Des vignes de Champagne victimes du mildiou : "Certains ont perdu jusqu'à 80% de leurs vendanges en quelques jours", déplore le Syndicat général des vignerons
Maxime Toubart, le président du Syndicat général des vignerons et co-président du Comité interprofessionnel du vin de Champagne, estime qu'il n'y a "pas de crainte à avoir du côté de la hausse des prix".
"Certains ont perdu jusqu'à 80% de leurs vendanges en quelques jours", a déploré mercredi 28 juillet sur franceinfo Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons et co-président du Comité interprofessionnel du vin de Champagne, alors que les pluies exceptionnelles de ces dernières semaines ont favorisé l'apparition de mildiou dans les vignes de Champagne. "On va arriver à tout compenser pour une année puisque notre niveau de réserve est important", a-t-il expliqué. "On peut encore avoir un millésime exceptionnel."
franceinfo : Les vignes ont déjà souffert du gel au printemps. Votre ennemi maintenant, c'est le mildiou ? Quel effet a-t-il sur les grappes de raisin ?
Maxime Toubart : On a une année compliquée. On a eu 30% de dégâts de gel et, depuis deux mois, beaucoup trop d'eau. On a donc une attaque sévère de mildiou dans beaucoup de secteurs, ici en Champagne comme ailleurs. On doit donc lutter. Certains ont perdu jusqu'à 80% de leurs vendanges en quelques jours. Le mildiou s'attaque à tout. Cela dépend vraiment de la quantité d'eau qui est tombée. Quand on prend la carte de Champagne et qu'on calque la quantité d'eau tombée dans certains secteurs, jusqu'à 300 millimètres d'eau en deux mois, il y a vraiment un impact réel. C'est la conjugaison de la chaleur et de la pluie qui développe ce champignon qui est un vrai fléau pour les viticulteurs en Champagne. Il n'y a pas d'effet sur la qualité mais sur la quantité : les grappes et les feuilles sèchent et tombent. On peut donc encore avoir un millésime exceptionnel.
Faut-il utiliser plus de produits phytosanitaires en ce moment ?
Quand il y a autant d'eau, il n'y a pas grand-chose à faire. Par contre, on a en Champagne un système qui s'appelle la réserve interprofessionnelle : les bonnes années, on bloque une partie des raisins qu'on transforme en vin et qu'on débloque les années où on a une pénurie de vendanges. On a là 8 000 kilos de réserve qu'on va pouvoir mettre sur le marché donc il n'y aura pas d'incidence sur la quantité puisque ceux qui n'ont pas assez de vendange pourront utiliser cette réserve individuelle. On va arriver à tout compenser pour une année puisque notre niveau de réserve est important, on sort de quelques belles années. Par contre, il est évident que l'année prochaine, nous allons être très attentifs à ce qu'il se passe : on peut compenser une fois, pas deux. On a perdu 50% de vendanges entre le gel et le mildiou avec aujourd'hui entre 6 000 et 7 000 kilos de récolte par hectare contre habituellement entre 11 000 et 12 000 kilos par hectare. Par contre, on est sereins parce que nous avons cette réserve qui va permettre de compenser et donc d'apporter autant de champagne sur le marché et à consommer. C'est une assurance. Il va permettre d'apporter autant de bouteilles que nécessaires. Il n'y a donc pas de crainte à avoir du côté de la hausse des prix.
Comment vous adaptez-vous à ce changement climatique ? Les vignes sont-elles prêtes à subir ce changement ?
Quand on dit que le climat change très vite, on est les premiers spectateurs. L'année dernière, nous avions une campagne très chaude et très sèche, cette année on a l'inverse. On voit bien qu'il y a de grands écarts. Cela fait aussi partie du métier. Nous sommes dans une démarche environnementale responsable : on veut utiliser de moins en moins de produits. Par contre, il y a des limites et il est évident que l'économie est malgré tout extrêmement importante : on ne peut pas arrêter de traiter et perdre toute une vendange. On doit donc conjuguer nécessité économique et limiter en permanence l'utilisation des produits phytosanitaires. C'est évidemment un enjeu très important.
Jusqu'à présent, la vigne s'adapte plutôt bien. Lors de forts coups de chaleur, elle plonge ses racines très profondément dans le sol et va chercher l'eau très loin, surtout en Champagne. Par contre il est évident que si nous souhaitons continuer à produire du champagne comme d'autres vignobles, nous devons modifier les pratiques. Aujourd'hui, le climat change tellement vite que la vigne ne peut s'adapter aussi vite. On désherbe beaucoup moins aujourd'hui de manière chimique, on passe les charrues ce qui permet à la vigne d'avoir davantage d'humidité, pour les secteurs où il y a vraiment des grosses pénuries d'eau dans le sol. Donc on s'adapte en permanence pour pouvoir continuer à produire du vin d'appellation dans les territoires en appellation. Il y a plein de sujets sur la table pour pouvoir continuer adapter nos pratiques en permanence. Une appellation c'est un terroir, des usages et hommes. On ne veut pas bouger le terroir, les hommes sont là, il faut donc bouger les usages et les pratiques.
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