Réforme des retraites : on vous explique pourquoi le "simulateur" mis en place par le gouvernement ne rassure pas
En "70 cas-types", le gouvernement propose de comparer la pension versée dans l'actuel régime de retraites et dans le futur système à points.
Une nouvelle journée de grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites a lieu, mercredi 29 janvier. Pour tenter de rassurer les réfractaires, le gouvernement propose "un simulateur de parcours" avec "70 cas-types" sur son site dédié à la réforme. Mais il ne s'agit pas de la calculatrice miracle permettant d'évaluer sa future pension de retraite dans le système à points. Pour l'heure, il n'existe toujours pas de logiciel personnalisé.
"Le simulateur couvre des parcours-types de salariés et de fonctionnaires pour les générations 1980 et 1990, ainsi que des parcours-types de professions libérales", est-il précisé. Pourquoi cet outil, qui permet de comparer le montant de sa retraite dans le système actuel et dans le système à venir, inquiète-t-il ?
Parce qu'il ne rend pas compte des cas individuels
Le "simulateur de parcours-type" ne permet pas aux assurés de rentrer leurs données personnelles pour estimer leur future pension. La simulation individuelle reste donc impossible et l'absence de cette fonction est d'autant plus paradoxale que la réforme est censée rendre la "retraite plus simple", selon l'exécutif.
Car, sur le papier, le calcul est effectivement simple. Les cotisations (salariales et patronales) sont converties en points. Au moment de liquider sa retraite, l'assuré multiplie le nombre de points acquis tout au long de sa carrière par la "valeur de service du point" en euros (fixé à 0,55 pour l'instant). Il obtient ainsi le montant minimum de sa pension annuelle, auquel il pourra éventuellement ajouter des points supplémentaires (pour enfant, maladie, invalidité, etc.).
Avec ces éléments, chacun peut estimer très approximativement sa retraite, mais le gouvernement est le mieux armé pour le faire. Pourquoi ne propose-t-il pas alors un outil plus satisfaisant ? Parce que "le système universel n’est pas encore totalement défini. Des concertations sont toujours en cours sur certains paramètres", précise la fiche de méthodologie sur l'actuel "simulateur de parcours". A la veille du débat parlementaire, le flou règne encore.
Parce qu'il est lacunaire
L'éventail de carrières présenté est loin d'être complet. Régimes spéciaux et militaires sont renvoyés à "la concertation sectorielle" toujours en cours. Idem pour les situations particulières (invalidité, interruption de carrière pour élever des enfants…). Dans tous les cas imaginés, la carrière débute systématiquement à 22 ans, oubliant les parcours scolaires plus longs.
Enfin, l'exécutif met largement en avant la bonification de 5% par enfant, qui sera accordée à l'un des deux parents sur sa pension dans le futur système à points, mais ce critère n'est pas pris en compte par son simulateur. Un vide qui ne manque pas de rappeler que les mères risquent d'être pénalisées par l'instauration de l'"âge d'équilibre". "Le nouveau système par points sera, dans de nombreux cas, moins favorable aux mères de famille, sauf si elles décident de travailler plus longtemps : de 50 euros à 300 euros de perte par mois, selon les cas", estime Le Parisien, qui se base sur l'étude d'impact de la réforme.
Dès décembre 2019, un cercle d'experts, l'Institut de protection sociale (IPS) montrait que le système était défavorable aux mères à cause de l'âge d'équilibre. "Si des mères de famille décident de partir avant l'âge de 64 ans, par exemple à 62 ans, elles se retrouvent avec une décote de 10%, ce qui annule le gain de 10% promis avec deux enfants.(...) Or 79% des femmes demandent leur retraite avant 64 ans. Avec la réforme telle qu'elle est prévue, la plupart des femmes sont perdantes".
Parce qu'il met en évidence le poids de l'"âge d'équilibre"
Surtout, le simulateur montre clairement l'importance de l'"âge d'équilibre" dans le futur système. Cet "âge d'équilibre" obligera à liquider ses droits à la retraite bien plus tard qu'aujourd'hui, faute de quoi la pension sera fortement amputée. C'est vrai dans quatre des cinq types de revenus proposés par l'outil.
Sur ces cinq cas, seul l'assuré qui clôt sa carrière à 8610 euros de revenus bruts mensuels pourra partir dès 62 ans avec une pension supérieure à celle qu'il aurait touchée aujourd'hui.
Deux autres salariés fictifs évoqués (l'un terminant sa carrière à 2890 euros bruts mensuels, l'autre touchant toute sa vie un revenu moyen à 3140 euros) devront attendre 66 ans pour que le nouveau système leur soit profitable.
Enfin, qu'ils gagnent 1230 euros bruts (pour un temps partiel) ou 1540 euros mensuels bruts (pour un temps plein), les deux salariés payés au smic, eux, ne sont gagnants qu'à partir de 65 ans.
Ils obtiendront tous deux, à ce moment-là, une retraite de 1411 euros, en application de la mesure sur la pension minimale, qui doit converger à 85% du Smic d'ici 2025. Pour le salarié à temps partiel, cette somme représente un gain de 500 euros par rapport à aujourd'hui.
Cette importance donnée à l'"âge d'équilibre" repose le problème du "chômage des seniors", que l'étude d'impact n'a pas évalué assez précisément, selon le Conseil d'Etat.
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