La dépendance alimentaire de l'Afrique subsaharienne pourrait s'aggraver à l’horizon 2050
L’Afrique subsaharienne pourra-t-elle, à l'avenir, nourrir sa population, appelée à doubler d’ici 2050? Oui, si les rendements agricoles et les surfaces cultivées augmentent fortement. Mais le continent ne parviendra pas à l'autosuffisance alimentaire. Et selon une étude du Cirad, l’impact du réchauffement pourrait peser sur la production agricole.
L’Afrique subsaharienne (ASS) pourra-t-elle nourrir ses 2 milliards d’habitants à l’horizon 2050 ? Ce sera le cas si des politiques agricoles volontaristes sont rapidement mises en place. Mais elle ne sera pas pour autant autosuffisante.
Si elle voulait y parvenir, il faudrait pour cela que la productivité agricole fasse plus que tripler, ou que l’espace cultivé augmente de 80%. Il faudrait aussi que le nombre d’actifs agricoles n’augmente que de 20%.
Or selon une étude du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) pour la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (Farm), la demande en produits alimentaires va être multipliée par 2,6 à l’horizon 2050 en Afrique subsaharienne. Problème: la production agricole pourrait ne pas suivre ce rythme soutenu.
Réduire les pertes agricoles
Toutes les marges de manœuvre sont donc à explorer pour desserrer les contraintes qui pèsent sur l’agriculture africaine (dont 60 % de la population tire ses revenus). A commencer par le doublement de la productivité de la terre, un défi accessible, puisque la région reste, en la matière, très loin de l’Asie ou de l’Europe.
L’Afrique peut également compter sur la mise en culture de 51 millions d'hectares supplémentaires, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
L’irrigation pourrait également être un fort levier pour la productivité de la terre. Mais elle resterait limitée à 3% (à l’horizon 2050) du total des terres irriguées, alors que l’Asie représenterait 62% des terres irriguées de la planète.
Faible pouvoir d’achat
D’autres pistes doivent être explorées comme la diminution des pertes agricoles. Car près de 15% de la production est perdue entre la récolte et la consommation. Sans oublier, ni minimiser, le gaspillage alimentaire qui n’épargne par le continent
L’ASS apparaît comme la région dans laquelle la progression de la demande serait la plus forte pour tous les produits végétaux et animaux.
Néanmoins, elle utiliserait toujours moins de 7% du volume de produits animaux consommés dans le monde en 2050. Alors qu’en population, elle représentera alors près du cinquième de l’humanité. Cela est le reflet d’un pouvoir d’achat toujours faible.
Le continent ne serait autosuffisant dans aucun groupe de produits sauf pour les tubercules (manioc, patates douces, ignames). Seuls les échanges de fruits, de fibres, et d’autres produits tropicaux pourraient être positifs.
Au total, en 2050, le déficit relatif, en pourcentage de la consommation, resterait quasiment au niveau d’aujourd’hui, avec une autosuffisance de 80% pour les céréales, par exemple.
L’Afrique représentera alors 13 % de l’ensemble des calories consommées dans le monde, alors que la part de sa population sera de 19%. En quelque sorte, l’"empreinte" des Africains sur les ressources agricoles devrait rester modeste en comparaison de leur place dans le monde.
L’Afrique atypique
Alors que l’Asie verra sa population active agricole diminuer de 24% d’ici 2050 et l’Amérique latine de 42%, celle de l’Afrique subsaharienne croitrait de 81% ce qui signifierait que 30% des actifs agricoles du monde seraient africains au sud du Sahara en 2050.
En passant à plus de 2 milliards d’habitants, l’Afrique subsaharienne verra la pression sur le terre croître fortement.
La surface agricole par actif agricole tomberait de 1,2 ha à environ 0,8 ha/actif agricole. Et ce à l’inverse de toutes les autres régions, y compris l’Asie.
A ces défis majeurs s’ajoute une autre variable qui pourrait encore hypothéquer les perspectives de sécurité alimentaire : le changement climatique.
Selon le Groupe d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), le phénomène "aura très probablement un effet négatif sur les rendements de la majorité des céréales en Afrique avec une variabilité régionale très grande dans l’ampleur des réductions de ces rendements".
Impact du changement climatique
Une difficulté majeure est alors d’apprécier l’impact sur la production agricole, sachant que ces modifications pourraient être très différentes d’une région du continent à l’autre. Par exemple, si pour le maïs, les pertes annuelles devraient augmenter au Malawi, elles devraient au contraire diminuer au Kenya et au Niger pour une même hypothèse de changement climatique.
Les simulations grossières montrent une baisse de 8% pour l’ensemble des cultures, liée soit à une diminution des rendements ou des surfaces.
Pour l’Afrique de l’ouest, les auteurs évoquent des baisses de 25% pour le maïs, et le mil et jusqu’à 50% pour le sorgho.
Autrement dit, loin de stagner, la dépendance alimentaire de l’Afrique pourrait se renforcer.
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