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Agriculture : la grande distribution est "en train de tuer l'alimentation en France", dénonce la FNSEA

Christiane Lambert accuse la grande distribution de "contourner" la loi Egalim 2  censée parvenir à une juste rémunération de l'agriculteur. La FNSEA organise avec les Jeunes agriculteurs une journée de mobilisation pour constater ce qu'il en est.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Christiane Lambert, présidente de la FNSEA en visite dans une exploitation, le 23 novembre 2021. (NOÉMIE GUILLOTIN / RADIO FRANCE)

"Ils sont en train de tuer l'alimentation en France, de faire fermer les exploitations agricoles", a dénoncé jeudi 27 janvier sur franceinfo Christiane Lambert, présidente de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), concernant les grands distributeurs qui, selon elle, pratiquent "des prix beaucoup trop bas au regard des hausses de charges que subissent les agriculteurs".

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Sa fédération et les Jeunes agriculteurs vont mener ce jour "une action de surveillance des prix et des origines" des produits dans la grande distribution, qu'elle accuse de "contourner" la loi Egalim 2 censée s'appliquer aux négociations commerciales 2022 et permettre une juste rémunération des agriculteurs. "Quand vous lisez des promotions qui disent 62% de rabais, 62% de produit gratuit. Qui paie ? Ce sont les agriculteurs qui sont contraints d'avoir des prix moins élevés en rémunération pour que les distributeurs puissent se présenter comme les grands défenseurs de l'alimentation en France", a-t-elle dénoncé.

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franceinfo : Quel est le but de votre appel à la mobilisation jeudi ?

Christiane Lambert : Les agriculteurs ont besoin d'aller voir sur place, dans les grandes surfaces, ce qu'il s'y passe. Nous avons vu les publicités, entendu les déclarations, nous voyons en faisant nos courses qu'il y a des marges qui sont excessivement élevées, des promotions qui sont au rabais, des prix beaucoup trop bas au regard des hausses de charges que subissent les agriculteurs aujourd'hui. Le coût de l'alimentation de nos animaux a augmenté de 13% en moyenne et de 30% pour l'alimentation des poules pondeuses. L'énergie a augmenté de 39%, les engrais de 79%.

"On est face à un contexte de flambée qu'on n'a jamais connu et donc il nous faut répercuter ces hausses sur la vente de nos produits, sinon nous n'aurons pas de revenus."

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA

à franceinfo

Les distributeurs sont plus durs au moment où nos hausses sont les plus élevées. C'est incompréhensible.

La loi Egalim 2 doit rendre les négociations plus transparentes et garantir de meilleurs revenus aux agriculteurs, elle est contournée selon vous par certaines enseignes ?

Oui. La première loi n'avait déjà pas produit d'effets parce que les distributeurs l'avaient déjà contournée. Celle-ci s'appelle pour "une juste rémunération des agriculteurs" et on voit bien que les distributeurs ont du mal à échapper à leurs vieilles lunes de trente années de prix bas, pendant lesquelles ils ont beaucoup détruit d'agricultures et d'industries en France. Avec des promotions flash, des prix cash, ils essayent vraiment de la contourner. Quand vous lisez des promotions qui disent 62% de rabais, 62% de produit gratuit. Il n'est pas gratuit. Quelqu'un l'a produit. Qui paie ? Ce sont les agriculteurs qui sont contraints d'avoir des prix moins élevés en rémunération pour que les distributeurs puissent se présenter comme les grands défenseurs de l'alimentation en France. Mais ils sont en train de tuer l'alimentation en France. Ils sont en train de faire fermer les exploitations agricoles.

Votre opération, c'est également une réponse à Michel-Edouard Leclerc, qui a décidé de vendre sa baguette de pain à 29 centimes d'euro ?

Effectivement. C'est une provocation. Comme il produit le pain, il achète la farine et 14 ingrédients parce que, vous l'avez peut-être vu sur les réseaux sociaux, dans la baguette du boulanger il y a trois ingrédients mais chez Michel-Edouard Leclerc, il y en a 14. Donc, c'est quand même de la sur-sophistication et pour la santé, ça ne doit pas être terrible quand même. C'est comme Carrefour qui vend du jambon de porc à 7,50 euros. C'est un prix totalement bradé. Le prix, d'habitude, c'est 17 euros. Comment fait-il pour le brader à 7,50 euros ? Nos volaillers ont aussi cité Auchan comme mauvais élève. Ils ont tous leurs travers. Le but, c'est de dire : "Attention, consommateurs, vous vous faites berner".

"Ça va tuer l'agriculture française et, demain, nous mangerons des produits importés qui présentent moins de garanties et qui ont une empreinte carbone beaucoup plus dégradée."

Christiane Lambert

à franceinfo

À partir du 1er mars, il faudra obligatoirement afficher l'origine de la viande servie dans les restaurants ou les cantines. Est-ce que c'est une décision que vous saluez ?

C'est une revendication que nous portions depuis plus de cinq ans. C'est une décision que nous attendions. Enfin, ça arrive. On sait très bien que dans la restauration commerciale ou à la cantine, il y a 70% de viande importée en volaille. Si les Français ont la possibilité de connaître d'où vient la viande, je pense qu'il y aura davantage de produits français, parce que les consommateurs veulent des produits français. Et pour nous, agriculteurs, c'est la reconnaissance de notre travail, c'est l'assurance de nos débouchés et c'est ramener beaucoup plus d'intelligence dans la consommation. Manger des produits qui sont produits près de chez soi, en France, je pense que c'est aussi rendre service à la planète, à l'économie, aux agriculteurs, mais aussi à la santé des consommateurs.

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