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Journée défense et citoyenneté : "Fatigue et ennui" au bout de la "dernière étape du parcours citoyen"

Article rédigé par franceinfo - Pierre d'Almeida
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Gérard Longuet, alors ministre de la Défense, assiste à un atelier lors d'une Journée Défense Citoyyeneté (JDC) dans la caserne d'Adéoud à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 30 juin 2011. (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

François Hollande a annoncé, lundi, une possible extension de la JDC. Mais cet éventuel passage à une semaine laisse dubitatifs les jeunes rencontrés au centre du service national de Versailles.

"Il va falloir réveiller votre voisin, il est parti pour faire une nuit complète là", tonne Eric, capitaine de frégate dans la marine nationale. Fin de journée au centre du service national (CSN) de Versailles (Yvelines). Depuis 9 heures, des dizaines de jeunes appelés, âgés de 16 à 25 ans, effectuent leur Journée défense et citoyenneté (JDC). Malgré un taux de satisfaction, avancé par le centre, de 89% d'avis positifs en moyenne, les visages des appelés ne trompent pas : au mieux, la journée fatigue, au pire, elle ennuie.

"La dernière étape du parcours citoyen"

Héritière de la Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD), qui a changé de nom en 2011, cette journée a été mise en place en 1998 pour remplacer le service militaire. Objectif : achever de faire des jeunes Français des citoyens en les sensibilisant à l'appareil de défense nationale, en l'absence de conscription. "C'est la dernière étape du parcours citoyen", martèle Pierre, directeur du centre versaillais. Une perspective visiblement peu excitante pour les jeunes originaires des Hauts-de-Seine, d'Essonne, des Yvelines et du Val-d'Oise, convoqués ce mercredi 13 janvier.

"Avec les jeunes, c'est toujours comme ça", confie Nathalie, de la cellule partenariats et relations extérieures du CSN de Versailles. Le centre voit, en effet, passer du monde. Sur ses huit sites, il accueille 70 000 jeunes par an, un peu moins de 10% des appelés dans toute la France chaque année. Sur le site de Versailles-Chantiers, ce sont 21 000 jeunes qui effectuent chaque année leur JDC. 

"Du bac 'moins moins' au bac 'plus plus'"

En début de matinée, c'est au chef de session, Michel, de dissiper les a priori qui existent autour de la journée. Lorsqu'il s'adresse aux appelés autour d'un petit-déjeuner offert par le centre, ce quinquagénaire enjoué se veut rassurant, bienveillant : "Ne vivez pas cette journée de manière pesante, lance-t-il, désamorçant les critiques avant même qu'elles n'arrivent. Quoi que vous pensiez de cette Journée défense et citoyenneté, ce qui est important, c'est votre avenir." Au personnel encadrant, chargé de l'animation des trois groupes, répartis en trois salles, il offre un discours similaire, et insiste sur la solennité du moment : "Remettez les certificats, individuellement, c'est important pour les jeunes." La sécurité est aussi au cœur de ce dernier moment de préparation. "Au moindre souci avec un jeune, vous m'appelez, je le règle. On reçoit du bac 'moins moins' au bac 'plus plus'...", glisse-t-il.

En salle 3, le groupe de 43 jeunes donne pourtant une impression de relative homogénéité. A l'exception de quelques appelés sortis du système scolaire et quelques autres inscrits dans des formations professionnelles, une large majorité est en classe de première ou de terminale générale. Interrogés sur leurs aspirations professionnelles, les appelés répondent "ingénieur dans l'aéronautique", "informaticien", "journaliste" ou "médecin"

"Aujourd'hui, vous n'êtes plus sous la tutelle de l'Education nationale, vous dépendez du ministère de la Défense. Faites en sorte que ce soit votre journée", explique Fabien, enseigne de vaisseau dans la marine nationale. Ce grand barbu avenant est réserviste, et appartient avec Eric, son binôme du jour, aux personnels appelés pour encadrer les JDC. Ce sont eux qui doivent détailler aux appelés les missions des différents corps de l'armée française. 

