Viticulture : l'Espagne et l'Italie "risquent de passer devant la France"
La production française de vin devrait baisser de 10% par rapport à 2015, selon le ministère de l'Agriculture. La diminution pourrait s'accentuer avec la sécheresse de ces derniers jours. La France risque d'être dépassée par l'Italie, mais aussi par l'Espagne.
Le gel, puis la grêle et maintenant la sécheresse... Ces derniers mois, les vignes ont été fortement touchées par les intempéries ou des conditions météorologiques inhabituelles. Jérôme Despey, viticulteur dans l'Hérault et président du Conseil spécialisé vin de l’établissement public FranceAgriMer était l'invité de franceinfo ce vendredi. Ce spécialiste de la viticulture a livré ses dernières estimations, côté quantité et qualité, en France et chez nos voisins italiens et espagnols.
Comment se présente la vigne française à l'heure des vendanges ?
La situation viticole est très impactée par les aléas climatiques. Dans un premier temps, il y a eu le gel, puis la grêle et il y a maintenant la sécheresse. Les régions les plus touchées sont la Champagne, la Bourgogne, le Beaujolais, le Val-de-Loire, les Charentes et le Languedoc-Roussillon. Il y a un impact de baisse de récolte assez important. Cela nous amène à des estimations de récolte aux alentours de 42,9 millions d’hectolitres, soit une baisse de 10% par rapport à 2015 et une baisse de 7% par rapport à la moyenne quinquennale.
Le calendrier des vendanges va-t-il être modifié ?
Personnellement, je vendange ce matin et j’ai anticipé parce que l’aspect sécheresse est en train de gagner. Les vendanges vont commencer dans huit à dix jours dans les principales régions viticoles. Cela va être très dépendant. Les chiffres annoncés par le ministère de l'Agriculture risquent d'être revus à la baisse si les conditions météo n'évoluent pas dans les prochains jours.
La pluie est nécessaire ?
Oui, il faut de la pluie parce que là, il y a un blocage de maturité. Le poids des baies ne se développe pas et cela amplifie la baisse de récolte. On scrute le ciel et la météo, mais ce n’est pas prévu pour les huit à dix prochains jours sauf sur la façade nord, mais il y a toute la partie Sud-Ouest et le bassin méditerranéen pour lesquels il n’y a pas de pluviométrie annoncée pour les prochains jours. Cette situation nous inquiète.
Doit-on s’attendre à une baisse de la qualité ?
Non, au contraire. Les inquiétudes que nous avons eues au printemps avec des épisodes de grêle et des impacts de pluviométrie sont complètement estompées parce que l’aspect sécheresse a éliminé les problèmes liés aux maladies. En termes de vinification, il faut que les vendanges débutent mais pour l’instant, on ne peut pas parler de difficultés sur le plan sanitaire, ni sur le plan qualitatif.
2016, classé comme un bon millésime ?
L’aspect sécheresse n’impacte pas le millésime. Mais il y a des conséquences pour les producteurs et je pense plus particulièrement aux viticulteurs qui vont avoir des baisses de production de 30 à 40%. Ils vont être impactés, comme l’ont été les collègues céréaliers, par des problèmes de trésorerie.
Le consommateur devra-t-il payer plus cher ?
Dans la viticulture, il y a des stocks et on les gère notamment avec la distribution. Je pense qu’il n’y aura pas d’impact pour le consommateur, mais l’inquiétude porte sur les producteurs. Il faut que les prix du vin se maintiennent parce qu’il y avait quelques tendances à l’inquiétude dans le Sud par la rentrée de vins espagnols de façon plus importante que les années précédentes. Là, il n’y a aucune raison pour le producteur qu’il y ait une baisse de prix. Mais le différentiel avec de baisse de production va dans tous les cas impacter les trésoreries et c’est sur ce point que nous devons avoir une vigilance particulière.
Chez nos voisins, quelle quantité ?
Les premières estimations montrent que l’Espagne et l’Italie seraient au-dessus de la France. J’ai eu les collègues jeudi de ces différents pays, ils sont aussi confrontés maintenant à l’aspect sécheresse mais ils risquent effectivement en matière de production de passer devant la France.
Au-delà de l’Europe, au Chili et en Argentine ?
Sur le plan mondial, on s’oriente vers une petite production.
Quelle est la situation, chez vous, dans l’Hérault ?
Nous avons été impactés par un orage de grêle sans précédent, puisque nous avons eu plus de 2.000 hectares touchés dans l’est du département, la semaine dernière, dont 1.000 hectares de vigne touchés à 100%. Le ministre de l’Agriculture sera sur place lundi pour essayer d’apporter des soutiens notamment pour les trésoreries des viticulteurs touchés. Les premières récoltes commencent ce matin sur des Chardonnay, avec 30% de baisse alors qu’on avait prévu 15% à 20%.
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