Karting à la prison de Fresnes : Eric Dupond-Moretti est "un ministre qui fait des claquettes devant l'extrême droite", selon les oppositions
Le garde des sceaux a ordonné samedi 20 août une enquête administrative après la polémique suscitée par la diffusion des images d'épreuves du jeu "Kohlantess", organisé fin juillet à la prison de Fresnes.
Un ministre à front renversé. Eric Dupond-Moretti a annoncé sur Twitter, samedi 20 août, l'ouverture d'une enquête, "pour que toute la lumière soit faite" sur les images de la compétition "Kohlantess", un jeu entre détenus et surveillants, inspiré du jeu de TF1 Koh-Lanta, au sein de la prison de Fresnes (Val-de-Marne).
Après les images choquantes de la prison de Fresnes, j’ai immédiatement ordonné une enquête pour que toute la lumière soit faite. La lutte contre la récidive passe par la réinsertion mais certainement pas par le karting !
— Eric Dupond-Moretti (@E_DupondM) August 20, 2022
Le garde des Sceaux a d'emblée évoqué des "images choquantes" à propos notamment de la course de karting organisée dans la cour de la prison... avant de se retrouver bien isolé. Très vite, le Garde des Sceaux a été accusé de céder à l'extrême droite, en première ligne dans la dénonciation de cet évènement au sein de la prison de Fresnes : certains s'étonnent donc de cette prise de position d'Eric Dupond-Moretti, que ce soit chez les Insoumis ou chez les écologistes. Mais aussi au sein de la majorité, elle-même.
"Il a totalement changé de fusil d'épaule"
Avec sa voix plutôt classée à gauche au sein du gouvernement, dès juillet 2020, pour sa première visite en tant que garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti avait d'ailleurs choisi Fresnes et s'était alors dit "préoccupé" par les conditions de détention. L'ancien avocat pénaliste connu pour ses nombreux acquittements avait même été applaudi par des détenus, criant au moment de son passage "viens nous défendre" et chantant "acquittator", son surnom.
Deux ans plus tard, tout est différent. Les images de la course de karting, organisé le 27 juillet, diffusées sur les réseaux sociaux vendredi 19 août, ont fait réagir plusieurs élus du Rassemblement national et des Républicains, comme le député Éric Ciotti. Eric Dupond-Moretti réagit vite et fort aux surenchères de plusieurs personnalités de la droite et proches de l'extrême droite. "Il a totalement changé de fusil d'épaule par rapport à son acte fondateur", glisse un cadre de la majorité.
D'un côté, le ministre a trouvé les images "choquantes" et ordonné immédiatement une enquête, de l'autre, aucun mot sur les conditions de détention difficiles alors que le centre pénitencier de Fresnes comptait, au 1er janvier 2022, 1 956 détenus pour 1 531 places, quitte donc à s'attirer les foudres de la gauche. Et le sénateur écologiste Thomas Dossus de parler d'un ministre "qui fait des claquettes devant l'extrême droite".
"Il a sans doute compris qu'une position nuancée ne serait pas tenable dans l'opinion."
Un conseiller ministériel,à franceinfo
"Un nouvel adhérent à la ligne Darmanin"
Pendant les législatives, Eric Dupond-Moretti a multiplié les déplacements sur le terrain pour, disait-il alors, "faire barrage au RN". Un résultat qui n'a pas toujours été au rendez-vous : la venue du ministre au charisme indéniable en Gironde, dans les Bouches-du-Rhône, ou dans la Somme n'a en effet pas empêché les candidats RN d'être élus. Lors des élections régionales, en juin 2021, il figurait sur la liste menée dans les Hauts-de-France par le secrétaire d’Etat aux Retraites d'alors, Laurent Pietraszewski. Une candidature notamment pour défier le Rassemblement national. Résultat : une élimination dès le premier tour avec 9,13 % des voix, loin derrière la liste RN de Sébastien Chenu (25,64 %).
Alors Eric Dupond-Moretti est-il en train de revoir sa stratégie ? "Il y a un nouvel adhérent à la ligne Darmanin", raille un cadre de la majorité pour qui le Garde des Sceaux, en non-professionnel de la politique, "subit les évènements davantage qu'il ne donne le 'la'". Pas de stratégie donc. Pour un autre conseiller, au contraire, le ministre "voit bien que ce n'est pas en incarnant une justice laxiste qu'il va peser dans l'opinion et dans un gouvernement qui penche à droite".
Emmanuel Macron lui a renouvelé sa confiance en le maintenant Place Vendôme en ce début de nouveau quinquennat. Les soupçons de prise illégale d'intérêt qui continuent de peser sur le ministre de la justice n’ont pas constitué un frein à sa reconduction.
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