Philip Roth était "le plus grand écrivain américain contemporain", estime François Busnel
"Il fait partie des plus grands écrivains tout court", a ajouté le journaliste littéraire, mercredi sur franceinfo, en hommage à Philip Roth, mort à l'âge de 85 ans.
Philip Roth était "quelqu'un d'absolument irremplaçable et unique", a salué, sur franceinfo, François Busnel, présentateur de La Grande Librairie sur France 5. L'écrivain américain est mort à 85 ans mardi 22 mai. "Il disait souvent que le métier de l'écrivain ce n'est pas d'avoir un avis sur tout, c'est d'écrire sur tout, tout ce qui est intéressant : l'état de la politique, l'état de l'économie, et, surtout, l'état des relations humaines", a poursuivi le journaliste littéraire.
franceinfo : Philip Roth disait avoir relu tous ses livres pour être sûr de ne pas avoir perdu son temps. Vous auriez sans doute pu le rassurer ?
François Busnel : Pour le coup, c'est vrai que Philip Roth est le plus grand écrivain américain contemporain, il fait partie des plus grands écrivains tout court, pour plusieurs raisons. D'abord parce que c'est celui qui, livre après livre, aura réussi à être le pourfendeur de la bien-pensance, avec une œuvre qui est à la fois insolente, provocatrice, dérangeante, et, à la fin, extrêmement sombre. Il était capable de parler de tabous, du désir, du sexe et de la mort, pas de manière pontifiante, mais avec beaucoup d'insolence et d'hilarité. Il faut rappeler que c'est un auteur comique : les premiers livres racontent des histoires où se mêlent les fantasmes érotiques, un humour persifleur, quelques embardées historiques, également, puisqu'il a raconté l'Histoire de l'Amérique de 1945 à l'après-11-Septembre. Vous pouvez tout à fait lire Roth avec cette grille-là, en vous disant "Si j'essaye de comprendre ce pays de la Seconde Guerre mondiale à la guerre au terrorisme actuelle", l'œuvre de Philippe Roth nous la raconte. Et puis, parallèlement, elle nous raconte la guerre des hommes et des femmes avec eux-mêmes, la guerre avec leurs parents, avec leurs regrets, avec le sexe, avec le désir, avec le mariage, avec le couple. C'est ça qui faisait de Philip Roth celui qui est le mieux à même, d'ouvrir au scalpel le corps social et le corps physique, et nous raconter ce qu'il y a dedans, avec un mélange d'humour, d'érudition, et de provoc.
Et en brouillant cette frontière entre fiction et réalité, entre autobiographie et fiction, puisqu'il s'était créé des doubles ?
Cela fait partie aussi des jeux de Philip Roth. Il ne faut pas oublier qu'il a commencé à être célèbre extrêmement tôt : à 26 ans, en 1959, Philippe Roth est d'une célébrité dont on n'a pas idée aujourd'hui. C’est-à-dire qu'il envoie un pavé dans la mare de l'Amérique puritaine en racontant l'histoire d'une jeune femme juive qui perd son stérilet dans une piscine. Scandale absolu pour l'époque !
Pour ceux qui aiment la littérature, la fiction, c'est sans doute le plus grand
François Busnelfranceinfo
Et puis il continue comme ça avec l'histoire d'un jeune juif qui va chez le psychanalyste et qui passe son temps à se masturber. Ensuite, à raconter de l'intérieur la manière dont les juifs pouvaient parfois se raconter, ce qui lui a valu d'être taxé d'antisémitisme. Et on a dit "Il est comme ça". Évidemment qu'il n'est pas comme ça : l'homme n'est pas comme son œuvre.
Quel homme était-ce, alors ?
On s'est rencontré une dizaine de fois au cours des quinze dernières années. C'était un homme qui était exactement l'inverse de l'image qu'il pouvait donner. En public, il pouvait donner l'image de quelqu'un d'extrêmement distant et froid, il détestait les interviews, il faisait très peu d'émissions de radio, quasiment jamais d'émissions de télé. Mais, en réalité, froid et distant, c'est l'image qu'il voulait donner. On avait affaire à quelqu'un d'incroyablement drôle, qui jouait de cette image-là, quelqu'un qui pouvait se montrer d'un comique brûlant, féroce aussi, très à l'écoute et immergé dans son monde, dans son œuvre. C'est quelqu'un qui n'était pas adepte des mondanités, il avait des amis avec lesquels il échangeait, mais il vivait dans son monde.
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