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Chômage : "On a préservé l'essentiel" mais "attention à ne pas sortir trop vite" du plan d'urgence de soutien, selon un économiste

"Il faut être sûr d'avoir une reprise solide avant de retirer ces aides", estime sur franceinfo l'économiste Mathieu Plane, alors que le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A recule de 0,4% au premier trimestre mais augmente de 6,3% sur un an.

Article rédigé par franceinfo
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Une conseillère Pôle Emploi à Brive (Corrèze), le 12 octobre 2020.  Photo d'illustration. (STEPHANIE PARA / MAXPPP)

"On a quand même préservé l'essentiel, heureusement qu'il y a eu ces aides", analyse Mathieu Plane, économiste, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE, invité mardi 27 avril sur franceinfo. Mais "attention de ne pas sortir trop vite" du plan d'urgence de soutien à l'économie, prévient-il. Selon le ministère du Travail, 3 560 000 chômeurs sont inscrits dans la catégorie A au premier trimestre en France métropolitaine. Il s'agit des demandeurs d'emploi sans aucune activité. Ils sont donc 12 000 de moins par rapport au trimestre précédent.

franceinfo : Est-ce que ce sont les aides de l'Etat, le financement massif de l'activité partielle qui ont permis de contenir le chômage ?

Mathieu Plane : Oui, bien sûr, c'était l'objectif même de ces dispositifs, d'absorber le choc. Autrement, les entreprises n'auraient pas pu garder les salariés, continuer à les payer sans faire faillite. On a eu un choc sur l'activité qui a été hors norme. On a 250 000 chômeurs supplémentaires à peu près par rapport à la situation pré-Covid. C'est beaucoup, mais c'est finalement peu par rapport au choc économique qu'on a eu. Donc heureusement qu'il y a eu ces aides. Il y a des raisons d'être inquiet, mais pour le moment, on a quand même préservé l'essentiel.

Quel est le risque ? Est-ce de voir flamber le taux de chômage dans les mois, les années qui viennent ?

Le risque premier, c'est que la campagne vaccinale se passe mal. L'aléa est plutôt sanitaire, puisque les aides de l'Etat sont en place et qu'il n'y a pas tellement de risques sur les déficits ou la dette. Le risque est donc plutôt que l'on reste durablement dans une situation de crise sanitaire. Le premier objectif, le premier vecteur pour redynamiser le marché du travail, c'est la campagne vaccinale, essayer de retrouver vite une situation sanitaire normale, de façon à ce que les gens reprennent des comportements de consommation normaux, qu'ils puissent se déplacer, travailler, etc. C'est le premier enjeu, mais c'est là où il y a de l'incertitude.

"Le risque, sur les mois à venir, c'est de bien faire attention, au-delà du plan de relance, à ne pas sortir trop vite du plan d'urgence et du soutien à l'économie."

Mathieu Plane, économiste

à franceinfo

Il faut être sûr d'avoir une reprise solide avant de retirer ces aides. Et c'est bien cette jonction qui va être compliquée. C'est quand la situation se normalise qu'on fait un peu l'état des dégâts. La question qui va être primordiale, c'est le risque de faillite de tous ces commerces, de tous ces restaurants, qui peut avoir un impact fort, donc il faut savoir jusqu'où l'Etat sera prêt à refinancer l'économie et aider ces commerces-là à repartir.

Et à plus long terme, quel est le risque ?

À plus long terme, le risque est lié à l'incertitude et donc, dans l'entreprise, à l'investissement. L'investissement, c'est la croissance de demain. C'est vrai aussi sur les embauches. Quand vous embauchez quelqu'un en CDI, il faut être sûr d'avoir un peu de visibilité. Et je dirais qu'il y a un nouveau point qui va être essentiel pour la suite, du côté des ménages et de leur consommation : il y a dans cette crise un trésor de guerre, c'est l'épargne accumulée par les ménages, qui est de plus de 160 milliards sur deux ans. Et donc, s'il y a beaucoup d'incertitudes, ils risquent de la mettre de côté et de ne pas la dépenser, ce qui fera moins d'activité. En revanche, si cette incertitude se lève, s'il y a presque un engouement économique, alors on peut avoir une très forte reprise de la consommation et du coup de l'activité. Donc, vraiment, l'incertitude est un facteur clé sur l'évolution de la consommation des ménages et des entreprises, de leurs investissements et de l'embauche.

Cette incertitude va-t-elle peser notamment sur l'activité des jeunes ?

Ils ont été les premières victimes de cette crise, parce que ce sont les plus précaires. Ce sont ceux qui occupent des petits jobs, les jobs étudiants, ce sont eux qui sont saisonniers et donc on voit que ce sont ceux-là qui ont été les plus touchés. C'est eux qui étaient beaucoup en intérim, en CDD et donc au début de la crise, ils en ont payé très fortement les frais. En revanche, si on a un rebond de l'économie assez fort, il y aura aussi des créations d'emplois dans les contrats plutôt courts, dans l'intérim, chez les saisonniers. Tout dépend de la vitesse de sortie de la crise sanitaire. Si on a un bon été, par exemple, et que les restaurants rouvrent, que l'activité touristique reprend, on peut imaginer une reprise de l'emploi assez dynamique, y compris chez les jeunes. L'enjeu, une fois de plus, est sanitaire.

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