"On a le sentiment de s'appauvrir" : la fonction publique descend dans la rue pour s'opposer au gouvernement
Les fonctionnaires se mettent en grève, mardi, pour s'opposer à plusieurs mesures gouvernementales, comme le gel du point d'indice. Plusieurs services publics tourneront au ralenti.
Cela n'était pas arrivé depuis 10 ans. Les neuf fédérations de fonctionnaires appellent à la grève mardi 10 octobre pour protester contre les projets "inacceptables" du gouvernement. Les perturbations annoncées sont importantes, notamment dans les écoles, les municipalités et les hôpitaux. Dans plusieurs secteurs, les fonctionnaires expriment une colère profonde. Ils se sentent déconsidérés.
Je pars une fois tous les trois ans en vacances
Une employée des hôpitaux de Paris, 16 ans d'anciennetéà franceinfo
Le premier mot d'ordre concerne le point d'indice de la fonction publique qui fixe le niveau des salaires. Ce point est resté bloqué entre 2010 et 2016. François Hollande l'avait dégelé l'an dernier, mais Emmanuel Macron a décidé de le bloquer à nouveau pour 2018. Le résultat est simple, les salaires n'augmentent pas. Ils ne suivent même pas le rythme de l'inflation et pour les personnes de catégorie C, les moins bien payées, la situation est difficile.
Une jeune femme travaillant à la blanchisserie des hôpitaux de Paris a la gorge serrée quand elle évoque son salaire, moins de 1 400 euros nets par mois, après 16 ans d'ancienneté : "Pour vivre correctement, je n'habite pas sur Paris. Je vis à 75km de Paris, parce que c'est le choix que j'ai fait pour avoir un semblant de vie décente." Cette syndiquée à Sud santé fait trois heures par jour de transports pour rallier son lieu de travail.
Un sentiment partagé dans les collectivités
Les fonctionnaires des collectivités, comme les agents spécialisées des écoles maternelles, les Atsem que les parents voient souvent dans les classes et les cours de récréation, partagent ce sentiment. Frédérique Laizet travaille à Paris. Cette militante CGT payée 1 700 euros pour 30 ans de métier n'a pas l'impression d'être une "fainéante", en réaction aux termes employés par Emmanuel Macron. "On a le sentiment d'être en train de s'appauvrir puisque tout augmente, mais pas mon salaire", lâche exaspérée Frédérique Laizet, tandis que sur son lieu de travail elle a l'impression "d'être la déesse Shiva. On doit être partout, on doit faire tout partout. Donc, on a l'impression d'être lésé".
Demain, tous en #grève et en manifestations. Et vous, dans votre école, ça donne quoi ? pic.twitter.com/zN6nf2N3D0
— SNUipp-FSU (@leSNUtwitte) 9 octobre 2017
Les enseignants prennent aussi le chemin de la rue pour protester contre la diminution des contrats aidés et réclamer une hausse de leurs revenus. Cette grève touchera particulièrement le primaire, où près d'un enseignant sur deux est à l'arrêt, selon leur principal syndicat le Snuipp. À Paris, plus d'une école sur dix est totalement fermée.
Un jeune enseignant de maternelle estime que son pouvoir d'achat a diminué. Il regrette que l'État ne tienne pas ses engagements, notamment en matière de revalorisation de carrière : "Il faut savoir que l'on est déjà parmi les moins bien payés d'Europe. On attendait une revalorisation, c'était quelque chose qui avait été acté en 2016 et, là, il n'en est plus question. On dirait que c'est l'une de leurs cibles favorites dès qu'il s'agit de faire des économies."
C'est quotidien. Des collègues qui s'en vont et qui ne sont jamais remplacés
Un jeune agent des finances publiquesà franceinfo
Les suppressions de postes prévues dans la fonction publique font peur aux employés. "Nous réduirons le nombre d'agents publics de 120 000 emplois sur la durée du quinquennat", avait annoncé Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Cependant, si le chiffre change, les années passent et cette tendance perdure. Aux impôts, par exemple, près de 36 000 postes ont déjà disparu des effectifs en 15 ans. Cette disposition se poursuit avec près de 1 800 suppressions de postes en 2017 et 1 600 l'an prochain.
"Un jour, on les retire, on retire le bureau, on retire la chaise, on retire l'ordinateur. On est de moins en moins nombreux et on a de plus en plus de travail", rapporte un jeune agent des finances publiques, syndiqué à Sud. Il est très inquiet à cause, dit-il, de la fraude fiscale : "On ne peut pas contrôler tous les dossiers, ce qui fait que des gens passent à l'as et ne payent pas ce qu'ils devraient payer." Selon le syndicat Solidaires, l'État perd ainsi 60 à 80 milliards d'euros, soit près de 20% des recettes fiscales brutes.
Globalement, ces fonctionnaires en grève admettent que des économies sont possibles, mais là, le bouchon est poussé trop loin. Ils se sentent attaqués au cœur de leur mission de service public. Dernier exemple notable, assez rare pour être souligné, à l'hôpital, l'appel à la grève des syndicats de fonctionnaires s'est élargi. Une dizaine de syndicats de médecins, praticiens hospitaliers, sont entrés dans le mouvement pour dénoncer "l'étranglement financier" de l'hôpital.
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