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Reportage "Vous ne pouvez pas dire que c'est la loi !" : quand l'inspection du travail tente de faire appliquer le télétravail dans les entreprises

L'obligation de télétravailler trois à quatre jours par semaine depuis début janvier est-elle bien respectée ? Pour s'en assurer, l'inspection du travail se rend dans les entreprises. La mission n'est pas toujours facile, comme franceinfo a pu le constater lors d'une visite en Île-de-France.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Image d illustration d'une employée de bureau au travail dans les locaux de son entreprise. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"Bonjour, c'est l'inspection du travail, c'est pour une visite." À Éragny, dans le Val-d'Oise, deux inspectrices du travail viennent de sonner à la porte d'une petite PME. Elles sont accueillies par la DRH et le gérant. "On peut vous suivre pour un tour des locaux", lance une des inspectrices. Alors que le gouvernement souhaite prolonger la règle des trois jours minimum télétravaillables pour deux semaines, certaines entreprises ne jouent pas le jeu. L'Inspection du travail a donc été sommée de faire plus de contrôles.

La difficile application du télétravail dans les entreprises par l'inspection du travail - Le reportage de Sarah Lemoine
Respect des gestes barrières et de la distanciation, tout est passé en revue. Près de la machine à café, il y a cette boite de chocolat qui fait tiquer les inspectrices : "Il vaut mieux supprimer, c'est comme la galette, ça nous a fait des clusters. Donc non, pas de galette, pas d'événements festifs. À la limite, si vous voulez partager des chocolats, il faut des chocolats emballés."

"Ce n'est pas optionnel, c'est une obligation réglementaire"

Arrive la question du télétravail. D'après les calculs des inspectrices, neuf postes sont télétravaillables mais la PME n'a rien mis en place. La discussion devient électrique, les deux inspectrices rappellent les obligations mais la DRH et le gérant ne veulent rien entendre : "Il faut que vous sachiez que personne ne prend de transport en commun chez nous. Les gens viennent en voiture individuelle", développe le gérant. "Mais en fait le télétravail limite les interactions sociales, répond une des inspectrices. donc dès lors que vous croisez des personnes vous êtes exposés." La directrice des ressources humaines argumente à son tour : "On a des salariés qui n'ont pas d'ordinateur chez eux ou qui ne souhaitent pas utiliser les téléphones portables privés. On fait comment ?" "Vous fournissez du matériel", répond l'inspectrice. "Oui, mais la société ne peut pas acheter", rétorque la DRH.

Puis, le ton monte entre la DRH et une des inspectrices du travail :
- "Vous avez échangé du coup avec le CSE sur la question du télétravail ?", demande une inspectrice
- "Non, la question n'a pas été posée", répond la DRH 
- "Vous aviez des salariés volontaires pour en faire."
- "Alors, ils sont volontaires parce que ça leur fait des économies d'essence."
- "Il y a certains arguments que l'on peut entendre mais ce que l'on ne peut pas entendre c'est le 'zéro télétravail'."
- "On ne souhaite pas faire de télétravail, donc voila", avance la DRH.
- "On vous demande de mettre en place des dispositions qui ne sont pas discutables puisque c'est le gouvernement qui le demande", répond l'inspectrice.
- "Tout est discutable, vous ne pouvez pas dire que c'est la loi !"
- "Ah si, il s'agit des dispositions de l'article L4121-1 du Code du travail qui demande à l'employeur de mettre en place les principes généraux de prévention."
- "Si possible !"
- "Ah non ce n'est pas 'si possible'. La santé et la sécurité des salariés ce n'est pas optionnel, c'est une obligation réglementaire", réplique l'inspectrice.

"On va vous mettre les textes, on va vous le mettre par écrit, explique une inspectrice. À vous de voir ce que vous pourrez nous proposer, on vous demande une organisation équilibrée." Le désaccord est constaté. Après réception du rapport des inspectrices, la PME aura quelques jours pour se mettre en conformité. Sous peine d'être mise en demeure et de subir une amende de 500 euros par salarié pouvant potentiellement télétravailler. En cas de récidive, le procureur de la République peut être saisi. Une procédure pénale pourra être engagée.

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