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Décès de Marceline Loridan-Ivens : "Elle avait senti l'antisémitisme monter", selon l'écrivaine Judith Perrignon

L'écrivaine et cinéaste Marceline Loridan-Ivens est morte mardi à l'âge de 90 ans. Franceinfo a recueilli le témoignage de Judith Perrignon, avec qui elle a écrit deux ouvrages. 

Article rédigé par franceinfo
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Marceline Loridan-Ivens est décédée à Paris mardi 18 septembre à 90 ans (DANIEL FOURAY / MAXPPP)

Marceline Loridan-Ivens et la journaliste Judith Perrignon ont écrit deux livres ensemble. L'un paru en 2018 L'amour après et l'autre en 2015 Et tu n'es pas revenu, chez Grasset.  Deux ouvrages liés à la déportation vécue par Marceline Loridan-Ivens il y a plus de 70 ans. L'écrivaine est décédée mardi 18 septembre à Paris, à 90 ans.  

franceinfo : C'était difficile de poser cette histoire sur le papier ?

Judith Perrignon : Oui et non, Marceline est quelqu'un qui racontait, partait parfois dans de grands éclats de rire. Donc c'était à la fois très grave, on remuait des choses très douloureuses et en même temps, il y avait cette femme d'une légèreté, d'une générosité qui s'était protégée de son histoire et qui vous protégeait aussi. Plus on parlait et plus on cherchait à aller vers les souvenirs les plus enfouis. Jusqu'à la fin de l'écriture, lorsqu'elle relisait les textes, certains souvenirs lui revenaient.

Le titre Et tu n'es pas revenu s'adresse à son père. Quel était le but de ce livre ?

C'est avec son père qu'elle a été déportée. Lui n'est pas revenu. Je pense qu'elle avait envie d'un dialogue singulier avec lui à travers la mort, les années. Elle avait en tête, quand elle m'a rencontré, un mot qu'il avait fait passer dans le camp. Il avait pris un risque incroyable : faire passer un petit mot d'un bout à l'autre du camp, c'était inimaginable. Elle se souvenait du début, "ma chère petite fille" et de la signature, "Shloïme". Elle avait donc envie de lui répondre, lui dire ce qu'elle était devenue, comment elle avait survécu, etc... C'était un point de vue émotionnel, littéraire, historique et c'était magnifique de le faire avec elle.

Un an après Simone Veil, une voix de ces années s'en va. A une époque où la xénophobie réapparaît, c'est inquiétant ?

Oui, Marceline était une femme inquiète, elle avait senti l'antisémitisme monter. Elle était effrayée, elle avait des réactions presque d'enfant, elle était en panique devant tout cela. Ces dernières années à nouveau, ça l'obsédait, elle était très en colère, elle ne nous trouvait pas assez alertés. Seuls ceux qui ont vécu ça ont vu l'abîme dans laquelle l'humanité s'est engouffrée pendant la Seconde guerre mondiale. Même moi, qui aie passé du temps avec elle, je pense que je n'ai pas tout mesuré. On perd là des voix dont on aurait besoin.

Plus récemment, vous aviez raconté ensemble les hommes qui avaient marqué sa vie, dans L'amour après. Que retenez-vous de son goût pour la vie, de sa résilience ?

Je retiens quelque chose d'unique. Ce livre, c'était pour raconter des choses que les survivantes n'avaient jamais raconté : par exemple comment, en sortant des camps, leurs corps étaient bloqués, complètement congelés. Elles étaient adolescentes et se retrouvaient nues devant des officiers nazis, qui sont les seuls hommes à les avoir vues comme cela. Cela va avoir des répercussions dans leur construction en tant que femmes. 

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