Une opération de communication ?

Interrogé sur les objectifs de cette journée, le colonel Philippe Baleston, directeur de l'établissement du service national (ESN) Ile-de-France - organisme chargé de l'organisation des JDC dans la région, mais aussi en Picardie - se défend de toute "opération de recrutement". Il évoque une simple "mission d'information", même si la journée ressemble à une opération de communication pour les armées.

Un Monde instable, le court film diffusé pendant la journée, est ainsi présenté comme un panorama de l'actualité internationale des quinze dernières années. A travers les thèmes évoqués dans la vidéo  cyberterrorisme, jihadisme, pandémies et catastrophes naturelles – les encadrants trouvent un moyen d'illustrer la nécessité des forces de défense, et d'en expliquer la pertinence. Le colonel Philippe Baleston assure toutefois que les instances de recrutement ne sont que des "partenaires de la JDC, au même titre que l'Education nationale".

"Les animations sont plutôt longues, et pas assez interactives"

Les rappels sur la citoyenneté et les valeurs françaises font, en effet, écho à l'enseignement déjà dispensé au lycée. Pour Axel, 17 ans, "les informations sur la liberté, l'égalité et la fraternité, ça peut être intéressant, pareil pour le devoir de mémoire, mais on apprend déjà ça en éducation morale et civique". La JDC se veut toutefois un relai supplémentaire de l'enseignement scolaire au moyen d'un test de maîtrise de la langue française, réalisé à l'aide de télécommandes. Ce dispositif, composé d'une épreuve de vocabulaire et d'une épreuve de compréhension de texte, fait parfois sourire les jeunes présents face aux questions proposés : "Le mot seuil existe-t-il ?", "Le mot phébardage existe-t-il ?", "Le mot jolydène existe-t-il ?" Mais le test est, en fait, un moyen d'établir des statistiques sur l'alphabétisation, et de repérer les jeunes en difficulté, conviés au cours de la journée à des entretiens personnalisés. 

C'est, en effet, l'autre mission de la JDC : ramener les décrocheurs "sur le droit chemin", ou au moins les informer les alternatives qui existent : le droit au retour à la formation, le service militaire volontaire (SMV), le service civique, dont François Hollande soulignait l'importance dans ses vœux à la jeunesse, lundi 11 janvier. En l'absence d'une invitation directe à l'engagement des appelés, une heure est toutefois consacrée au processus d'intégration des corps armés. Même pour Gabriel, 18 ans, qui assure avoir déjà pensé à s'engager, "quelques-unes des informations sont un peu rasantes. Les animations sont plutôt longues, et pas assez interactives. Mais je ne vois pas tellement ce qu'on pourrait faire de plus"

"Une semaine, ça reste très long" 

François Hollande n'a pas détaillé, lundi 11 janvier, les modifications de contenu qu'impliquerait une extension de la JDC à une semaine. Interrogée sur le sujet, Nathalie, de la cellule partenariats et relations extérieures du CSN de Versailles, explique qu'elle a déjà vu un "jeune homme se présenter à sa JDC en tenue de sport, pensant qu'il y aurait des épreuves physiques. Peut-être que ce sera envisagé".

Pour le colonel Philippe Baleston, l'idée d'une évolution est dans les tiroirs depuis longtemps, et la JDC a déjà fait l'objet de plusieurs modifications : en 2011, la transformation de la JAPD en JDC a été un moyen de recentrer la journée sur les actions de la Défense. Depuis janvier, un "module de trente minutes sur la sécurité routière" remplace l'initiation au secourisme. Du côté des appelés, cette perspective d'extension de la journée inquiète. "Apprendre le maniement des armes, pourquoi pas, ça pourrait être intéressant, mais une semaine, ça reste très long", souffle Axel.

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