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"Tu es un espion ?" : avant leur départ dans des pays sensibles, les policiers et gendarmes sont formés aux pires situations

En région parisienne, les futurs attachés de sécurité intérieure s'entraînent à gérer des situations comme des enlèvements ou des filatures.

Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
En région parisienne, des policiers et des gendarmes participent à un stage avant de partir en mission dans des pays sensibles, en mai 2021. (DAVID DI GIACOMO / RADIO FRANCE)

lls sont en première ligne en cas d'enlèvement de ressortissants français, comme le journaliste Olivier Dubois qui annonce avoir été kidnappé par un groupe jihadiste au Mali. Les attachés de sécurité intérieure sont des policiers et des gendarmes rattachés aux ambassades françaises. Avant d'être envoyés dans les pays les plus sensibles, ces agents sont formés et entraînés dans un lieu tenu secret en région parisienne. Créée en 2017, cette formation s'intitule "stage pays crisogènes".

"Tu ne nous prends pas au sérieux ?" un otage français est assis en ce début de mai sur une chaise, dans une yourte, entouré de deux hommes armés. Les mains ligotées, il est interrogé par ses ravisseurs :
"On sait très bien ce que tu fais. Tu travailles à l’ambassade. Tu es un espion ?
– Je fais de l’import-export.
– Pourquoi tu vas à l’ambassade tous les jours ?
– Pour obtenir des contrats et des visas d’exportation.
– Ça te prend toute la journée ?
– C’est compliqué avec les interprètes.
– Toi, tu vas mal finir, embarquez-le ! Allez lève-toi !"

En région parisienne, des policiers et des gendarmes participent à un stage avant de partir en mission dans des pays sensibles, en mai 2021. (DAVID DI GIACOMO / RADIO FRANCE)

Ce n'est pas une série d’espionnage mais bien un exercice, les otages sont joués par de vrais policiers. Ils se préparent à rejoindre les ambassades de pays ultra sensibles. "Le prochain poste qui m'attend c’est Kaboul, attaché de sécurité adjoint en Afghanistan, explique un policier. Je pense que les journalistes qui vont là-bas vivent la même chose, on va dans des zones 'crisogènes', on sait qu’elles sont comme ça et c'est même pour ça qu'on demande ces postes."

Ce policier devra partir sans sa femme ni ses deux enfants, il est trop dangereux de faire venir sa famille. Jean-Luc, lui, sera attaché à l’ambassade du Caire, en Égypte. Commissaire d’expérience, il a déjà occupé plusieurs postes sensibles au Sahel. “Bien-sûr qu’on peut être pris en otage. J'ai vécu des situations d’attentat. En situation de stress intense et de difficultés, ce qui est important, c’est d’avoir de bons réflexes pour pouvoir agir. Ce genre de stage est bien sûr utile parce que ce qu’on apprend en situation d’entraînement peut nous sauver dans la réalité."

Prise d'otage, explosifs et filature

Lors de cette formation d’une semaine, 16 policiers et gendarmes, attachés de sécurité intérieure et officiers de liaison, sont entraînés et formés, avant leur prise de poste, en septembre prochain. Ils sont formés par des policiers d’élite du Raid et par une psychologue. Ce sont tous des policiers déjà expérimentés, le plus jeune a 36 ans, le plus âgé 60 ans. Ils apprennent à gérer une prise d’otage de ressortissants français, à détecter un explosif ou à secourir des victimes d’attentats. Ces agents bientôt affectés en Afghanistan, en Colombie, ou encore au Mali doivent aussi apprendre à ne pas être suivis. Il s'agit de la technique de la contre-filature, comme l’explique Sophie Hatt, directrice de la coopération internationale (DCI) : "Certains pays dans lesquels ils vont être en poste ont des dispositifs de renseignement extrêmement pointus. Il faut donc être en capacité de détecter une filature et de s’en défaire le plus rapidement possible."

En région parisienne, des policiers et des gendarmes participent à un stage avant de partir en mission dans des pays sensibles, en mai 2021. (DAVID DI GIACOMO / RADIO FRANCE)

Près de 300 policiers et gendarmes sont en mission diplomatique à l'étranger, ils couvrent 153 pays. Ils représentent le ministère de l'Intérieur, renseignent la France sur la criminalité organisée, coopèrent avec les services de police étrangers et gèrent les crises comme l'enlèvement au Mali du journaliste Olivier Dubois. "Dans les pays sensibles, on demande aux attachés de sécurité intérieure de savoir garder leur calme et leur sang-froid, de faire remonter aux autorités françaises une analyse de la situation, et des informations les plus précises possibles sur les différentes situations qu’ils rencontrent", explique Sophie Hatt. Ces agents partent pour des missions de deux ans, qui peuvent être prolongées jusqu’à quatre ans maximum.

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