Retraites : les personnes divorcées devront-elles faire une croix sur la pension de réversion de leur ex-conjoint décédé ?
Dans le système actuel, une personne divorcée peut toucher une partie de la retraite de son ex-conjoint décédé au prorata de la durée du mariage. Une mesure que pourrait supprimer la réforme du gouvernement.
Le projet de réforme des retraites aggravera-t-il les inégalités hommes-femmes ? Plusieurs associations et collectifs s'inquiètent en tout cas du sort réservé aux personnes divorcées, et en particulier aux femmes, dont les pensions sont généralement plus faibles. Dans le projet de loi actuel, cette question a été renvoyée à une ordonnance future. Mais le collectif Nos retraites, un rassemblement de citoyens opposés au texte, l'assure : "Le gouvernement a prévu de supprimer un droit qui existe actuellement pour les conjoints divorcés."
Dans le système actuel, lorsque l'un des conjoints meurt, l'époux survivant touche une partie de la retraite de la personne décédée, sous certaines conditions, comme l'explique le site Service public. C'est ce qu'on appelle la pension de réversion, touchée à 90% par des femmes. Cela représente une rente mensuelle moyenne de 700 euros. Les personnes divorcées peuvent elles aussi toucher une partie de la pension de leur ex-conjoint disparu. Cette dernière est alors calculée en fonction du nombre d'années passées ensemble.
Une question confiée au juge ?
Le rapport remis, en juillet 2019, par l'ancien haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, préconise de supprimer purement et simplement (PDF, p. 75) ce système pour les personnes divorcées à partir de 2025. L'objectif : réaliser près de 2 milliards d'euros d'économie, selon l'étude d'impact du rapport. "Les femmes divorcées n'auraient donc pas accès à un seul centime de la pension de leur ex-mari décédé. C'est un texte très régressif dans son ensemble", déplore le collectif Nos retraites.
Pour compenser la disparition de ce système, le rapport Delevoye prévoyait de confier au juge des affaires familiales l'épineuse tâche de régler cette question dès le moment du divorce, en augmentant le montant des prestations compensatoires. "Dans l'état actuel du droit, le juge des affaires familiales n'a pas les outils, il ne sait pas et ne peut pas évaluer la perte de la réversion", conteste pourtant Nicolas Graftieaux, avocat spécialisé dans le droit de la famille interrogé par l'AFP, pour qui "il est trop souvent impossible pour l'époux de verser une somme suffisante pour compenser la perte de la réversion".
Le Haut Conseil à l'égalité s'inquiète
Dans le projet de loi, la question a pour l'instant été renvoyée à une ordonnance. Elle fait également l'objet d'une mission confiée à Bertrand Fragonard, membre du Haut Conseil de la famille, et Anne-Marie Leroyer, professeure spécialiste du droit de la famille. "Ils sont fébriles", estime Agathe, du collectif Nos retraites. "Au moment où l'on commence à toucher du doigt les effets réels de la réforme, le gouvernement cache les chiffres", estime-t-elle, arguant du fait que "dans l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi, le gouvernement a purement et simplement supprimé le cas des femmes divorcées".
Le Haut Conseil à l'égalité femmes-hommes s'est d'ailleurs récemment inquiété de la suppression de ce système, plaidant pour son maintien. Dans une tribune publiée par Le Monde le 23 janvier, un collectif de chercheurs et d'universitaires s'est lui aussi ému de cette disparition programmée. "Mariées ou non, les femmes continuent en effet d'assurer l'essentiel du travail parental tandis qu'elles accumulent moins de richesse que leurs conjoints tout au long de leur vie", peut-on y lire. "La réforme des retraites ne se soucie guère de ces enjeux", dénoncent-ils.
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