Annexe du tribunal de Bobigny à Roissy : "Cela ressemble à un Ellis Island à la française"
Pour le bâtonnier du barreau de Seine-Saint-Denis, Valérie Grimaud, l'annexe du tribunal de Bobigny à Roissy n'est pas un lieu de liberté. "Vous n'avez pas du tout le sentiment de rentrer dans un lieu dans lequel la justice va être sacralisée et rendue", s'indigne-t-elle.
Après plusieurs audiences expérimentales, une annexe du tribunal de Bobigny a ouvert, ce jeudi, au pied des pistes de l'aéroport de Roissy. Elle doit statuer sur le sort des étrangers non admis sur le territoire français. Un dispositif dénoncé sur franceinfo par Valérie Grimaud, bâtonnier du barreau de Seine-Saint-Denis. Cette disposition constitue, selon elle, une "atteinte à la publicité des débats", "un des principes fondamentaux de la garantie du procès équitable".
Selon Valérie Grimaud, "le barreau de Seine-Saint-Denis est totalement mobilisé sur cette question, et totalement soutenu par l'ensemble des institutions de la profession d'avocat en France". Les avocats s'inquiètent des "garanties du procès équitable, qui est un fondement de l'équilibre judiciaire. Ces garanties ne sont pas là, nous l'avons signalé très vite", justifie-t-elle, en soulignant que le Défenseur des droits Jacques Toubon a aussi "demandé la suspension de cette salle d'audience".
"Quand on isole un lieu de justice, on l'affaiblit, on le cache"
Les personnes jugées se déplacent, d'ordinaire, au tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny (Seine-Saint-Denis). "Au prétexte de leur éviter un déplacement qu'on nous dit contraire à la dignité, on a installé dans la toute proximité du lieu d'enfermement, et sur des bords de piste d'aéroport, une salle d'audience, totalement isolée, totalement à l'extérieur de toute zone d'habitation", décrit Valérie Grimaud.
"Tout citoyen français doit voir facilement comment est rendue la justice en son nom. Quand on isole un lieu de justice, on l'affaiblit, on le cache. Et cela devient comme dans certains États : quand la justice n'est pas rendue dans un lieu symbolique, protégé, totalement autonome que toute autre force que celle de la justice, on peut avoir des inquiétudes", s'émeut-elle.
"On les parque dans une zone dont ils ne sortiront plus"
"Il est indigne à compter du moment où il se présente de l'extérieur comme un lieu d'enfermement (...) Vous n'avez pas du tout le sentiment de rentrer dans un lieu dans lequel la justice va être sacralisée et rendue", s'indigne Valérie Grimaud, pour qui cette salle d'audience fait "sentir une pression", et n'est "pas un lieu de liberté".
S'agissant de l'argument selon lequel les démarches seront plus rapides, Valérie Grimaud commente : "Je n'en doute pas. Mais je ne suis pas sûre que ce soit au bénéfice de l'équilibre et du respect de la dignité. Maintenant, il faut savoir comment, nous, patrie des droits de l'Homme, garantissons l'équilibre judiciaire". "Cela ressemble à un Ellis Island à la française. On les parque dans une zone dont ils ne sortiront plus", conclut-elle.
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