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Vidéo L'armée française "doit être capable de défendre notre territoire pendant de longues durées", plaide le général Vincent Desportes

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Article rédigé par franceinfo
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Avec la guerre en Ukraine, l'Europe a révélé sa faiblesse, estime le général Vincent Desportes, professeur de stratégie militaire. "Il faut une capacité de défense autonome" et une "défense européenne", prône-t-il.

Emmanuel Macron va présenter la nouvelle revue stratégique de la France, mercredi 9 novembre dans la rade de Toulon. Une défense nationale et européenne qu'il faut absolument renforcer pour se préparer à des conflits de "longues durées", juge sur franceinfo le général Vincent Desportes, ancien directeur de l'École de guerre, professeur de stratégie militaire à Sciences Po et HEC.

franceinfo : Faut-il s'attendre à un virage important dans la manière dont la France finance ses armées ?

Vincent Desportes : Un virage important non, mais une confirmation. On a une évolution des budgets qui est claire. Nous étions à 33 milliards d'euros en 2017. On a eu un redressement certain. Nous allons arriver à 44 milliards. Le projet est d'arriver à 50 milliards en 2025.

"Le monde a changé : notre armée était prête pour un métier qui était celui des opérations ponctuelles. Désormais, le défi, c'est la menace sur le territoire national."

Général Vincent Desportes

à franceinfo

Notre défense doit être capable de se battre pour défendre le territoire national pendant de longues durées, comme la guerre en Ukraine aujourd'hui, contre un ennemi puissant et donc conduire une guerre de haute technologie. Donc il va falloir continuer l'effort de défense pour ramener l'armée française à la hauteur des défis qui ne manqueront pas de se produire et qui se produiront d'autant plus si l'armée française est faible ou demeure faible.

L'objectif pour la France, c'est de consacrer d'ici à 2025, 2% de son produit intérieur brut (PIB) à l'effort de défense nationale. Est-ce que c'est assez ? 

Ce n'est évidemment pas assez. Tous les pays européens sont en train de monter vers 3%, à cause des menaces qui apparaissent. C'est-à-dire à des budgets qui seront à peu près l'équivalent de ce qu'il était pendant la guerre froide. 

Serait-on capable aujourd'hui de se défendre face à la Russie, comme le font les Ukrainiens depuis février 2022 ?

Face à la Russie d'aujourd'hui, peut-être. Face à la Russie du 24 février, probablement pas. Nous n'avons pas été préparés pour cette guerre.

Aujourd'hui, la France, pour être clair, pourrait tenir dans cette guerre un front de 80 kilomètres, alors que le front en Ukraine en fait 1 300."

Général Vincent Desporte

à franceinfo

L'Ukraine dépense en une semaine en artillerie ce que l'industrie française produit en dix ans. Il faut redonner de la masse, il faut redonner de l'épaisseur. Nous n'avons pas de stocks de munitions, de pièces de rechange, nous ne pouvons pas durer.

On constate que le projet de défense européenne a du plomb dans l'aile. Quelle doit être la position de l'armée française là-dedans ? 

Cette guerre en Ukraine, le premier fautif, c'est l'Europe qui a été trop faible pour pouvoir faire valoir ses intérêts. Nous devons trouver notre autonomie stratégique pour éviter que ce qui s'est produit en 2022 se reproduise dans cinq ou dix ans. Et pour ça, il faut une capacité de défense autonome. Et le problème, c'est qu'effectivement cette guerre a cassé le moteur franco-allemand. Elle a divisé l'Europe entre les pays jusqu'au-boutistes et ceux qui ne le sont pas. Ce sera difficile, mais c'est absolument impératif. Il n'y aura pas de défense purement française. Il ne peut y avoir en Europe qu'une défense européenne et il faut donc travailler sur les deux axes.

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