UE-Mercosur : "Nous y sommes frontalement opposés", certifie la ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
"L'accord avec le Mercosur, nous y sommes frontalement opposés" , a certifié Annie Genevard, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, interrogée vendredi 8 novembre sur franceinfo. "Ce que nous devons faire avant l'adoption de cet accord international, c'est essayer de rallier à notre cause un maximum de pays" afin de mettre "un droit de veto" sur cet accord, a défendu la ministre.
L'accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et les pays du Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay, Uruguay) est englué depuis 2019. Il n'a toujours pas été ratifié. Mais les discussions entre les deux parties ont repris ces derniers mois, sous l'impulsion, entre autres, de l'Allemagne et de l'Espagne. Cet accord est très critiqué par les agriculteurs français. Ils craignent une concurrence déloyale avec des pays qui n'ont pas les mêmes règles environnementales et d'hygiène que la France.
🔴 Accord UE-Mercosur ➡️ "Nous y sommes frontalement opposés. Il y a un dispositif qui permet l’expression du droit de veto. Nous devons essayer de rallier à notre cause un maximum de pays", affirme Annie Genevard. pic.twitter.com/02nHoh9C23
— franceinfo (@franceinfo) November 8, 2024
"Concurrence totalement déloyale"
Annie Genevard juge, elle aussi, cet accord de libre-échange "fondamentalement mauvais" et souhaite convaincre "la Belgique, la Bulgarie, l'Autriche, l'Irlande, peut-être l'Italie" de s'opposer aussi à cet accord. "C'est une concurrence totalement déloyale", réaffirme la ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. "Si cet accord est signé, c'est l'importation de 99 000 tonnes de bœuf, 100 000 tonnes de volailles, 100 000 tonnes de sucre", liste-t-elle. "Ça percute complètement et frontalement nos propres productions avec des normes environnementales et sociales qui sont absolument en contradiction avec nos propres normes. 27% des produits utilisés pour ces productions du Mercosur sont interdits dans l'Union européenne."
La principale piste envisagée actuellement par la France est donc celle du veto. Elle est travaillée à Bruxelles et à Strasbourg par les députés européens, "notamment ceux du PPE (Parti populaire européen)". "Le Premier ministre lui-même, Michel Barnier, y travaille activement", assure Annie Genevard. "Je sais qu'il rencontre Ursula von der Leyen dans les jours qui viennent ainsi que Giorgia Meloni".
Un accord réécrit ?
En France, les parlementaires enchaînent les tribunes, les conférences de presse pour alerter sur le danger d'un accord avec le Mercosur. Les députés du Rassemblement national (RN) ont tenté d'inscrire une proposition de résolution sur le sujet lors de leur niche parlementaire du 31 octobre. Le gouvernement a jugé le texte irrecevable. Un texte similaire a été, lui aussi, jugé irrecevable, celui de La France insoumise (LFI) qui voulait débattre du sujet lors de sa niche parlementaire du 28 novembre.
François Ruffin, député de la Somme (Écologiste et Social), s'est même dit sceptique sur les réelles volontés du gouvernement. "Je crois que, dans la durée, Emmanuel Macron est un partisan du libre-échange. Je crois qu'il donne des gages parce qu'il y a une opinion publique qui est très défavorable (...) mais qu'en vérité, il ne mettra pas tout son pouvoir dans la balance pour aller contre ce qui est le fond de ce qu'il fait et pense depuis 20 ans", a affirmé l'élu de la 1re circonscription de la Somme. Mêmes craintes du côté de certains syndicats agricoles. Ils ont peur de voir l'accord UE-Mercosur simplement être réécrit plutôt que d'être jeté à la poubelle si la France réussit à convaincre d'autres pays de s'opposer au texte.
🔴 Hostilité au projet d’accord UE-Mercosur ➡️ "Cela ne veut pas dire qu’il faut renoncer à tout accord international mais les accords ne peuvent pas toujours se faire sur le dos des agriculteurs", estime Annie Genevard. pic.twitter.com/7Mu56ALOn3
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Interrogée sur une réécriture possible de cet accord, la ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire répond : "Je n'en sais rien. Je n'en sais rien, mais il est clair que pour moi, la négociation ne peut pas exister sous la forme de compensations financières", comme l'a déjà proposé l'UE. "Les agriculteurs, ils ne veulent pas qu'on leur donne de l'argent en compensation de cet accord qui est très néfaste. Ils veulent simplement pouvoir produire, vivre de leur travail, pouvoir commercialiser à armes égales la concurrence, qui est là complètement déloyale."
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