéristiques du CDD, référendum d'entreprise, représentation des salariés, modification du zonage des licenciements économiques avec le passage au périmètre national pour apprécier les difficultés économiques des multinationales qui licencient en France...
Quels sont les points qui coincent avec les syndicats ?
Plusieurs mesures sont dénoncées par les syndicats. C'est le cas de la fusion des instances représentatives du personnel (délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), avec la possibilité, par accord, de donner à l'instance fusionnée le pouvoir de négocier avec l'employeur ou la possibilité, pour les PME dépourvues de délégué syndical, de négocier avec un délégué du personnel non mandaté par un syndicat. Le plafonnement des dommages et intérêts prud'homaux hérisse aussi le poil des syndicats.
Autre pomme de discorde : l'articulation entre accords de branches et d'entreprises. Les branches ou secteurs d'entreprises conservent la primauté en ce qui concerne les minima conventionnels, les classifications ou encore l'égalité professionnelle. Le gouvernement prévoit de leur confier la régulation des contrats courts (CDI de projet, caractéristiques des CDD).
Sur le handicap, la pénibilité ou les moyens d'exercice d'un mandat syndical, la branche pourra faire primer son accord sur ceux des entreprises. Sur le temps de travail, c'est l'entreprise qui aura la primauté.
Comment comptent-ils lutter contre ces ordonnances ?
La CGT, avec SUD, appelle à "une journée d'action et de grève dans toutes les entreprises et services" contre ce qu'elle qualifie de "loi Travail XXL", le 12 septembre. Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a jugé sur BFMTV que cette réforme allait "renforcer la précarité". La France insoumise prévoit, de son côté, un "rassemblement populaire" à Paris, mais le 23 septembre. Jean-Luc Mélenchon appelle "le peuple" à "déferler" sur Paris pour manifester "contre le coup d'Etat social" d'Emmanuel Macron.
Echaudé par l'échec de la loi El Khomri, FO attend de connaître les arbitrages avant de juger la copie du gouvernement et n'a pas prévu de participer à ces défilés. Même chose pour la CFDT, la CFTC ainsi que le patronat.
J'ai eu la flemme de tout lire, vous pouvez me faire un petit résumé ?
Le gouvernement dévoile jeudi 31 août le contenu des ordonnances réformant le Code du travail. Une réforme très consistante : ces ordonnances, qui feront environ 200 pages, comprennent de très nombreuses mesures. Et les sujets abordés concernent l'ensemble du monde du travail : licenciements, instances représentatives des salariés, indemnités prud'homales, règles du dialogue social au sein des entreprises, possibilité pour les branches d'entreprises de négocier leurs propres normes...
Une fois présentées, les ordonnances doivent être adoptées en Conseil des ministres à la fin septembre. Elles seront applicables quasiment immédiatement.
La CGT et SUD ont déjà annoncé une journée d'action contre cette réforme, le 12 septembre. Et La France insoumise prévoit de défiler à Paris le 23 septembre.
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